20 ans ! C’est dans la boite !!!
Eric Brac de la Perrière, directeur général d’Eco-Emballages et son équipe invitaient les 4 et 5 décembre de très nombreuses structures impliquées, des industriels, mais aussi des collectivités locales ayant emboité le pas de la collecte sélective, rapidement, ceci dans le cadre de débats organisés sous forme de tables rondes…
On ne peut pas plaire à tout le monde...
S’il est avéré que l’éco-organisme est heureux du parcours accompli, les collectivités se montrent un tantinet grognonnes...
Eco-Emballages annonce que le taux de recyclage des emballages ménagers est passé de 18% à 64%, en 20 ans. Au demeurant, une étude de l’institut de sondages BVA montre que les Français sont très majoritairement (91%) convaincus de l’utilité de trier ses déchets et savent assez bien (89% de bonnes réponses) quoi faire de tel ou tel emballage, ce qui limite les erreurs de tri. La quasi-totalité de la population (99,4 %) est aujourd’hui desservie par un dispositif de collecte sélective, ce qui signifie « la fin de la conquête géographique », note Eric Brac de la Perrière, qui se félicite du « phénomène de société » que constitue la banalisation du tri des emballages ménagers ; il voit même un « vrai succès partenarial public-privé, au-delà des confrontations, notamment financières », qui ont égratigné la qualité des relations entre les collectivités locales, gestionnaires des déchets, et les industriels, actionnaires d’Eco-Emballages.
L’étude tend à montrer aussi (mais on ne sera pas surpris) que « c’est la faute au gouvernement » qui laisse faire, si l’environnement se dégrade. Les personnes interrogées attendent beaucoup des maires et notamment qu’ils s’impliquent, mais aussi des industriels qui devraient préciser les consignes de tri sur les emballages. Ce sera fait progressivement puisque la loi prévoit que cette information sera généralisée d’ici à 2015.
L’éco-organisme, société anonyme agréé par les pouvoirs publics ayant pour actionnaires les industriels contributeurs dans le cadre de l’instauration de la REP, responsabilité élargie du producteur, est chargé de reverser aux collectivités territoriales des sommes plus ou moins coquettes, dès lors que la collecte sélective mise en œuvre donne un peu, beaucoup, ou pas du tout de satisfaction, eu égard aux prescriptions imposées et au barème validé par l’Etat.
Les collectivités considérant volontiers que ce n’est pas assez puisque les sommes allouées ne couvrent que trop partiellement les coûts effectifs de ces collectes sélectives.
En face, des industriels qui payent leur obole (en répercutant sur le porte monnaie des consommateurs dans leur large majorité) : environ 50 000, ils ont tout mis en œuvre pour pratiquer l’éco-conception et produire des emballages nettement plus légers (avec à la clé des économies d’achat de matières premières, et une production moindre de déchets d’emballages en tonnage). C’est ainsi que l’on nous annonce par exemple, que grâce aux prouesses techniques, une bouteille d’eau en matière plastique pèse 30 grammes en moyenne, contre 45 gr, il y a 20 ans. Il en va de même des emballages en verre et en métal : tous les types d’emballage ont bel et bien « maigri » au fil de ces 20 dernières années.
Le temps passe, les performances sont réelles, les agréments se succèdent jusqu’au dernier en date, qui fait grogner dans les chaumières : il vise un taux de recyclage des déchets d’emballages de 75% (conformément aux lois Grenelle), ce qui veut dire qu’il sera nécessaire de capter environ 400 0000 tonnes de plus. Bien. Là où le bât blesse c’est sur le nerf de la guerre, à savoir les pépettes…
Parce qu’il est question, légalement parlant, de couvrir 80% des coûts supportés par les collectivités dans le cadre de la collecte de ces déchets. Si Eric Brac de la Perrière se veut rassurant en déclarant que «nous sommes à 76%, nous y parviendrons» (et quand bien même, cela signifie aussi que le contribuable prend les 20% restant à sa charge, via la fiscalité locale).
A ce stade du débat, le sujet divise ; c’est le moins que l’on puisse en dire. Que ce soit le Cercle National du Recyclage ou Amorce, les deux principales associations regroupant les collectivités locales, râlent!
«Le Grenelle avait fixé à 80% du coût net optimisé la part d’Eco-Emballages en 2012», dénonce Gilles Vincent, président d’Amorce, rappelant aussi que le principe de la REP, c’est de faire payer l’addition au consommateur et non au contribuable. C’est le consommateur qui choisit de consommer « emballé » et non le contribuable. C’est donc au consommateur de faire pression sur l’industriel, voire à réapprendre à consommer autrement.
«Au lieu de cela, Eco-Emballages lie cet objectif de 80% à l’atteinte d’un taux de recyclage de 75% (contre environ 68% aujourd’hui)», poursuit le président d’Amorce qui précise d'ailleurs sa pensée, en dénonçant une aberration : consommateurs et contribuables paient 1,33 fois le coût effectif de la collecte!!! Et comme tout le monde n'est pas contribuable dans ce pays, inutile de dire que les contribuables qui trinquent ne le font pas à moitié!!!
A cela s'ajoute un autre argument de poids que le président d'Amorce envoie sans emballage ou fioriture : les dernières tonnes seront les plus chères à aller chercher ; pas question pour les collectivités locales d'aller les récupérer, sans billes dans le sac.
Et d'insister sur la part trop faible des sommes collectées qui sont reversées aux collectivités, mais aussi sur une pression insuffisante exercée par Eco-Emballages sur les industriels (lesquels sont actionnaires d'Eco-Emballages, faut-il le rappeler : est-ce facile pour les dirigeants d'une SA, de taper sur l'actionnariat? Ambigue que cette question là...).
Cela étant dit, ce n’est pas le tout de collecter ! Il faut aussi recycler !
Collecter c'est bien ; recycler, c'est mieux!
Noël Mangin, délégué général de Procelpac rappelant qu’il « faut user mais ne pas abuser de la matière, celle-ci devant durer le plus longtemps possible »…, rappelant par ailleurs qu’on « en vient à d’autres comportements, grâce –ou à cause – de la crise » que c’est une « bonne chose que de cesser de gaspiller »…
Jérôme Fessart, patron de Verallia (verrier producteur de 25 milliards de bouteilles et pots dans le monde, via ses 50 usines réparties dans 15 pays), indiquant quant à lui ô combien l’économie circulaire lui parle, « la collecte et le recyclage du verre permettant par exemple à notre usine de Champagne de produire les emballages destinés à ce précieux breuvage à partir de plus de 80% de calcin »…
Et d’ajouter que pour « l’industrie du verre, la matière recyclée a intégré le quotidien des usines depuis plus de 30 ans » en France…
Evidemment, les performances pour ce qui concerne le plastique ne sont pas les mêmes. Mais, rappelle Carlos de Los Llanos, directeur du recyclagechez Eco-Emballages, si le plastique n’est pas le plus facile à recycler, il bénéficie de circonstances atténuantes, puisqu’il est le matériau le plus jeune. « Si les débats fondamentaux ont été plus délicats, force est de constater que de très belles techniques de recyclage ont été développées pour recycler ces matières » …
Cela étant, s’il admet que recycler du plastique « coûte cher », il rappelle que 50% des cotisants à Eco-Emballages appartiennent au secteur de l’emballage plastique… « La question qu’il est bon de se poser, c’est de savoir jusqu’à quel seuil et jusqu’à quel prix, recycler »…
« On ne peut pas dire : on va tout faire et très vite. Il est fondamental d’être pragmatique. D’ores et déjà, Eco-Emballages a consacré 30 millions d’euros afin de développer le recyclage des matières plastiques »…
François Loos, président de l’Ademe rappelant à ce stade du débat, que les matières triées restent un déchet, juridiquement parlant. Et que les déchets « n’ont pas vraiment le droit de passer les frontières, même si elles s’exportent malgré tout »…
Pavé dans la mare ? Peut-être… Mais peu importe après tout, puisque la donne est en train de changer, afin de mettre progressivement en adéquation les réalités économiques du recyclage et le statut juridique de ce qui est trié et recyclé dans les règles de l’art…
Et le Sénateur du Lot, Gérard Miquel, d’insister sur « la nécessité d’arrêter de compliquer les choses outre mesure » (…) « Recycler les déchets, c’est possible, ce qui perturbera évidemment les équilibres du moment, notamment pour ce qui touche à la valorisation thermique »… Allant plus avant dans son argumentaire, le sénateur analyse que la « valorisation de la matière organique est fondamentalement importante pour notre pays » ; « or, un compost même respectueux aux normes, ne pourrait pas sortir du statut de déchet », ce qui constitue un comble …
« J’ai travaillé avec Eco-Emballages depuis ses débuts : les consignes de tri ayant été ce qu’elles étaient, j’ai désobéi et ai organisé quand même, sur mon département, la collecte des films plastiques » : 600 tonnes par an dans le Lot, ce qui correspond à environ 240 000 tonnes à l’échelle nationale.
« Pour autant, les films plastiques n’entraient pas dans les consignes de tri telles que prônées par Eco-Emballages. Trouvez-vous cela normal, quand des unités de recyclage françaises sont en quête de matières », interroge l’élu !? « Je le répète : il ne faut pas complexifier outre mesure… On a peut être empêché certains développements industriels en raison de ces consignes trop strictes »…
Reprenant la balle au bond, Jean-Luc Petithuguenin, patron de Paprec confirme qu’il ne « faut pas opposer les systèmes » et affirme que « lorsque les taux de recyclage à atteindre sont trop élevés, les coûts pour y parvenir sont trop lourds, ce qui va à l’encontre du recyclage (…). Le curseur doit être à sa place, et non trop haut placé. Sachez en tout cas, que les plus belles usines de recyclage des matières plastiques se situent actuellement en France. Si les contraintes techniques pour parvenir à ce seuil d’excellence ont été réelles, et non imaginables pour le commun des mortels, les performances sont effectives et on peut en être fiers ».
Voir aussi Déchets d'emballages ménagers : changement de braquet