Adoption du projet de loi Grenelle 2 : un pétard mouillé ?

Le 12/10/2009 à 14:00  

Adoption du projet de loi Grenelle 2 : un pétard mouillé ?
Sénat Après 3 semaines de débat en séance publique, où il a été essentiellement question (au cours de l’examen de près de 900 amendements) de nos territoires, de leur aménagement, de leur équilibre, de leur économie et de leur avenir, le Sénat a adopté ce jeudi 8 octobre le projet de loi portant engagement pour l’environnement dit "Grenelle 2"...

En quelques points, voici les principales avancées du texte :

Urbanisme et Bâtiment

Des mesures ont été prises pour favoriser la généralisation des SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) sur tout le territoire en 2017.

Les SCOT prennent dorénavant en compte la remise en état des continuités écologiques.

L’enquête publique des schémas régionaux d'aménagement sera soumise aux dispositions de la loi Bouchardeau et sera donc plus démocratique.

L’article 15 bis qui tendait à instituer une dérogation à la loi Littoral pour la mise aux normes des exploitations agricoles a été supprimé. Par les modifications proposées, cet article aurait eu pour conséquence d’autoriser les constructions ou les installations d’activités agricoles près des rivages de la mer et dans les espaces remarquables du littoral.

Transports

La modulation des péages autoroutiers en fonction des normes d’émissions de CO2 pour les voitures, comme pour les camions, va dans le sens d’une meilleure prise en compte de la lutte contre les changements climatiques. Elle doit conduire à l’amélioration de l’efficacité énergétique du parc de véhicules.

L’obligation d’information environnementale concerne dorénavant tous les prestataires de transports. Un pas de plus a été fait pour sensibiliser le monde des transports au coût environnemental de leur activité. Le prestataire doit informer le bénéficiaire de la quantité de dioxyde de carbone entraînée par le mode de transport proposé.

La possibilité, pour les collectivités locales, les habitations et les lieux de travail, de créer et d’entretenir les infrastructures de charge nécessaires à l’usage de véhicules électriques ou hybrides rechargeables.

Grenelle Environnement Energie

La diffusion annuelle des données des schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie, des bilans des émissions de gaz à effet de serre (GES) et des plans climat-énergie territoriaux sous un format uniforme.

La possibilité donnée aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale de faire réaliser, par les gestionnaires des réseaux, des actions tendant à maîtriser la consommation d'électricité ou de gaz.

La faculté donnée aux petites communes de réaliser aussi des plans climat-énergie.

Agriculture

La publicité de la condamnation pénale des personnes physiques pour la commercialisation et distribution de produits phytopharmaceutiques sans agrément. Cela renforcera l’effet dissuasif de la sanction.

Afin de garantir son sérieux, il a été précisé que seules les exploitations du niveau 3 (HVE : la plus exigeante) de la certification environnementale pourront faire valoir la mention "exploitation de haute valeur environnementale".

La commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques sera désormais consultée en cas de dérogation à l’interdiction de l’épandage aérien de pesticides.

L'interdiction ou la limitation au minimum de l’utilisation des pesticides dans les parcs, les jardins publics, les terrains de sport, les cours de récréation, les enceintes scolaires et les terrains de jeux, ainsi qu’à proximité d’infrastructures de santé publique.

Biodiversité

L'inclusion dans la définition de la TVB (Trame verte et bleue) des milieux nécessaires aux continuités écologiques. La version précédente ne comprenait que les couloirs reliant ces milieux naturels. L’importance de cette modification est bien illustrée par l’exemple des batraciens : la continuité écologique consistera en un réseau de mares suffisamment dense, et non un lien entre deux mares au milieu de nulle part.

La prise en compte du maintien du bon état écologique des écosystèmes aquatiques comme objectif de la TVB.

La remise en bon état des continuités écologiques est maintenant incluse dans le titre même des orientations nationales afin de le rendre cohérent avec le reste de la loi.

Santé

La création d’un nouveau chapitre sur l’évaluation de la qualité de l’atmosphère. Les problématiques air climat et énergie sont si liées qu’il convient de les traiter de manière conjointe et cohérente, ce qui n’a pas toujours été le cas.

La création dans le code de l’environnement d’une nouvelle section qualité de l’air intérieur.

déchets d'emballage Déchets

Les pharmacies sont maintenant tenues de collecter gratuitement les DASRI (Déchets d’activités de soins à risque infectieux). Seule l’obligation pour une collecte des médicaments existait à ce jour.

Les bouteilles de gaz à usage individuel sont soumises à une consigne minimum fixée par décret pour inciter les utilisateurs à retourner ces bouteilles pour que leur fin de vie soit correctement gérée.

L'obligation d’un point de collecte des déchets d’emballage dans les supermarchés de plus de 500 m².

Entreprises

Les informations environnementales concernant les filiales des entreprises se trouvant sur le sol français seront publiées filiale par filiale lorsque celles-ci comportent une installation classée soumise à enregistrement ou autorisation.

Dans le cas où une filiale de société se trouve dans l’incapacité de financer la réparation de dégâts environnementaux provoqués par elle, et si la société mère a été reconnue fautive pour cette situation, il sera possible d’impliquer la société "mère", voire la société "grand-mère" dans cette réparation.

L'extension aux coopératives, banques, mutuelles et autres sociétés d’investissement de l’obligation d’un rapport annuel sur la prise en compte du développement durable dans le choix de leurs investissements.

Gouvernance

La composition des CESE (Conseils économiques, sociaux et environnementaux) régionaux reprend celle du Conseil économique, social et environnemental établie par la Constitution, et comprendra donc un pôle environnemental en proportion.

Dominique Voynet "C’est donc sur la base d’un texte considérablement renforcé et enrichi que les travaux vont maintenant se poursuivre devant l’Assemblée nationale", peut-on lire dans un communiqué du MEEDDM. Jean-Louis Borloo y salue également "l’avancée majeure que représente le vote du Sénat pour prendre en charge notre mutation écologique".

C'est loin d'être l'avis de Dominique Voynet : dans un communiqué intitulé "Grenelle 2 : tout ça pour ça ?", la sénatrice "verte" exprime sa déception et son amertume. Morceau choisi : "Au terme de plusieurs mois de travail, en commission et en séance, il faut aujourd'hui l'admettre : on est encore et toujours au stade des bonnes intentions... Le texte soumis aux sénateurs dans la soirée du 8 octobre constitue un catalogue hétérogène, marqué par les incessantes pressions des lobbies, qui auront sans vergogne et à chaque minute tenté de revenir sur les acquis de la 1ère loi, comme par la volonté de ménager chèvres et choux, et de prendre en compte les promesses contradictoires faites au fil du temps. Devant le renoncement du gouvernement à matérialiser dans la loi les espoirs qu'avait suscités la large consultation du Grenelle Environnement, j'ai donc voté, avec un réel sentiment de tristesse, contre ce texte".

"Si l'on considère les enjeux auxquels l'humanité se trouve confrontée, ce sont 18 mois de perdus. Le plan de communication du gouvernement, qui tente de repeindre de vert jusqu'aux autoroutes, ne fait plus illusion. Face au dérèglement climatique, les promesses, les proclamations et les moulinets de bras ne suffisent plus. Un bilan se juge sur des actes, et celui-là est bien maigre", conclut Mme Voynet.

En complément de cet article, nous vous renvoyons à la lecture de notre dépêche : Loi Grenelle II : premier bilan à mi-parcours.