Agrocarburants : plus que jamais une fausse bonne idée ?
Le bilan carbone et le bien-fondé des agrocarburants est à nouveau remis en question suite à la publication d’une enquête de Greenpeace qui s’est efforcée de mettre en lumière, dans 9 pays européens, les différents composants des agrocarburants et leurs provenances. La France est l’un des plus mauvais élèves, puisque son biodiesel est composé à environ 30% de matières premières importées de pays tropicaux (huile de soja surtout, et huile de palme)...
Dans son rapport intitulé "Le biodiesel testé, comment la politique européenne en matière d’agrocarburants menace le climat" (disponible ici en anglais), l'association Greenpeace dévoile les résultats d’une enquête menée par un laboratoire spécialisé. Ce dernier a analysé 92 échantillons de biodiesel, recueillis dans les stations essence de 9 pays européens. Résultats : les agrocarburants, qui sont présents jusqu’à hauteur de 7% dans le carburant analysé, ont été fabriqués presque exclusivement à partir d’huile de palme, de colza et de soja. Or, dans un rapport à paraître, la Commission européenne établit un lien entre la culture du soja, du colza et de l’huile de palme, et la destruction des forêts. En effet, il faut prendre en compte les déplacements de cultures ou "changements d’affectation des sols" : les agrocarburants monopolisent des espaces alloués auparavant à d’autres cultures, qui sont donc elles-mêmes déplacées, souvent sur des espaces naturels tels que les forêts. Sachant que la déforestation est responsable de 20% des émissions de GES au niveau mondial, les filières biodiesel européennes sont donc plus néfastes pour le climat que les filières diesel fossile.
Toujours selon le rapport de Greenpeace, le biodiesel français est en tout et pour tout fabriqué à plus de 90% avec de l’huile de palme, de soja et de colza. Mais surtout, la France est en tête des pays utilisateurs d’huile de soja, un produit qui n’est pas du tout cultivé dans l’Hexagone, ce qui dégrade encore plus le bilan carbone du biodiesel français. "Le gouvernement impose l’incorporation de 7% d’agrocarburant dans le diesel français et dans l’essence. Les automobilistes n’en savent rien et c’est le contribuable qui subventionne très largement une filière qui n’est pas économiquement viable. Plusieurs milliards d’euros ont d’ailleurs été engloutis en pure perte depuis 2005. Les agrocarburants sont donc une fausse solution pour le climat et l’environnement, mais aussi pour l’économie", explique Jérôme Frignet, chargé de campagne Forêts pour Greenpeace.
Dans le cadre de la politique européenne, le gouvernement français a prévu d’augmenter de 30% l’utilisation de biodiesel d’ici 2020. "Si cet objectif est maintenu, la situation va encore s’aggraver", selon Greenpeace. Cette dernière donc donc demande à la Commission européenne de proposer une législation visant à éliminer tous les agrocarburants qui endommagent le climat au lieu de le protéger. Pour y parvenir, il faudrait prendre en compte la totalité des impacts des agrocarburants, y compris le déplacement des cultures alimentaires au détriment des espaces naturels ; exiger des producteurs qu’ils rendent publiques la constitution et la provenance des matières premières utilisées pour leurs biodiesels ; exclure des mesures incitatives et des autres avantages liés aux énergies renouvelables les fabricants des agrocarburants responsables d’émissions excessives de GES.