Ascoval : le bout du tunnel, enfin!
En janvier 2018, les salariés, alors en grève, ont conclu avec l’État et les Hauts-de-France un accord de 12 millions d’euros garantissant leur emploi pendant un an et prévoyant de financer un éventuel plan social. Mais fin février 2018, le propriétaire et fondateur du site Vallourec surprend son monde en annonçant la fermeture de sa ligne de production de Saint-Saulve. Au demeurant, les salariés plaident l’abandon et évoquent une possible attaque en justice pour «préjudice moral» contre leur (bientôt) ex-propriétaire. L’avocat parisien qui pourrait les défendre, Me David Métin, ayant déclaré à l’AFP attendre la décision du tribunal jeudi pour étudier cette éventuelle procédure.
De son côté, le chef de l’État assurait en novembre dernier sa volonté de «sauver» Ascoval, avant qu’un mois plus tard, un plan de financement «solide» soit trouvé avec le groupe Altifort, une offre qui sera validée le 19 décembre 2018 avant de sombrer deux mois plus tard du fait de « difficultés de financement», avait-t-on déclaré à l’époque, dans l’entourage du président de région, Xavier Bertrand. Dans celui du ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, le ton était plus âpre : « Altifort a trompé tout le monde»... L’offre d’Altifort a donc été retirée et l’affaire renvoyée au 27 mars, puis au 24 avril, puis au… jeudi 2 mai, des sursis accordés par la justice pour éviter le pire..
Ce jeudi marque donc la fin d’une longue série d'angoisses et de rebondissements pour les salariés de l'aciérie Ascoval, consommatrice de ferrailles. La société britannique British Steel, propriété du fonds Greybull Capital qui avait racheté des actifs de l'Indien Tata Steel en Europe constitués de produits longs, spécialisée de longue date dans cette activité reprendra le sidérurgiste français, ainsi que l'ensemble des salariés, au grand soulagement des délégués syndicaux.
Trois autres offres étaient à l'étude des juges de la chambre commerciale du tribunal de grande instance (TGI) de Strasbourg. La première, Calvi Networks fabricant italien d'aciers spéciaux, dont le projet était jugé solide, a rapidement retiré sa candidature faute d’avoir pu boucler son plan de financement. Venaient ensuite le fonds SecuFund Industry et l’industriel régional Pascal Cochez : ces deux offres semblaient faibles face au «seul projet sérieux», selon les termes de l’avocat de l’entreprise, Me Guilhem Brémond, à savoir celui du britannique.
Le britannique, justement, qui par le biais de cette reprise, assurerait non seulement, une meilleure assise quant à son positionnement en qualité de sidérurgiste européen, mais également une position plus favorable pour ce qui touche aux économies de taxe carbone qu'elle pourrait réaliser avec cette aciérie tournant à l'électricité face aux hauts fourneaux d'outre-Manche, sans compter une forme d'anticipation s'agissant du Brexit. De plus, son intérêt pour cette unité moderne confirme la volonté des Britanniques de s'immiscer au cœur d'une industrie métallurgique française quelque peu délaissée.
« Jusqu'au milieu des années 1990, l'État français avait largement accompagné la restructuration de la sidérurgie française via la nationalisation d'Usinor. La création d'Arcelor en 2002 puis le rachat d'Arcelor par l'indien Mittal, son principal concurrent, a dépossédé l'État français de tout levier d'action dans ce secteur. Mais l'impuissance de l'État n'est pas due qu'à sa faiblesse actionnariale. Elle est aussi le produit d'une absence de stratégie industrielle de moyen et long terme. Depuis la fin de la planification à la française, et en raison des règles européennes qui consacrent le principe d'une concurrence 'libre et non faussée', l'État semble avoir abandonné toute volonté d'intervenir sur l'appareil productif français. Les privatisations et la financiarisation ont fortement nui au dynamisme de l'industrie en France », avaient d'ailleurs analysé les deux économistes David Cayla et Henri Sterdyniak, soulignant que le sort de l'aciérie d'Ascoval est loin d'être isolé.
Cédric Orban, qui dirige Ascoval, juge en tout cas l’offre de reprise «excellente à tout point de vue». Quand bien même « la décision va en faveur de British Steel, le personnel restera prudent», a néanmoins prévenu un proche de la direction : le 27 mars, les magistrats strasbourgeois avaient accordé un énième délai, un mois après le désistement surprise du groupe franco-belge Altifort, un épisode qui avait été vécu comme une douche froide par les salariés, désormais au nombre de 270 après une dizaine de démissions et de départs en retraite..
Pour l'heure et par faute de commandes, la production de l’aciérie est à l’arrêt jusqu’au 13 mai, mais Ascoval compense la perte de salaire engendrée par le chômage technique.