Automobile : la prime à la casse ne fait pas l'unanimité
Le Président de la République Nicolas Sarkozy a annoncé aujourd'hui à Douai des mesures de soutien massives en faveur des constructeurs automobiles français ainsi que de leurs sous-traitants. La priorité est donnée à la vente des véhicules neufs pour soutenir l'activité et réduire les stocks, puis à la restructuration de la filière afin de renforcer la solidité financière, mais aussi l'innovation de la sous-traitance. Sans remettre en cause la nécessité d'aides compte tenu de l'intensité de la crise économique, il y a de quoi à s'interroger sur le bien-fondé des stratégies industrielles menées par les constructeurs automobiles français ces dernières années, ainsi que sur la cohérence de ces mesures...
Le plan de relance de l'économie française annoncé par le Président Nicolas Sarkozy aujourd'hui apparaît imposant pour relancer l'investissement et la machine économique. Deux secteurs d'activité sont directement soutenus : l'automobile et le logement .
Concernant la filière automobile, les mesures sont la création d'un fonds d'investissement de 300 M€ ( 100 M€ financé par Renault, idem pour Peugeot, et 100 M€ par le fonds de l'Etat ) destiné à la restructuration de la sous-traitance, une prime à la casse de 1 000 euros pour remplacer les voitures de plus de dix ans par des véhicules neufs émettant moins de 160g/km de CO2, 1M€ de prêts de l'Etat pour refinancer le crédit à l'achat d'automobiles. Bien entendu, ces aides viennent s'ajouter au précédent plan de soutien à la motorisation électrique annoncé au mois d'octobre, sans oublier que le secteur automobile va profiter de la réforme de la taxe professionnelle et du triplement du crédit de recherche. C'est dire si l'Etat ne lésine pas sur les moyens.
En même temps, et ceci tout en comprenant la nécessité d'enrayer l'hémorragie sociale, on peut-être quelque peu surpris par ces dispositions. Tout d'abord, sur la structure financière et la capacité d'innovation de la filière automobile, pourquoi avoir attendu cette crise pour agir . C'est de longue date que la sous-traitance automobile souffre de fragilité, et que le besoin d'innovation en termes de transport automobile est connu. Faut-il rappeler l'avance de Toyota en matière de véhicules hybrides, la mise sur le marché d'un véhicule 4x4 par Renault à la veille du Grenelle de l'environnement... Et dans le fond, la stratégie de ces dernières années n'a-elle pas privilégié la part de marché, la croissance externe, à une prise en compte de l'évolution des attentes de l'automobiliste ?. L'environnement et les modes de vie au sein de notre société de consommation sont une préoccupation majeure du citoyen, mais, les constructeurs en ont-ils pris fondamentalement la mesure ? Du coup, ce nouveau plan de relance privilégie l'activité et pourrait bien se révèler n'avoir qu'un effet à court terme. Rien de bien nouveau avec la prime à la casse dont l'efficacité n'est pas garantie tant le problème n'est probablement plus d'acheter mais d'acheter autrement. La question de fond est bien de vivre autrement et durablement. A cet égard, l'application du développement durable à la production entraîne une nouvelle approche de la durée de vie , du service lié au produit ? Autant de questions qui nécessitent de nouvelles réponses et qui sont à resituer dans la relation entre citoyen et transport.
Dans ce contexte, il n'est pas si étonnant d'entendre des voix s'élever pour critiquer : "Quand on regarde les choses de près, on s'aperçoit qu'il y a très naturellement un grand nombre de voitures qui vont à la casse chaque année, et qui béneficieraient dans ce cas-la évidemment d'une prime inutile" a estimé Patrick Devedjian, qui a consideré qu'il fallait veiller a ne pas dépenser l'argent du contribuable pour rien, avec une mesure qui coute très cher. " La Banque européenne d’investissement a été sollicitée pour accorder un prêt de 250 milliards d’euros d’aide au secteur automobile." rappelle Michel Dubromel, responsable du réseau Transports et mobilité durables de FNE qui ajoute "Nous sommes totalement conscients des difficultés sociales majeures que traverse le secteur automobile. Dans ce contexte, il est très difficile de comprendre que des mesures de court terme puissent encore aider l’industrie automobile "." Le Bonus/Malus est en l’état actuel insuffisant : il devrait être annualisé. Le compléter par une prime à la casse ne fera que l’affaiblir encore plus. Les personnes souhaitant acheter un gros véhicule à la place de leur ancienne voiture n’auraient ainsi plus à s’acquitter du Malus. Nous ne voyons pas la cohérence avec le travail qui a été fait lors du Grenelle sur les questions des déplacements. Si une orientation doit être soutenue financièrement, c’est plutôt en favorisant la recherche et le développement de moyens de transports et d’une mobilité soutenables " conclut-il .