Les matières premières ont encore fait côser, comme chaque année, dans le cadre prestigieux de l’Automobile Club de Paris… Là, Philippe Chalmin et son « équipe », des spécialistes des matières passées à la loupe, présentaient l’édition 2012 du Cyclope, un document de presque 700 pages, faisant référence depuis plus de 20 ans… Et cette année, le mot d’ordre est très clairement établi : les prix devraient rester élevés et instables. Des turbulences à la tempête, la frontière est parfois ténue…
Troisième choc pétrolier, émeutes de la faim, flambées des prix des métaux, déstabilisation des marchés du fer et de l’acier ... les matières premières et les commodités ont fait la une bien des fois, de l’actualité internationale, de cette première décennie du XXIème siècle…
« Ce retour des matières premières sur le devant de la scène s’est accompagné d’un intérêt croissant des investisseurs pour une nouvelle classe d’actifs, reflétant mieux que tout autre, les besoins des pays émergents et au premier chef, la Chine », déclarait Philippe Chalmin l’an dernier… arguant aussi que « jamais le monde n’a été aussi instable » (…) « On a beaucoup parlé de l’instabilité en 2011 avec des tentatives de régulation des marchés internationaux, mais jamais nous n’avons été aussi éloignés de quelque gouvernance mondiale que ce soit. Nous traversons une période de crise majeure »…
« Nous payons encore l’absence d’investissements des deux dernières décennies, notamment à cause de la croyance absurde dans l’économie immatérielle. Nous sommes en réalité dans un monde de 7 milliards d’hommes qui consomment des biens physiques et en particulier alimentaires. Or, nous connaissons toujours des incertitudes agricoles majeures. Les stocks de grains n’ont pas été reconstitués et nous restons avec des prix élevés. Le Maroc, par exemple, a vu sa production de blé divisée par deux, à cause de la sécheresse »…
Et ce n’est pas fini, loin s’en faut…
On n’en a pas terminé... C’est bien dommage pour le nouveau président de notre pays. Mais… les marchés des matières premières ne semblent pas près de s’assagir. Ce n'est pas sur ce front qu'il faut espérer retrouver un peu de sérénité en 2012. Après une nouvelle hausse en 2011, les prix devraient rester élevés cette année ET instables…
« Mon hypothèse est que 2012 reste marqué par des cours élevés avec des tensions ponctuelles sur certains produits »…
« Malgré des efforts, la communauté internationale est impuissante à réguler. Il n'y a pas de pilote dans l'avion (cf. l'échec du cycle de Doha, de la conférence de Durban et le quasi-échec du G20)» (…) « Sur une planète totalement mondialisée, il n'y a aucune instance capable de donner des directives aux marchés. Nous avions oublié avec la crise que nous avions besoin de nourrir, d'éclairer... une population toujours plus nombreuse »…
Quand bien même on vit la récession, du moins dans 8 pays européens, le reste du monde, vu de manière globale enregistrera une croissance de l’ordre de 3,5%, la Chine restant plus que jamais le moteur de l’économie mondiale puisqu’elle capte les deux tiers des importations mondiales. « C’est peut-être anecdotique, admet l’universitaire, mais un tiers des ventes mondiales d’art se fait en Chine tandis que Hong Kong est devenu la première place mondiale pour les grands vins de Bordeaux »…
Et donc... Les prix des matières, notamment le minerai de fer, vont rester élevés cette année à cause de la demande chinoise, la Chine qui s'est donné pour objectif de relancer sa croissance, rappelaient aussi les experts.
La volatilité sera de mise...
L'activité en Chine, dont la croissance est revenue au premier trimestre à son plus bas niveau depuis près de trois ans, a évidemment inquiété, mais le pays se prépare à se doter de nouveaux dirigeants politiques pour la première fois depuis une décennie, ce qui pourrait modifier la donne, puisque dans ce contexte, 2012 sera une année de transition...
Si la plupart des auteurs de Cyclope misent sur un niveau assez élevé des prix moyens de tyrès nombreuses matières premières, ils estiment que les prix seront néanmoins en dessous de ceux de 2011. Ainsi, le prix du cuivre pourrait baisser de 15%, celui du coton de 37%, mais... pour ce qui est du prix du carbone, il pourrait prendre une claque à + 54%, de même que le palladium, (+ 9%), l'or (+ 8%)...
Pour ce qui concerne la ferraille, « l’essentiel s’est sans doute joué avant la fin de l’été, période où les incertitudes causés par le poids de la dette américaine s’ajoutant à celles réactivées par sa dégradation , les traders asiatiques et turcs n’avaient pas repris le travail avec la vigueur habituelle »…
« Plus gênant, le constat de l’OCDE fin 2011 qui soulignait que de nouvelles restrictions étatiques à l’exportation des ferrailles mises en place en Russie, en Inde et dans certains pays d’Asie battaient tous les records jamais enregistrés en la matière »…
« Déjà à l’automne 2011 on pouvait relever que l’augmentation de l’utilisation de ferrailles par la Chine, en hausse de 14,7% à 49,8 Mt sur le premier semestre, mais aussi celles recensées en Europe, aux Etats-Unis met en Turquie dépassaient largement l’augmentation de la production d’acier brut de chacun de ces pays.
D’où l’idée que cette plus grande consommation chinoise de scrap ferreux, associée à un léger déclin de la croissance de ses volumes importés (+ 4,2% à 4,77 Mt) est sans doute le premier effet du nouveau plan quinquennal chinois, incitant à davantage de collectes et d’usages domestiques de ferrailles », explique Christophe Journet.
Le rapport Cyclope 2012 (706 pages, rédigées par de nombreux experts, sous la direction de Philippe Chalmin) est publié par Economica, est proposé au tarif de 139 euros.