Biocarburants : vers la fin du conte de fées...
Souvenez-vous : il y a quelques années, les biocarburants étaient considérés comme LA solution au problème du réchauffement climatique. Aujourd’hui, tout a bien changé : certains experts prétendent qu’ils ne sont même plus une partie de la solution, mais plutôt une partie du problème... Du coup, l'interrogation est de mise : les carburants produits à base de végétaux sont-ils un progrès ou une menace pour notre société ? La semaine dernière, le Parlement européen s’est penché sur la question ; le panel réuni pour l'occasion était riche et varié : producteurs de biocarburants, scientifiques, ONG, représentants du Brésil et de la Malaisie, du Conseil et de la Commission, députés européens...
Nos économies et nos modes de vie étant calqués sur le pétrole et le gaz, deux ressources épuisables, l’apparition des biocarburants a tout d’abord suscité l’espoir de réduire notre dépendance envers les combustibles fossiles. D’autant que le prix du pétrole s’est envolé, comme celui du gaz.
Mais c’est par le biais de la prise de conscience sur le réchauffement de la planète que les biocarburants ont connu leur heure de gloire : produits à partir de plantes qui absorbent du CO2 en grandissant, les biocarburants permettraient de fournir des combustibles, sans toutefois émettre davantage de gaz à effet de serre. L’espoir suscité a conduit les Etats-membres de l’UE, réunis en Conseil en mars 2007, à adopter un objectif contraignant de minimum 10% de biocarburants dans la part des combustibles utilisés pour le transport, d’ici à 2020. Pourtant, quelques critiques sont progressivement apparues :
Tout d’abord, la production de ces biocarburants consomme elle-même beaucoup d’énergie, d’autant qu’elle est souvent le fait d’une agriculture intensive. Cette agriculture produit un GES, l’oxyde nitreux (dû aux engrais et aux déjections), et a donc un impact sur le réchauffement.
De plus, beaucoup des terres arables utilisées pour cultiver les plantes étaient auparavant des zones fortement absorbantes de CO2, comme les forêts tropicales ou des pâturages. Il suffit d’observer l’étendue et l’impact de la déforestation en Amérique centrale ou en Asie pour réaliser que la production de biocarburants a ses effets pervers. Outre la pollution causée par l’agriculture intensive et sa forte consommation d’eau, elle entraîne aussi une perte de diversité biologique.
Enfin, d'un point de vue social, de nombreux conflits sont apparus quant aux terres dans les pays en développement, et l’utilisation des cultures pour les biocarburants plutôt que pour la nourriture humaine fait craindre un manque et une flambée des prix des produits agricoles alimentaires.
Lors de l’audition au Parlement européen, les experts se sont déchirés sur une question précise : quel taux minimum d’émissions de GES les biocarburants doivent-ils faire épargner par rapport aux combustibles traditionnels, pour être dignes d’obtenir un soutien public ? Alors que la Commission européenne avance qu’une réduction de 30% des émissions suffirait pour valider l’intérêt des biocarburants, les membres de la commission Environnement estiment pour leur part que ce taux devait être d'au moins 50%. Pour d’autres, ces chiffres demeurent arbitraires.
Autre question soulevée : la quantité de biocarburants nécessaire pour atteindre les 10% fixés par le Conseil en 2020 pourra-t-elle être produite entièrement sur le sol européen ? Le député britannique Neil parish, président de la Commission Agriculture, défend une production locale, car "si le seul moyen d’atteindre nos objectifs, c’est d’importer du biocarburant, alors nous serons aussi vulnérables qu’avec du pétrole ou du gaz".
Au final, aucune conclusion définitive n’a pu être tirée, la plupart des participants s’accordant pour dire que "tout dépend de la bonne culture, du bon endroit et du bon volume de production". Malgré les effets néfastes constatés, il y a encore de l’espoir pour les biocarburants : mais il faut différencier les bons des mauvais. Comme l’a affirmé Bas Eickhout de l’Agence d’Evaluation Environnementale néerlandaise, "les biocarburants ne semblent ni tout noir, ni tout blanc. Ils n’ont qu’une seule couleur : gris". Reste qu'en attendant, on peut dire que c'est un joyeux bordel...