Bordas se recycle… et apprend à mieux faire

Le 26/03/2007 à 18:38  

Bordas se recycle… et apprend à mieux faire
Olivier Querenet de Breville C’est la première fois qu’un éditeur majeur s’engage pour la protection des ressources naturelles et opte résolument pour le recyclage. L’éditeur bien connu, la maison Bordas, a en effet, décidé, à l’avant-veille de l’ouverture du salon du Livre, d’imprimer ou réimprimer ses ouvrages exclusivement sur papier recyclé ou papier fabriqué à partir de bois provenant de forêts gérées durablement, c'est-à-dire certifiées par le Forest Stewardship Council (FSC).

Toutes les explications relatives à la mise en œuvre de cette stratégie ont été fournies dans le cadre d’une conférence de presse qui s’est tenue le 20 mars à l’invitation de Olivier Querenet de Breville, PDG de Bordas et de Philippe Lacombe, directeur commercial du papetier Arjowiggins... qui confirment l'intérêt du papier recyclé.

François Chartier, responsable du programme « Plumes Vertes » chez Greenpeace, Gilles Thuillot, directeur des études Média et Multimédia à l’Institut Louis Harris / LH2, ayant réalisé une enquête sur la perception par les enseignants de l’engagement de Bordas et Elisabeth Laville, directrice-fondatrice du cabinet de conseil en développement durable Utopies, les entouraient pour compléter notre information.

Un éditeur qui se veut protecteur de la planète… et affiche clairement la couleur, c'est plutôt nouveau. Quand bien même la protection de la planète n’est pas, en effet, la vocation initiale de Bordas, l’éditeur a opté pour une démarche qui permet à la fois la préservation de la biodiversité des forêts mais aussi la réalisation d’importantes économies d’eau et d’énergie. La responsabilité vient donc s’ajouter à son métier d’éditeur, en parfaite cohérence avec sa vocation de transmission de la connaissance.

Imprimer sur du papier recyclé ou labellisé FSC (certifiant qu’il provient de forêts gérées durablement) est une initiative qui s’appliquera à l’ensemble de la production imprimée après mars 2007.

Cette nouvelle politique permettra de

Réduire la consommation d’eau de 13 millions de litres, (soit la consommation d’un Français pendant 237 années)

Diminuer la consommation d’énergie de 5 000 MWh, (soit la consommation d’un Français pendant 742 années)

Abaisser de 50 % les émissions de CO² dans l’atmosphère.

En complément de cette stratégie, Bordas s’impose aussi d’imprimer « des catalogues sans pollution », c'est-à-dire que l’ensemble des documents promotionnels (catalogues, dépliants...).est également diffusé sur papier recyclé.

Pour peaufiner cette nouvelle image très écolo, l’éditeur opte pour le plastique bio-assimilable qui sera utilisé pour l’envoi des centaines de milliers d’ouvrages aux enseignants, ces films protecteurs se dégradant complètement en 18 mois.

Il favorise aussi la récupération des livres qui ne trouvent plus leur utilité au sein des établissements scolaires ; les ouvrages seront donc imprimés sur papier recyclé et recyclés eux-mêmes, pour le bien commun et ainsi boucler la boucle.

Olivier Querenet de Breville avec Dominique de Villepin et le président du SNE Olivier Querenet de Breville, pourquoi avoir décidé de se lancer dans cette démarche ?

Bordas est un éditeur qui s’adresse principalement aux enseignants et aux élèves avec des manuels, du parascolaire ou des ouvrages de référence. L’éducation est au cœur de notre démarche éditoriale afin de transmettre au mieux des connaissances et des compétences aux enfants. Leur avenir se construit ainsi avec les livres que nous éditons.

Mais leur avenir, c’est aussi une planète protégée. Cette protection est alors une responsabilité qui vient s’ajouter à notre mission d’éditeur et nous considérons que les entreprises doivent s’engager dans ce mouvement général. L’éditeur scolaire ayant probablement une vocation particulière à cet égard.

Nous trouvons aussi dans cette démarche un moyen de répondre aux attentes des enseignants qui expriment régulièrement leur sensibilité sur la question de la protection de l’environnement.

Quels aménagements la mise en place de ce « Projet Vert » a-t-elle nécessité ?

Il y a dans un premier temps un travail d’étude pour s’assurer à la fois de la faisabilité technique du projet et de la perception des ouvrages par les enseignants. Ce travail a été lancé en octobre dernier avec les équipes de fabrication et les éditeurs. Les difficultés les plus importantes sont liées à la disponibilité des papiers, à une bonne compréhension de leurs caractéristiques techniques et aux procédures de certification que nous avons demandées aux imprimeurs.

Dans un second temps, les équipes d’édition, les graphistes et les responsables de fabrication des ouvrages ont appris à tenir compte des propriétés des papiers pour concevoir et réaliser les ouvrages de 2007. Nous travaillions par exemple sur la création d’un nuancier qui permet de faire des choix de couleurs mieux adaptés aux papiers utilisés.

Enfin, nous avons étudié la meilleure façon de communiquer auprès des enseignants et des élèves en créant un logo spécifique que nous avons décidé de mettre sur toutes les couvertures des ouvrages. Une telle démarche a des vertus pédagogiques qu’il convient d’exploiter !

Notre principal défi a été de rassurer les éditeurs car ils craignaient à l’origine que la comparaison des ouvrages, et notamment du rendu de l’impression des images, ne se fasse au détriment de Bordas. Aujourd’hui, avec la parution des premiers manuels sur du papier recyclé ou FSC, ils sont totalement solidaires de cette démarche.

Logo ArjoWiggins Philippe Lacombe, en quoi un papier 100% recyclé comme l’Eural dont vous assurez la fabrication et que Bordas a choisi pour éditer ses lives est-il écologiquement supérieur à un papier classique ?

La différence entre un papier classique et « Eural » réside principalement dans les matières premières constituant la pâte à papier car ensuite il n’y a pas de différence dans le procédé de fabrication.

Un papier classique est fabriqué à base de fibres de cellulose provenant soit d’arbres issus de forêts « industrielles », certifiées ou non, soit de coupes d’entretien de forêts, soit encore de chutes de scierie.

En revanche « Eural », est fabriqué à base de 100% de fibres recyclées issues de déchets papier provenant de la récupération de chèques détruits, de collectes de bureaux, de déchets d’imprimerie, de relieurs, d’invendus, etc. Ces déchets sont directement transformés et désencrés dans notre usine du Bourray, selon un processus très écologique, sans blanchiment et sans traitement chimique, pour produire une pâte à papier 100% recyclée. Ce modèle de production est intéressant du fait de son bilan énergétique favorable, puisqu’il permet de limiter la libération de gaz à effet de serre dans l’atmosphère (le carbone séquestré dans les fibres de papier l’est plus longtemps avec le recyclage du papier). De plus, il entraine une réduction importante de la consommation des ressources naturelles.

Pour un acteur de la chaîne graphique, s’investir dans l’achat de papier recyclé est un donc un acte responsable : il lui permet de participer, indirectement, à la valorisation des déchets directs ou indirects.

Comment cette supériorité environnementale est-elle garantie et signalée au consommateur ?

Depuis plusieurs années, des organismes ou des associations nationales ont créé des labels de référence et de garantie pour les papiers recyclés, dont les cahiers des charges varient :

"APUR", Association des Producteurs et Utilisateurs de Papier Recyclé (siégeant en France)

"L’Ange Bleu", Institut RAL (allemand)

"NAPM", National Association of Paper Merchant (anglais)

Le papier 100 % recyclé « Eural » est certifié par l’ensemble de ces labels. De plus, l’usine du Bourray, qui produit spécifiquement cette qualité de papier, est certifiée ISO 14001 et ISO 9001, et nous y accueillons régulièrement nos clients pour tout contrôle environnemental complémentaire.

Traditionnellement, les clients craignent une différence de qualité entre papier recyclé et papier classique : cette crainte est-elle fondée ?

Comme pour tout papier 100 % recyclé désencré, la blancheur d’« Eural » est légèrement inférieure à celle d’un papier classique mais il permet d’excellents rendus d’impression. Avec notre gamme "Eural SuperSilk", le rendu d’impression des quadrichromies est très proche de celui obtenu sur des papiers équivalents en pâte vierge.

En revanche son opacité est largement supérieure, à grammage égal, à celle d’un papier couché traditionnel : cela permet une moindre transparence des pages, qui facilite la lecture, et dans certains cas une réduction des grammages utilisés ce qui pourrait, pour les produits scolaires, alléger le poids du cartable !.

Quel constat faites-vous aujourd’hui sur la demande des éditeurs européens pour ce type de papier ?

Producteur de papier couché 100% recyclé depuis plus de quinze ans, notre expérience du marché avec « Eural » montre que ce sont les éditeurs italiens et allemands qui utilisent le plus souvent, et depuis plus longtemps, du papier recyclé. En France, traditionnellement, ce sont les papiers couchés classiques qui font encore référence ...

François Chartier François Chartier, pourquoi Greenpeace a-t-elle décidé de cibler les éditeurs avec sa campagne « Plumes vertes » ?

Plumes Vertes est une campagne de Greenpeace qui consiste à sensibiliser les éditeurs et les auteurs à l’impact environnemental du papier. L'industrie papetière consomme un cinquième des arbres abattus dans le monde. Une grande partie de cette production provient des forêts anciennes de l'Ouest canadien, des forêts boréales et de plus en plus des forêts du Sud-Est asiatique. Or, en Europe, la France est l’un des plus grands importateurs de bois et de papier issus des forêts anciennes. Le secteur de l’édition est en outre un gros client de l’industrie papetière et le livre utilise communément de grandes quantités de papier issu de forêts anciennes.
C’est pourquoi les écrivains et les éditeurs ont l’opportunité de jouer un rôle majeur et de contribuer significativement à la sauvegarde des dernières forêts anciennes en optant pour un papier respectueux de ces forêts pour la fabrication de leurs livres : soit un papier recyclé, soit un papier certifié FSC (garantissant une gestion durable des forêts). C’est l’objet de notre campagne « Plumes vertes » lancée en 2004, qui consiste à sensibiliser les éditeurs et les auteurs à l’impact environnemental du papier, 1 feuille de papier sur 5 provenant des forêts anciennes.
Les éditeurs de livres scolaires ont d’autant plus un rôle important à jouer que les volumes en jeu sont considérables, que la durée de vie des ouvrages est relativement courte et qu’ils véhiculent des messages éducatifs. La question de la fin de vie de ces ouvrages, de leur recyclage est un autre enjeu fondamental.

Quelle a été à ce jour la réaction des éditeurs ?

En France, Castor Poche chez Flammarion, Saka chez Casterman, Glénat avec ses « 120 dessins pour le climat » ont publié leurs livres sur papier recyclé. La Collection Babel d’Actes Sud est quant à elle entièrement imprimée sur papier FSC. Le dernier Harry Potter de J.K. Rowling a été publié en France à deux millions d’exemplaires par Gallimard sur du papier certifié FSC. Belin a quant à lui récemment imprimé sur du papier recyclé un manuel de géographie pour les secondes.

Le Canada est également un bon exemple : 35 éditeurs, dont Random House et Penguin se sont engagés à cesser d’utiliser du papier issu de forêts anciennes. 5 nouveaux titres imprimés sur du papier recyclé ou labellisé FSC, vendus à trois millions d’exemplaires ont été vendus dans ce pays (dont l’édition canadienne du dernier Harry Potter qui s’est vendue à un million d’exemplaires).

A notre connaissance aucun éditeur important n’a encore imprimé la totalité de ses ouvrages sur papier recyclé ou FSC, à l’image de Bordas.

En fait, le principal levier que nous avons privilégié est de demander aux auteurs de faire pression sur leurs éditeurs. Paulo Coelho au Brésil et Isabel Allende au Chili ont par exemple été des ambassadeurs.

Concrètement, selon vous, quels labels faut-il exiger d’un éditeur ?

Plusieurs labels sont possibles selon le type de papier choisi :

L’Ange Bleu" qui garantit un papier 100 % recyclé et une production propre

Le logo "APUR" qui indique le taux de fibres issues de la récupération de déchets

Le label "FSC" qui garantit une gestion saine et raisonnée des forêts.