Des représentants de l'industrie papetière ont saisi au début de ce printemps, le Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité ; si le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution l'article L. 425-1 du Code des assurances relatif au fonds de garantie des risques liés à l'épandage agricole des boues d'épuration urbaines ou industrielles, il a par sa décision du 8 juin dernier émis une réserve d'interprétation tenant à l'assiette de la taxe sur les boues d'épuration, laquelle doit justement alimenter ce fonds...
Il faut très nettement favoriser l'épandage...
Les boues d'épuration peuvent connaître trois exutoires : la mise en décharge, l'incinération ou l'épandage sur des terres agricoles en qualité de matières fertilisantes, lorsque ces boues peuvent constituer des amendements organiques.
La création du fonds de garantie, via la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, est justement envisagée afin de développer ce débouché, parce qu'il faut bien dire que l'épandage génère quelque réticence du côté des professionnels de l'agriculture. Il a pour vocation de garantir aux exploitants agricoles et aux propriétaires fonciers, l'indemnisation des dommages éventuels, liés à l'épandage, non prévisibles et qui ne seraient pas pris en charge dans le cadre des contrats d'assurance de responsabilité civile du producteur des boues épandues. La taxe est versée par les collectivités dès lors qu'elles produisent des boues urbaines – ou le cas échéant, par les entreprises délégataires – mais aussi par les exploitants opérant dans l'industrie alimentaire ou du papier dès lors que ces derniers font construire pour leurs besoins propres, une station d'épuration afin de traiter l'deau et récupérer les boues industrielles.
Afin d'encadrer le tout, le décret du 18 mai 2009 définit la base d'imposition de la taxe, et détermine que c'est la quantité de matière sèche de boues produites annuellement qui servira de référence. C'est à ce stade que certains ont vu rouge : l'industrie papetière, estime en effet qu'en choisissant d'asseoir la taxe sur la quantité de boues d'épuration produites et non sur la quantité de boues épandues, le législateur a clairement opté pour un dispositif qui va au delàde l'objectif fixé : la promotion de l'épandage des boues et l'indemnisation de certains préjudices résultant de cet épandage. La situation est d'autant plus critique qu'il y a évidemment des industries qui seraient dans l'impossibilité tant juridique que technique d'éliminer par voie d'épandage la totalité des boues qu'elles produisent. Ce faisant, il y aurait inégalité de traitement puisque l'assiette de la taxe sur les boues d'épuration méconnaîtrait l'égalité devant les charges publiques.
Selon le juge du Conseil constitutionnel, le législateur ayant choisi de privilégier l'élimination des boues d'épuration au moyen de l'épandage, il ne lui appartient pas de remettre en cause ce choix et encore moins d'en apprécier notamment, la pertinence sur le plan environnemental. En revanche, la haute instance retient le grief de l'inadéquation de la taxe à son objet et en conséquence émet une réserve d'interprétation qu'elle motive en arguant que la différence de traitement instituée entre les boues susceptibles d'être épandues - au regard de la réglementation - pour lesquelles le producteur a obtenu l'autorisation d'épandre et les autres déchets du même type, produits et non soumis à taxation (dès lors qu'ils sont éliminés par stockage ou incinération) est en rapport direct avec l'objet de la taxe. Et de soulever le cas des boues susceptibles d'être épandues mais pour lesquelles le producteur n'a pas l'autorisation d'épandre, notamment au titre du plan départemental d'épandage ...
Pour en savoir plus, voir la décision n° 2012-251 du 8 juin 2012, QPC Copacel et autres (taxe sur les boues d'épuration), JO du 9 juin 2012 (p. 9795), mais aussi ce document.