Cancers et environnement : les chercheurs mobilisés
L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), l’INCa (Institut National du Cancer) et l’alliance Aviesan (Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé) ont réuni le 12 décembre dernier à Paris près de 400 chercheurs, professionnels de santé et représentants d’institutions et d’associations pour dresser un état des lieux des connaissances sur les liens entre expositions environnementales et cancers. Ce colloque international, qui s’inscrit dans le cadre du Plan cancer 2009-2013 et du Plan national santé-environnement 2009-2013 (voir notre article), avait pour objectif de présenter les travaux et méthodologies visant à mieux comprendre les relations entre cancers et environnement et cerner ainsi les priorités de recherche dans ce domaine...
En 2008, le nombre de nouveaux cas de cancers dans l’Union européenne est estimé à environ 2,4 millions, dont 1,3 million (54%) d’hommes et 1,1 million (46%) de femmes. En 2011, on estime à 365 000 les nouveaux cas de cancers en France.
Pour seulement 5 à 10% d'entre eux, une cause endogène (altération génétique) est identifiée. Les autres, soit 90 à 95% des cancers, sont liés à des causes exogènes, c’est-à-dire, à l’environnement au sens large. Celui-ci inclut les modes de vie (tabac, alcool, sédentarité, habitudes de consommations alimentaire, exposition solaire...) et les expositions à des facteurs environnementaux naturels (radon...), aux agents chimiques, physiques et infectieux de l’environnement général et professionnel. Les conditions socio-économiques, mais aussi géographiques, lorsqu’elles sont défavorables, constituent également un facteur de risque.
Les participants au colloque ont cherché à mieux comprendre les liens entre environnement au sens large et cancers. Le rôle de certains facteurs environnementaux comme l’amiante, l’arsenic, les émissions de four à coke, la fumée de tabac ou encore les virus HPV est clairement établi. En revanche, les effets cancérogènes de nombreux agents chimiques et physiques sont aujourd’hui suspectés ou possibles mais sans être à ce jour avérés. La mise en évidence des risques éventuels encourus soulève des difficultés méthodologiques : expositions à de faibles doses difficiles à quantifier, périodes de latence très longues entre l’exposition et l’apparition de la maladie... De plus, estimer les expositions combinées à plusieurs produits chimiques et les risques associés constitue un défi scientifique. En effet, la mise en évidence d’un risque éventuel chez l’homme suppose des études épidémiologiques de cohorte impliquant de larges effectifs et une évaluation des expositions.
Plusieurs études, présentées lors de la journée, ont illustré la difficulté d’évaluer quantitativement les expositions. La compréhension des liens entre la pluralité d’agents présents dans l’environnement et des cancers reste donc difficile. Les grandes études menées sur de larges effectifs de population depuis quelques décennies fournissent des réponses sur certains facteurs environnementaux (expositions à des radiations ionisantes durant l’enfance, travail de nuit, radon...) Toutefois, en l’état actuel des connaissances, la progression de l’incidence des cancers les plus fréquents (sein, prostate, colorectal...) reste en partie inexpliquée.
Ce colloque a mis en avant le besoin d’harmoniser les méthodes d’évaluation des expositions afin de pouvoir comparer les résultats des études épidémiologiques. Il a montré la nécessité de développer des recherches sur les biomarqueurs et les mécanismes d’action pour améliorer l’évaluation des expositions. Le colloque a montré aussi les progrès de la génomique et de la protéomiques qui permettraientt de disposer de biomarqueurs d’exposition à des substances ou d’effets précoces. L’importance de la prise en compte des vulnérabilités et des périodes critiques d’expositions (période prénatale...) a également été soulignée.
En rapport direct avec le sujet, nous vous renvoyons à la lecture de notre article : Cancer et environnement : le pavé dans la mare !.