La société française de chimie verte Carbios, installée dans le Puy-de-Dôme, a développé des procédés à base d'enzymes pour repenser le cycle de vie des plastiques et les rendre recyclables à l'infini ; elle s'est focalisée sur le PET, largement utilisé dans la production de bouteilles et autres emballages alimentaires, mais aussi dans les textiles (polyester).
"La grande innovation de Carbios est d'utiliser une enzyme, un matériel biologique, qui va dépolymériser le plastique", synthétise Alain Marty, directeur scientifique de l'entreprise installée près de Clermont-Ferrand. Pour comprendre comment ça marche, il faut imaginer l'enzyme (une protéine) "comme un petit ciseau" qui va découper le polymère, une grosse molécule formée par l'enchaînement de monomères, comme un collier constitué de différentes perles, que l'enzyme va libérer.
Ainsi, "on peut dépolymériser 97% du PET en seulement seize heures. On obtient un plastique zéro déchet", affirme le scientifique.
Une fois libérées, les perles - ou monomères - constituant le PET, seront récupérées puis purifiées. "Les polyméristes pourront les réutiliser pour refaire du PET puis une nouvelle bouteille ou un joli chemisier", poursuit le directeur scientifique .
La jeune société de chimie verte garde évidemment secrète la nature exacte de son enzyme, découverte dans la nature. Une protéine devenue une pépite en laboratoire: "souvent les enzymes n'ont pas les capacités suffisantes pour être des ciseaux efficaces. Tout le travail de Carbios est d'optimiser ces enzymes pour les rendre plus stables à la température ou plus performantes en terme de capacité de coupure", détaille cet ancien chercheur de l'Insa Toulouse, dont le laboratoire TBI (Toulouse Biotechnology Institute) travaille étroitement avec Carbios.
"L'idée, ce n'est plus de se baser sur du pétrole pour produire du plastique mais de produire du plastique à partir de déchets, à l'infini. Ainsi, l'industrie du plastique va rentrer dans le cycle vertueux de l'économie circulaire".
Une vision qui pourrait devenir rapidement réalité : le groupe a en effet annoncé fin juin avoir levé près de 14,5 millions d'euros lors d'une augmentation de capital, dont le produit doit servir pour l'essentiel à construire un démonstrateur industriel de ses technologies.
Sa mise en route dans la "Vallée de la chimie" lyonnaise est prévue pour 2021.
Une promesse qui intéresse d'ores et déjà quelques géants de l’industrie. Après L'Oréal et Michelin, trois grands noms des boissons sans alcool - Nestlé Waters, PepsiCo et Suntory Beverage & Food Europe (Orangina) - ont à leur tour rejoint en avril le consortium mis sur pied par le groupe auvergnat.
Dans un registre complémentaire, une filiale de Carbios, Carbiolice, créée conjointement en 2016 avec le fonds d'investissement SPI opéré par Bpifrance et le céréalier Limagrain Ingrédients, développe des solutions pour accélérer le compostage de l'acide polylactique (PLA), un plastique produit à partir de biomasse (le maïs, la betterave sucrière ou la canne à sucre), largement exploité pour fabriquer de la vaisselle jetable, des pots de yaourts ou capsules de café, mais également utilisé comme films pour la sacherie et le paillage agricole.
"Carbiolice a introduit les enzymes développées au coeur d'un additif facile à intégrer dans les métiers traditionnels de la plasturgie, sans modifier les paramètres, les investissements et fonctionnalités des usines de fabrication de plastique", détaille Nadia Auclair, directrice générale de la start-up. L'utilisateur pourra ainsi composter son PLA "en moins de six mois dans des conditions industrielles et en moins d'un an" au fond du jardin. Pour se tailler une place de choix dans ce marché qui s'annonce gigantesque, Carbiolice a signé un accord de co-développement avec le leader mondial de la production d'enzymes, le Danois Novozymes. Leur collaboration doit permettre la production et l'approvisionnement d'enzymes destinées à la fabrication de cet additif nouvelle génération, dont le lancement commercial est prévu en 2020.