Clemenceau : la suite du feuilleton judiciaire...
Les actions en justice entamées par les deux associations, Andeva (Association nationale des victimes de l'amiante) et Ban Asbestos ("bannir l'amiante"), à l'encontre de l'Etat français pour interdire l'exportation et le désamiantage du porte-avions Clemenceau en vue de son démantèlement en Inde, se poursuivent (voir aussi notre précédent rédactionnel). Dernier épisode en date du 30 mai, la demande "déclinatoire de compétence" des pouvoirs publics pour statuer sur la compétence du tribunal...
Le 22 avril dernier, les associations Ban Asbestos, Interdire l’amiante, Greenpeace France et l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) ont obtenu en référé de la Cour d'appel de Paris, la communication du contrat liant l'Etat français et la SDI, société panaméenne, chargée de l'envoi en Inde du désamiantage final et démantèlement du porte-avions.
Depuis cette date leur action en justice continue pour demander la suspension de l'éxécution du contrat. Celle-ci se fonde sur un argumentaire issu de trois textes :
Le règlement 259-93 du 1er février 1993 du Conseil de l’Europe, qui stipule que « sont interdites toutes les exportations de déchets destinés à être éliminés, à l’exception de celles effectuées vers les pays de l’association européenne de libre-échange », dont ne fait pas partie l’Inde.
La convention de Bâle du 22 mars 1989, ratifiée par l’Inde et par la France, qui porte sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et leur élimination et qui interdit ces mouvements « si l’État exportateur dispose des moyens permettant l’élimination de ces déchets ».
Le Code de l’environnement qui interdit l’exportation de déchets dans un pays « ne disposant pas de la capacité d’assurer l’élimination de ces déchets dans des conditions sûres pour la santé et l’environnement ».
Les associations réclament que le Clemenceau, comme tous les bateaux réformés français, soit désamianté en France.
La position de l'Etat français peut sembler contradictoire : on donne son accord d'exporter des déchets toxiques qui représentent un danger sanitaire pour des travailleurs indiens, alors qu'en même temps on prend position au niveau national (Charte de l'environnement, réglementation suite à l'affaire Metaleurop...) comme au niveau international (ONU pour l'environnement) en faveur de la protection de l'environnement et du développement durable (?)
Autre volet du combat des associations : dénoncer l'usage par les multinationales de sociétés écrans afin d'échapper à certaines obligations : "Il s'agit d'empêcher les trusts d'envoyer leurs déchets dans le tiers-monde" pour le toxicologue Henri Pézerat qui ajoute "c'est le trust allemand Thyssen qui est derrière la SDI, société panaméenne signataire du contrat. Il cautionne financièrement cette opération via sa filiale Eckard-Marine."
En réponse, l’État français (ministères de la Défense et des Finances) reste à ce jour sur sa position : la coque du Clemenceau, ancien porte-avions, ne relève pas de la législation sur les déchets dangereux, il s'agit, même entièrement désarmé, d'un matériel de guerre, et, à ce titre, l'autorisation de transfert du porte-avions ne dépendrait que de la décision du Premier ministre, excluant ainsi la compétence du juge judiciaire.
C'est ainsi que le 30 mai le préfet de Paris transmettait au parquet cette requête "déclinatoire de compétence" où elle demandait au juge de statuer sur la compétence du tribunal plutôt que de traiter l'affaire dans le fond. Les associations dénoncent cette attitude du gouvernement qui "gagne du temps pour éviter que le juge n'interdise le départ du porte-avions".
Mais on l'a bien compris, il s'agit d'une décision avant tout politique.