Clemenceau : une fin de vie qui pose bien des questions...
Le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a tranché le vendredi 30 décembre en déboutant les quatre associations, dont Greenpeace France, qui demandaient la suspension du départ du Clemenceau pour l'Inde en vue d'y être démantelé au motif du non respect de la Convention de Bâle sur l'exportation des déchets dangereux. Désormais, plus rien n'empêche le départ du porte-avions pour le désamiantage final, environ 45 tonnes, et le démantèlement du navire. Sur le plan politique, comme l'ont déclaré les associations il est bien difficile de comprendre comment l'Etat peut "rappeler fermement à l’ordre les entreprises de désamiantage, les propriétaires privés qui ne respectent pas cette réglementation" et simultanément confier ce type d'activité à un prestataire indien (voir dernier rédactionnel). Mais inversement cela ouvre aussi un autre débat qui est celui de la pratique voire de la délocalisation des activités liées à la dépollution...
Dans son ordonnance le juge Stéphane Brotons a fait valoir "qu'aucun des moyens présentés par les associations requérantes n’est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ; les conclusions à fin de suspension d’exécution des dites décisions ne peuvent qu’être rejetées". Suite au verdict, l'avocat
Me François Lafforgue, de Ban Asbestos et Greenpeace France, a déclaré "Je regrette que le juge ne se soit pas penché sur le fond du dossier. Le combat n'est pas fini. Nous utiliserons toutes les voies judiciaires qui s'offrent à nous pour empêcher le départ du bateau". Pour Michel Parigot, vice-président de l'Andeva, cela signifierait un nouveau référé devant la juridiction administrative, un recours devant le Conseil d'Etat qui n'est pas suspensif de cette décision.
Au tribunal, Michel Parigot a expliqué "Il existe un risque grave pour les ouvriers indiens car il n'y a pas en Inde de réglementation spécifique pour les chantiers de désamiantage..Il aurait été tout à fait possible de faire ce désamiantage en France, cela ne pose aucun problème technique.Mais forcément, ça coûte moins cher dans un pays où il n'y a pas de sécurité et où les gens sont moins payés".
Ainsi, le problème est bien posé : la réglementation internationale existante et son application, le phénomène de délocalisation lié à la mondialisation des échanges.
Suite au jugement, le ministère de la défense qui jusque là s'était bien abstenu de communiquer a diffusé son communiqué de presse où il confirme que le Clemenceau va terminer sa vie en Inde. Si le ministère affirme "qu'il n'existe pas en Europe de site actif et dédié au démantèlement des navires tant militaires que civils", il met en avant le caractère innovant et exemplaire de cette opération. Or s'il n'y a plus de chantier de démolition navale, c'est bien parce que cette pratique a été délocalisée pour cause de manque de compétitivité.
"Non seulement les sociétés retenues disposent de savoir-faire, de qualifications internationales, mais en plus certains cadres de sociétés indiennes ont suivi une formation qualifiante dispensée en France afin de valider leurs compétences...Tous les moyens techniques et industriels ont été mis en œuvre pour assurer la prise en compte des objectifs fixés par les réglementations européennes et internationales alors qu'il n'existe aucune norme contraignante tant internationale, qu'européenne encadrant le démantèlement des navires. Le chantier de démantèlement dispose en outre d'une certification ISO 14001 sur le système de management environnemental."
Dans ces conditions, et sans rentrer dans le débat juridique, force est de constater que l'Etat se fait l'apôtre de la faisabilité juridique, économique, respectueuse de l'environnement, de la pratique dans des pays à faibles coûts de main d'œuvre d'activités liées à la dépollution comme au démantèlement. Cela pourrait donner des idées à certains constructeurs en quête de solutions industrielles de démantèlement et prêts à délocaliser leurs activités liées à la dépollution. Au fait... Et si on démantelait industriellement le Concorde en Chine !?