On savait les relations tendues entre plusieurs collectivités locales et EcoDDS; de là à ester en justice, on ne l'aurait même pas imaginé, même si au fil du temps, rien ne s'était arrangé. In fine, la démarche aura eu le mérite de permettre au juge d'éclaicir un point et non des moindres, qui concerne la nature juridique des contrats liant les éco-organismes avec les collectivités locales. Le différend qui oppose les antagonistes (Smicval du Libournais/éco-organisme) a en effet été porté devant le tribunal d'instance par Eco DDS : retoqué. Le tribunal s'est en effet déclaré incompétent...
Au demeurant, Pierre Charlemagne avait même évoqué, en février 2015, une étude menée par l'éco-organisme (en avril 2014) portant sur 36 tonnes de déchets chimiques, et avait confirmé au micro (dans le cadre de la journée organisée par Amorce dédiée aux REP) que 25% (en moyenne, avec de fortes disparités entre les neuf flux prévus) des déchets placés dans les bacs EcoDDS ne correspondraient pas aux critères de la REP. Il avait indiqué qu'on trouve des produits hors filière (64% des erreurs) et des produits non identifiés (23% des erreurs). Parmi les produits hors filière figurent, entre autres, des produits d'entretien ménager (eau de javel ou produits de lavage pour le sol, le linge, etc.), des peintures professionnelles, des produits phytosanitaires professionnels ou vétérinaires, des huiles et graisses mécaniques, du liquide de frein, des produits alimentaires (huile, notamment) ou des aérosols cosmétiques. Bref : si en 2015, le directeur avait justifié sa position, on pouvait escompter une solution au problème posé.
Il existe près de 80 types de produits pour lesquels les producteurs payent une éco-contribution, qui sont collectés en neuf flux distincts dans des locaux de 15 à 30 m² en déchetteries, fermés au public. « Les particuliers déposent leurs déchets devant ces locaux, les gardiens triant eux-mêmes dans neuf sortes de bacs différents : des caisses palettes de 660 à 1 000 litres ou des caissettes de 60 litres selon les flux. Il peut y avoir plusieurs bacs par flux si nécessaire », avait expliqué puis rappelé Pierre Charlemagne.
Il est bon de rappeler aussi, que ces déchets sont collectés de longue date par les collectivités qui en assuraient le transport et le traitement via des marchés publics (ce qui fait qu'on ne partait pas de rien, lorsque l'éco-organisme a pris le relais). Depuis l'instauration de la nouvelle organisation, l'éco-organisme est sensé verser des aides pour le tri, et prendre en charge ces coûts de transport (il fait collecter chaque déchetterie une fois toutes les trois semaines en moyenne, soit 27 000 tonnes en France en 2014, dans les 2 500 déchetteries conventionnées) et de traitement en centres spécialisés pour ce faire.
Sauf qu'au lieu de s'arranger, la tension n'a fait que monter, l'éco-organisme ayant choisi d'aller en justice (ce qui est inédit dans les relations entre éco-organismes et collectivités locales), la difficulté d'estimer ce que l’éco-organisme prend en charge, ou pas, restant la source du différend.
Si les collectivités ont reconnu certains problèmes, une rupture pure et dure du contrat en cours, de manière unilatérale en lieu et place d'un dialogue, a immédiatement eu de quoi exaspérer...
En première ligne, le Smicval du Libournais Haute-Gironde et Sud Rhône Environnement (SRE). Pour le SRE, « dans le décompte des soutiens financiers de 2014, nous avons reçu une réfaction pour quatre non-conformités », avait expliqué le directeur du syndicat, Frédéric Lamouroux. « Comme ce n’est pas prévu dans le contrat, nous avons demandé à être payés en totalité à travers l’émission d’un titre de recettes. EcoDDS nous a assignés pour une somme de 552 euros TTC». Le juge de proximité s’est déclaré incompétent et a transmis le dossier au juge d’instance de Nîmes qui devrait se prononcer début 2016.
Le Smicval de Libourne, qui avait émis (au titre de 2014), un titre de recettes à destination de l'éco-organisme, ne tenant aucun compte des réfactions (jugées arbitraires) pratiquées par l'éco-organisme au titre de non conformités, avait été attaqué par l'éco-organisme devant le tribunal d'instance.
A ce stade, une question se posait d'entrée. Les contrats passés sont-ils de droit privé ou relèvent-ils du droit administratif ? Le détail a son importance. Dès lors que la justice établirait que les contrats Collectivités/Eco-organismes (Société anonymes, composées d'actionnaires, mais étant agrées par l'Etat) relèveraient du droit public, un éco-organisme ne pourrait plus suspendre l'exécution du contrat en expliquant que les collectivités ne respectent pas leurs obligations... étant entendu qu'il est déjà clair depuis l'origine des éco-organismes, qu'ils participent bel et bien à l'exécution de la mission de service public de gestion des déchets.
Dans son délibéré du 13 janvier, le tribunal d'instance de Libourne s'est jugé incompétent à traiter l'affaire, jugeant le contrat passé entre la collectivité et EcoDDS, comme un contrat administratif... Ce n'est certes pas un jugement sur le fonds de l'affaire, mais ça ouvre une perspective en faveur des collectivités locales.
Cette décision n’est pas sans soulager l’association Amorce qui plaidait en ce sens depuis de longs mois. Comment se justifie cette décision ? Un contrat entre deux parties est défini comme un contrat administratif si l'un des deux contractants est une structure administrative, ce qui est le cas dans l'affaire dont on parle. Il distingue deux cas : soit il contient des clauses exorbitantes de droit commun, soit il participe directement à l'exécution même d'un service public.
Le tribunal d'instance a jugé d'une part que le service de collecte et de traitement des déchets assurés par le syndicat de Libourne est un service public en application de l'article L 2224-13 du Code général des collectivités territoriales, et que d'autre part, la convention passée entre les deux parties contenait une claude exorbitante au titre de son article 2-2 (résiliation de la convention de plein droit par la collectivité sans droit à indemnités).
Au regard de ces éléments, le tribunal d'instance a conclu que le contrat passé entre deux parties était un contrat de nature administrative, et s'est donc déclaré incompétent, transmettant l'affaire devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Voilà une décision qui risque de faire des vagues : le Smicval du Libournais n'est en effet pas la seule structure qui ait eu « des soucis » avec l'éco-organisme, sans compter que de nombreuses collectivités ont contesté « les méthodes autocratiques d'EcoDDS ». Cela dit, il est d'ores et déjà intéressant d'envisager la portée de cette première décision à plus grande échelle dès lors qu'elle serait confirmée par le tribunal de Bordeaux (cette confirmation serait effective par le seul fait que ce dernier se déclare compétent pour juger le fonds de l'affaire) : la nature des contrats liant les éco-organismes aux collectivités ne serait plus alors sujet à discussions, mais au contraire clairement établie, ce qui n'était visiblement pas le cas jusqu'au 13 janvier dernier. C'est si vrai que d'autres éco-organismes ont soutenu que les contrats les liant aux collectivités relèvent bel et bien du droit privé et non du droit public...
En tout état de cause, s'il est confirmé que le contrat Smicval du Libournais/EcoDDS est de nature administrative, l'éco-organisme ne pourrait plus invoquer le principe d'exception d'inexécution pour suspendre la collecte des DDS relevant de sa compétence dans les déchetteries comme il le fait actuellement.