Conjoncture : le bonheur des uns fait le malheur des autres
La crise économique que nous traversons a pour mérite de nous interroger sur notre comportement dans la société de consommation . Au delà de l'aspect matériel, elle revêt une dimension sociale et psychologique, nous amenant à reconsidérer notre relation avec le produit, mais aussi dans notre organisation de vie avec notre environnement au sens le plus large du terme, c'est à dire tout ce qui nous environne ( humain, animal, végétal, minéral ). Du coup, cette crise, ramenée à la gestion des déchets solides, pose, là aussi, la question du rapport au déchet, de son devenir, et de son économie. Elle met également à jour des évolutions de comportements qui ont des conséquences économiques pour les professionnels de la gestion des déchets les amenant à repenser leurs actions et à s'adapter, voire à se recycler...
Tout d'abord, ne perdons pas de vue que l'objectif final en matière de gestion des déchets solides est leur réduction. Or, la crise actuelle va déjà donner du baume au cœur à ceux qui s'investissent dans la bataille du "moins de déchets". En effet, tout simplement, la consommation baissant, la quantité de déchets va se réduire mécaniquement. Deuxième conséquence, difficile à mesurer, le changement du comportement du consommateur qui s'oriente vers une consommation raisonnable, raisonnée, et respectueuse de son être ainsi que de son environnement. Son choix va bien évidemment privilégier les produits écologiques, et son utilisation du produit devrait s'allonger. Dans les deux cas, cela a une incidence sur la réduction des quantités de déchets.
Pour illustrer ce propos, prenons le cas de la situation du SMITRED, qui a en charge le traitement des déchets ménagers de l'ouest des Côtes d'Armor. Lors de sa récente assemblée générale, son président Jean-Yves Ménou a fait le constat que la quantité de déchets traités est en fort recul : entre les mois de janvier et février -9,67% pour les ordures ménagères, -4,8% pour le papier, -5,27% pour les encombrants et même -15,66% pour les végétaux. Pour mémoire, jusqu'en 2008, la quantité de déchets n'avait jamais cessé d'augmenter (+1,22% de 2007 à 2008). La situation est similaire chez les professionnels du recyclage, son organisation, Federec, rappelant que le chiffre d'affaires de ses entreprises avait reculé de 33% au cours du dernier trimestre 2008. Quant aux perspectives, elles restent incertaines rappelle la fédération . De plus, ces diminutions d'activité sont directement la conséquence de la baisse de consommation et de production. L'effet de la prise de conscience du consommateur et son changement de comportement ne sont certainement pas encore matérialisés dans ces volumes.
Dans ces conditions, on pourrait envisager qu'une tendance déflationniste de la production de déchets soit enclenchée. Si tel était le cas, ce bonheur des uns, pourrait bien faire le malheur des autres. N'oublions pas que ces dernières années, quand bien même la priorité affichée était celle de la prévention des déchets, les investissements dans des capacités de production n'ont cessé de fleurir. Que cela soit chez les acteurs privés du recyclage, de la valorisation énergétique, de la prestation de services, du tri etc... tout le monde s'est laissé bercé par les sirènes de la conjoncture euphorique des matières premières et secondaires. Un pétrole cher, c'est un meilleur rendement pour la valorisation énergétique, un acier, cuivre etc... à des prix records, ce sont des recettes doublées, triplées pour des entreprises de recyclage. Sans oublier le fameux phénomène quantité, prix...En temps de conjoncture florissante, ce sont à la fois les volumes et la valorisation qui augmentent. Par contre, dans une situation inverse, c'est aussi le même effet ciseau qu'il faut encaisser. De quoi poser, probablement, des questions de surcapacités de traitement à recycler pour les professionnels, ou alors des baisses de profitabilité durables à comptabiliser. D'autant plus que le citoyen comprendrait mal que face à une déflation de ses déchets, sa taxation ne baisse pas ! Alors, les professionnels de la gestion des déchets vont-ils devoir s'adapter à d'autres temps ? N'en doutons pas, car il ne s'agit là que d'un phénomène cyclique, simplement plus important dans son ampleur, que ceux qu'ils ont déjà connu à moults reprises au cours du siècle dernier.
En même temps, à y regarder de plus près, ce mouvement déflationniste n'est peut-être pas aussi durable qu'il y paraît. Aujourd'hui, le mot d'ordre des gouvernements des pays riches est la relance économique et pour cela la vanne du déversement du crédit est supposée relancer la consommation. Dans ces conditions, sachons raison garder : impossible de présager à moyen terme de l'évolution de la production de déchets.