Consigne : le sujet qui fâche
Cette disposition a été confirmée le 12 juin dernier par Édouard Philippe dans le cadre de son discours de politique générale : le Premier Ministre a confirmé l’ouverture prochaine d’une concertation avec les collectivités locales sur le déploiement de la consigne pour certains emballages, cette annonce ayant été suivie de près sur le calendrier, par l'instauration d'un comité de pilotage lancé par Brune Poirson dès le 19 juin (voir : Consigne des emballages : le top départ a été donné ).
Les bouteilles en PET sont en effet à ce jour la première source de revenus des centres de tri, qui non seulement ont été dimensionnés pour traiter des tonnages précis, mais qui sont par ailleurs en cours de modernisation pour trier l’ensemble des emballages plastiques, et ce moyennant des investissements lourds.
Changer les règles du jeu alors que les dépenses sont engagées, n'est pas loyal : cela revient ou presque à organiser un manque à gagner, puisque la concurrence de la consigne risque fort de déstabiliser l’équilibre économique de ces investissements, mais aussi celui du marché du recyclage.
« Si l’essentiel des bouteilles plastiques en PET devait être enlevé de la collecte et du tri par le service public, il est bien évident que la taille des équipements de collecte et de tri deviendrait inadaptée et source de surcoûts » : CNR et Federec considèrent qu'il serait plus équitable « d' envisager des mesures d’amélioration »... et d'en attendre les résultats (qui seraient obtenus à l'horizon 2025) pour envisager le déploiement de systèmes de consignes de bouteilles plastiques complémentaires.
Ceci ayant été expliqué et justifié, arguments à l'appui, par les collectivités locales et les industriels concernés, il semble néanmoins que le Gouvernement fasse la sourde oreille au regard des dernières actualités.
Dans ce contexte, la température monte d'un cran...
Jean-Philippe Carpentier, président de Federec et Jean-Luc Petithuguenin, vice président de la fédération, professionnellement très impliqués sur le terrain, dans le domaine du recyclage PET, montent au créneau et cosignent une Tribune, publiée dans le JDD, dont voici quelques extraits. Avec une question centrale : faut-il brader notre service public pour aider quelques multinationales à verdir leur image?
« Monsieur le Premier ministre, vous avez mis l'économie circulaire au cœur des priorités de votre gouvernement et annoncé dès votre premier discours de politique générale l’objectif de recyclage de 100% des plastiques en 2025. Nous, industriels du recyclage, aux côtés des collectivités, avons salué votre ambition. Nous nous sommes engagés, à vos côtés, sur la FREC. Nous constatons aujourd’hui avec effarement et incrédulité que ces mois de travail et de concertation aboutissent à la mise en place unilatérale de la consigne pour les seules bouteilles et canettes.
Pire qu'une fausse bonne idée, cette mesure serait une erreur. Elle pèsera sur les finances des Français et des collectivités, sur le petit commerce artisanal (...).
Tout d'abord, elle va réduire le pouvoir d'achat. Même en atteignant l'objectif européen de 90% de collecte, prélever 15 centimes sur chacune des 16 milliards de bouteilles et canettes, c’est ponctionner 250 millions d’euros par an sur le budget des ménages en consignes non retournées.
Ensuite, la consigne affaiblira le commerce artisanal de proximité. Elle rendra les Français captifs des grandes surfaces détentrices des machines de déconsignation.
Enfin, la consigne viendra privatiser les seuls plastiques qui rapportent pour ne laisser aux collectivités que ceux qui coûtent! Le système actuel repose sur la mutualisation des coûts de collecte et de tri des déchets d’emballage ménagers : papiers, cartons, aluminiums, plastiques... des plus simples à recycler aux plus compliqués. Les collectivités et les industriels investissent actuellement des centaines de millions d’euros chaque année pour faciliter le geste de tri des Français, élargir le champ des déchets collectés, triés et valorisés.
Avec la consigne, les vendeurs d'eau et sodas font sécession de ce système collectif. Ils conserveront à leur profit les revenus de la vente des bouteilles et canettes et des consignes non retournées. Ce faisant, ils amputeront le budget des collectivités de 200 millions d'euros. Le service dont bénéficie chaque Français ne pourra perdurer qu'au prix d’une forte hausse à la fois des contributions des autres emballages et des impôts locaux.
Faut-il vraiment brader notre service public pour aider quelques multinationales à verdir leur image?
Nous nous devons d’être ambitieux pour le recyclage des emballages plastiques. Concentrer les moyens sur les bouteilles et canettes, c’est prendre le sujet par le petit bout de la lorgnette.
La consigne est un médecin qui traite le malade le mieux portant et tourne le dos à celui dont l’état est critique : les 700.000 tonnes de déchets orphelins - barquettes et pots de yaourts - qui ne sont recyclés qu’à 4%! (...)
Monsieur le Premier ministre, plutôt que d’importer un modèle inadapté et coûteux, misons sur le modèle collectif à la française. C’est ainsi qu’ensemble, citoyens, collectivités, industriels, producteurs d’emballages, nous tiendrons l’ambition du 100% recyclage des plastiques ».
Les deux dirigeants de Federec ne s'arrêtent pas là : rendez-vous est donné ce jour à 12h30, à la presse. Nul doute que nous reviendrons très rapidement sur ce sujet "chaud-bouillant"...