Débat environnement : Quels nouveaux enjeux dans le domaine des déchets?

Le 06/12/2004 à 11:44  

Débat environnement : Quels nouveaux enjeux dans le domaine des déchets?
Serge Lepeltier En matière de déchets, un certain nombre de dossiers d’actualités (DEEE, Imprimés non sollicités, Réagrément des sociétés agréées...), ont été évoqués par le ministre de l’écologie et du développement durable, Serge Lepeltier, qui s'est volontiers prêté au jeu des questions réponses, dans le cadre du Salon des Maires qui s’est tenu à Paris du 16 au 18 novembre dernier (voir aussi le texte de son discours dans notre forum politique)…

Le premier dossier est celui du ré agrément d’Adelphe et d’Eco Emballages…

« Beaucoup d’entre vous se sont inquiétés de l’application du nouveau barème et des conséquences qu’il pourrait avoir. C’est vrai que la difficulté de transition est réelle. Nous allons naturellement regarder ce que vous avez voté et ce que vous avez proposé mais, à ce stade, j’ai demandé aux sociétés agréées d’améliorer le dispositif de compensation prévu. Des discussions ont eu lieu en liaison étroite avec l’AMF et ont abouti à des avancées significatives. Une compensation à 100% des pertes éventuelles est désormais assurée jusqu’en 2008. Naturellement, nous sommes en train d’examiner le ré agrément des deux sociétés concernées sur ces bases ».

Second dossier d’importance, c’est la question des imprimés non sollicités.

L’objectif en la matière est que, dès le 1er janvier 2005, les producteurs de ces documents contribuent au financement de leur élimination.

« Le paradoxe est que, eux distribuent mais que ce sont les collectivités qui payent la gestion des déchets générés. Un texte, voté par l’Assemblée nationale fin 2003 dans le cadre de la loi de finances initiale, prévoit cette contribution au coût d’élimination des imprimés non souhaités.

Les discussions sont un peu nourries pour savoir comment mettre en place ce dispositif, mais elles sont en train d’aboutir. Elles devraient permettre la prise en charge de ces coûts par les producteurs en direction des collectivités ».

Troisième dossier, la question des DEEE.

« Je crois que vous avez aussi discuté de cette question et de la prise en charge en particulier lorsqu’il y a tri. Nous sommes vraiment dans une phase de concertation très forte sur cette question. Je pense pouvoir dire que nous avançons positivement, l’idée là aussi étant la prise en charge (toute la question est évidemment de savoir si elle sera partielle ou totale) des coûts du recyclage de ces déchets ».

(…)

« Que puis-je dire de plus ?

Je pense que la question peut être la plus importante concernant les déchets, au-delà des sujets que je viens d’évoquer est évidemment

La réforme du financement du service public des déchets. Si je dis taxes et redevance, vous avez tous compris les difficultés auxquelles nous sommes les uns et les autres confrontés.
Je constate d’ailleurs que nous n’y étions pas confrontés avant l’intercommunalité.

C’est l’intercommunalité qui, en rendant l’harmonisation nécessaire, a parfois abouti à des contradictions très fortes…

Ce que je souhaite pour ma part, c’est que davantage de souplesse soit donnée aux communes et que le recours à une fiscalité incitative dans ce domaine soit facilité.
Vous le savez, un groupe de travail est actuellement en cours de réflexion et nous avons demandé que des propositions techniques nous soient faites dans les meilleurs délais. Je souhaite que la décision puisse être beaucoup plus souple qu’elle ne l’est aujourd’hui, en fonction des situations locales.

Le problème est souvent de vouloir aller vers une harmonisation théoriquement positive, qui cependant aboutit à des contradictions très importantes. Je pense en particulier à la question des bases (lorsque l’on est dans un système de taxes) dont la valorisation n’est pas la même d’une commune à l’autre. Appliquer le même taux à des bases très différentes d’une commune à l’autre, entraîne, évidemment, des difficultés très importantes.

Voilà en bref ce que je tenais à exprimer devant vous … Je voudrais vous dire que c’est d’abord par les maires, et j’aillais dire nous, que passe cette question de la défense au niveau local de l’écologie parce que les sujets que vous avez en charge sont vraiment les sujets qui déterminent complètement l’Ecologie de proximité. Et la protection de la nature.

Dans le domaine, beaucoup reste à faire. Je suis très attentif aux conclusions de vos travaux. Ils participeront à l’élaboration de mes décisions.

Je répondrai bien volontiers à quelques une de vos questions».

Monsieur le ministre, dans mon village, il y a une petite grand-mère qui a la chance d’habiter sa grande maison. Elle a reçu sa taxe foncière : 300 % d’augmentation de la TEOM. Impossible de lui expliquer pourquoi le calcul de la taxe est basé sur le foncier alors même que l’enlèvement des ordures est un service. Quand on lui a expliqué que tout est calculé au mètre carré, elle a considéré que c’est complètement fou. D’autant que les habitants ont fait des efforts en terme de tri…

Pourquoi ne place-t-on pas cet impôt au bon endroit, c'est-à-dire sur la taxe d’habitation et par foyer. Après on l’améliorera peut être. Mais surtout, un impôt qui est juste est mieux accepté….
"Je peux peut être répondre rapidement. Vous avez compris que j’étais préoccupé par cette question. Les uns et les autres, localement, nous voyons bien les difficultés. Avant, quand c’était d’un coût peu élevé, personne ne se rendait compte de la difficulté mais aujourd’hui, c’est un problème majeur. On peut vraiment différencier le monde rural du monde urbain, qui n’a pas forcément les mêmes contraintes, les mêmes difficultés.

Il y a plusieurs questions qui se posent, plusieurs dispositifs qui sont possibles. Nous sommes quand même, à mon avis (c’est une discussion que j’ai avec le ministre du Budget), face à une difficulté qui est que l’on ne gère pas la redevance de la même façon que la taxe sur le plan fiscal. Si la redevance n’était pas gérée par les collectivités elles-mêmes, la difficulté serait peut être moindre.

C’est un vrai sujet. J’en discutais récemment avec un maire qui me disait qu’aujourd’hui, en 2004, seulement deux tiers de la redevance étaient rentrés. La perte est considérable. Après, on éprouve des difficultés majeures pour récupérer. Nous sommes très conscients de cela il faut absolument que l’on trouve des solutions.

La taxe d’habitation a quelquefois les mêmes bases que la taxe foncière. C’est toujours un peu difficile."

On ne prendrait pas la base. On prendrait simplement la même somme par foyer, comme la redevance TV. Il suffit de ne pas la mettre sur la même feuille que la taxe d’habitation parce que tout le monde va croire que c’est une augmentation déguisée. Il faut mettre une feuille à côté. Il y a aurait la taxe TV et la taxe poubelle qui serait également pour tous…

"Je suis obligé de dire que ce choix sera difficile pour certaines communes. Je suis incapable de le faire dans ma commune. Cela veut dire un triplement ou un quadruplement pour certaines familles, et quelquefois pour les plus modestes. Cela pose problème. La transition n’est pas simple du tout, et c’est cela qui pose un problème pratique…

En tout cas, sachez que nous y travaillons vraiment, parce que dans la France entière, on retrouve ces problématiques."

Monsieur le ministre, il y a encore 51% des déchets ménagers qui vont en décharge. Ce qui fait qu’il est parfois difficile de trouver les tonnages pour faire fonctionner des incinérateurs qui sont aux normes par ailleurs… S’il est vrai que le coût de l’incinération est supérieur à celui de l’enfouissement, on peut espérer néanmoins qu’un jour on fasse respecter l’obligation de la fin des décharges qui était prévue en 2002…

Quand pensez-vous que l’on pourra faire respecter cette obligation légale ?
"Cela dépend de ce que l’on appelle décharge. Il existe encore quelques décharges type « avant 2002 » en fonctionnement, quelquefois d’ailleurs, autorisées pour des raisons locales parce que nous n’avons pas d’autres solutions. Je pense à certaines régions de France. Mais c’est en cours de règlement. Les centres d’enfouissement technique ne correspondent plus à cela. Ils ont une gestion qui est quand même coûteuse, même si elle ne l’est pas autant, nous en sommes d’accord, qu’en incinération.

Dans ce domaine; vraiment, nous avançons dans l’application des textes à la fois d’ailleurs côté décharges et côté incinération.

Aujourd’hui, nous avons je vous le dis de mémoire encore 130 incinérateurs en fonctionnement. Nous en avions 300 il y a deux ans Nous en avons réduit considérablement le nombre pour faire respecter la réglementation. Les130 incinérateurs qui fonctionnent ont aux normes, aux normes d’aujourd’hui.

En revanche, j’ai quelques problèmes pour la nouvelle norme du 289 décembre 2005. Nous allons devoir procéder à la fermeture de certains incinérateurs sans avoir de solutions de rechange. Nous sommes évidemment en discussion avec l’ensemble de sociétés ou des communes, des collectivités concernées.

Concernant les décharges, de même, nous avançons vraiment très fortement. Il y a eu une grande amélioration. D’ici à deux ans; nous aurons je pense, à peu près résolu la totalité des problèmes.

C’est à ce propos que je dirais que nous sommes un peu français : on se dit 2002 ; on attend un peu. Mais non, il faut y aller maintenant."

Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure, il est plus facile de faire passer les gens de la taxe à la redevance que l’inverse. Dans ma commune, nous avons vécu les deux expériences. Nous sommes passés à la redevance en 1993, ce qui a, bien sûr, généré quelques protestations de la part des familles. Mais en 2001, quand nous sommes entrés en communauté de communes, notre commune, par suite du vote majoritaire à l’EPCI, est repassée de la redevance à la taxe. Il y a eu une levée de boucliers de la majorité de la population. Peut être faudrait-il prendre en compte cet aspect…

"Cela dépend vraiment des situations locales. Je suis tout à fait d’accord. C’est vrai, vous avez tout à fait raison, le passage de la taxe à la redevance est moins douloureux dans certains cas, globalement, mais cela dépend vraiment des situations locales. Je vous assure, nous avons tous les cas de figure."

Monsieur le Ministre, je suis originaire de la Guyane… Un travail remarquable a été réalisé pour ce qui touche au parc régional. En revanche, au niveau des déchets, nous avons des gros problèmes.

Nous avons des décharges, d’énormes difficultés pour recouvrer la taxe du fait qu’il existe de nombreuses zones squattérisées… de nombreuses communes n’ont pas de base fiscale.. Bref : les quelques foyers fiscaux qui existent sont évidemment étranglés par un taux de fiscalité très élevé… Que peut-on faire au niveau du ministère ?
"Il est évident dans l’étude que nous faisons actuellement que nous regardons en plus la spécificité des départements d’Outre mer, pour lesquels l’application n’est pas simple, vous avez tout à fait raison de la dire. Mais tout de même, les choses évoluent. J’ai pu constater en Guyane, que beaucoup d’efforts étaient fiats et des efforts tout à faits récents.

Elargir la base, je ne ais pas comment on peut le faire mais, en tout cas, cela peut être une formule. Il faut voir de quelle façon. On regardera, je regarderai directement avec le ministère de l’Outre mer, en liaison avec le ministère du Budget."

Monsieur le ministre, il y a un an, nous étions embourbés dans la discussion s’agissant de l’autocollant Stop Pub, notamment avec les associations et les diffuseurs… Il y avait des blocages.

Vous avez eu le courage de signifier que cela suffisait ; vous avez embrayé sur une revendication qui était celle des collectivités, d’associations notamment de consommateurs, depuis des années. C’est à mettre à votre crédit.

Vous avez créé la notion de « publicité choisie » en opposition à la publicité imposée…

Simplement, sur les débats de fond sur les imprimés non sollicités, on a l’impression de revenir à cette publicité imposée, non plus aux consommateurs mais aux collectivités…

En effet, dans les dispositifs que l’on veut mettre en place, on veut imposer aux collectivités des encarts dans les dépliants publicitaires, dans les prospectus… En clair, à côté de Mme Irma et des annonces de rencontres, on aura une publicité pour le tri ou une collectivité !?

Ce qui revient à discréditer le dispositif que l’on met en place patiemment… : on arrive à un système où l’on produira plus de déchets et qui ne permettra pas de couvrir les coûts. On discréditera la collectivité en apportant par cette publicité un gage, une notoriété aux différents prospectus… Je pense Monsieur le ministre qu’il faudrait que vous mettiez tout en œuvre pour empêcher ce détournement de la loi qui a été proposée et votée fin 2003.

Plus généralement, il semble tous les sujets (Point vert, DEEE, INS…) relèvent du même problème : les maires, les collectivités en ont marre d’être le réceptacle de choses que les industriels mettent sur le marché en se désintéressant de la fin de vie de ces produits. C’est le cas pour les piles, les emballages, les déchets électroniques… Ces produits sont de plus en plus complexes et donc de plus en plus difficiles à gérer.

Or, les collectivités doivent en assumer la responsabilité financière, la responsabilité logistique en les collectant, en les traitant, et la responsabilité pénale le cas échéant…

On le voit avec les incinérateurs qui ne sont pas aux normes.

La loi sur les déchets dont on va parler prochainement sera, je l’espère, l’occasion de passer à une vraie application du principe pollueur payeur, pour que les collectivités ne soient plus les réceptionnaires de ces produits…
"Je vais seulement vous faire une confidence. Dans une discussion interministérielle qui a lieu sur cette question, vous m’avez tous à vos côtés, et plus que cela. Je considère qu’il ne faut pas affaiblir un texte qui est un bon texte pour permettre ce financement par les producteurs. Nous sommes évidemment au stade de la discussion à ce niveau.

J’espère que ce débat est enregistré. En travail interministériel, je redirai la même chose. C’est le bon argument.

Il reste que la question centrale est celle du financement du service des déchets. Il faut que nous avancions en liaison avec le service de collectivités locales, le ministère de l’Intérieur, le ministère du Budget et évidemment mon ministère…"