Déchets alimentaires/réduction des tonnages : équation difficile à résoudre
D'ici 2025 toutes les communes vont devoir s'y mettre selon la loi sur la transition énergétique d'août 2015, votée définitivement par le Parlement il y a un an. « La loi sur la transition énergétique définit des objectifs ambitieux qui supposent de profondes évolutions dans la gestion des déchets », prévient Matthieu Orphelin, chargé de l'économie circulaire à l'Ademe ; car avec 10% de la population concernée par la collecte des biodéchets, la France accuse un retard considérable sur des pays comme l'Autriche (80%) et l'Allemagne (plus de 60%) ou des régions comme la Catalogne (75%) et la Flandre (plus de 70%).
Dans l'Hexagone, Lorient et des syndicats intercommunaux autour de Libourne, Niort, du centre Hérault, de Pau, de Thann-Cernay en Alsace par exemple ont opté pour une collecte séparée, à l'instar de San Francisco ou Milan.
D'autres villes l'étudient de près: Grenoble a fait un test avec cinq immeubles de sept étages et veut aller vers une généralisation; Paris a prévu une expérimentation dans les 2e et 12e arrondissement fin 2016 ou début 2017.
« Avant, à Paris, il était impensable pour les élus de penser à la collecte des biodéchets. Si c'était généralisé dans la capitale, ce serait un pas de géant », complète Flore Berlingen de l'ONG Zéro déchets, estimant que la capitale pourrait avoir un effet d'entraînement massif...
Il faut dire que les restes de nourriture représentent un gros tiers de la poubelle des Français, qui pèse en moyenne 270 kg (hors déchets recyclables) par personne et par an, et dont les coûts de traitement ne cessent de croitre pour les collectivités.
Le coeur de la réflexion générale consiste à considérer qu'au lieu d'être traités par incinération ou stockage, ces déchets organiques pourraient plus valablement alimenter des méthaniseurs fournisseur de biogaz, avec à la clé électricité, chaleur et/ou carburant), ou être utilisés pour produire du compost de qualité, utilisé en tant qu'engrais organique et non chimique...
Si l'idée est bonne (d'aucuns se sont d'ailleurs étonnés qu'elle n'ait pas germé beaucoup plus tôt), le mode opératoire pour collecter ces décxvbets spécifiques n'est pas une mince affaire à résoudre. Non seulement cela oblige à installer une poubelle supplémentaire, mais cela peut générer des odeurs, et surtout, des surcoûts qui sont non négligeables, à l'heure où les collectivités accusent des baisses budgétaires...
Ce gisement de matière organique produit par les ménages est de l'ordre de 15 millions de tonnes par an (avec les déchets de jardin). « A partir d'une tonne de biodéchets, on peut produire 250 kg de compost », indique Philippe Thauvin de l'Ademe. Si les gros producteurs de ces déchets fermentescibles (plus de 10 tonnes par an), tel que restaurants collectifs et industriels de l'agro alimentaires, commerce de grande distribution sont déjà censés les trier séparément, pour les élus, la la création d'une filière séparée relève du casse tête.
Alain Marois, à la tête du réseau Compostplus, réunissant depuis 2009 des collectivités, concède que « détourner la matière organique n'est pas une mince affaire ». Ce fervent partisan d'une économie circulaire (transformer les déchets en ressources) insiste aussi que le fait que « changer les habitudes est plus difficile que résoudre les problèmes techniques », qui ne manquent pourtant pas dans le cadre du traitement de la matière organique.
Il reste que la rentabilité des incinérateurs, suppose un tonnage de déchets donné, que les UIOM récente ne sont pas encore amorties, ce ce qui peut constituer un frein, tandis que les coûts associés à une collecte séparée supplémentaire sont un frein effectifs, même si Alain Marois, élu en Gironde, nuance en certifiant que que n'est pas forcément plus cher, du fait que l'on peut désormais réduire la fréquence du ramassage des ordures résiduelles.
Il reste qu'à domicile, en habitat individuel ou collectif, il faut bel et bien ajouter un bac et communiquer en amont pour que les habitants adhèrent véritablement au projet, estime pour sa part Eric Morbo, adjoint au maire de Grenoble.
L'accompagnement (distribution de sacs ou de petits sceaux adaptés) et la prévention (lutte contre le gaspillage alimentaire, sensibilisation à la réduction des emballages, etc.) devant par ailleurs être partie intégrante d'une stratégie globale, laquelle passera aussi, par une fiscalité adaptée: 4,5 millions de Français habitant 190 collectivités, sont désormais soumis à une tarification incitative, ce qui permet, malgré une part fixe, de ne taxer pour la part variable, que la production effective des OMR et non pas sur les bases du foncier bâti qui n'ont plus lieu d'être (on ne peut pas demander aux habitants de faire des efforts, si on ne sait pas les récompenser, d'une certaine manière, en allégeant la charge fiscale des bons trieurs).
Si cela semble être évident sur le papier, dans les faits, les décideurs restent le plus souvent attachés à la sempiternelle TEOM via laquelle 'tu tries ou tu ne tries pas, tu payes pareil". Et pourtant... Il faut réduire les tonnages résiduels (décision politique et réglementaire obligent) et par conséquent inciter à (quoi de mieux que le porte monnaie pour ce faire?) tandis que l'Ademe souligne que la fiscalité incitative est une approche qui donne des résultats: sur les territoires concernés, la production d'ordures ménagères résiduelles a fortement baissé et en parallèle la collecte des déchets recyclables a augmenté pour 80% des collectivités suivies, a ainsi confirmé l'Ademe.