Coursy, du côté de Reims, en Champagne : un site spécialisé dans la transformation de matériaux de déconstruction piloté par une équipe qui croit dur comme fer, aux valeurs du recyclage de toutes sortes de déchets valorisables et en la nécessité de cesser de pratiquer le gaspillage... Là, chaque année, on réceptionne, on transforme, on négocie du neuf mais aussi des alternatives sous forme de matériaux recyclés, lesquelles constituent les premiers pas vers une diversification nécessaire et souhaitée par les clients eux-mêmes...
Placé sous le thème de la santé appliquée aux enjeux du bâtiment et des travaux publics, la dernière édition du salon Sabine mettait en avant les synergies existantes entre les acteurs nationaux et régionaux, les donneurs d'ordre et les architectes. C'est dans ce contexte spécifique que nous avons visité un site de traitement des déchets spécialisé dans la transformation de matériaux de déconstruction (béton de démolition, gravats) destinés à une utilisation sur les chantiers de la région.
Etablie sur 12 hectares, occupant 17 collaborateurs, l'équipe dirigée par Romuald Hulk en qualité de responsable du recyclage et David Neichols responsable du site, a changé de vie en 2009 ; si l'activité recyclage existait déjà pour ce qui concerne le concassage du béton de démolition et le traitement des déchets inertes issus eux aussi, de la démolition (gravats de chantiers et démolition de chaussées), cette année là en effet, on organise une nouvelle activité chez C'Mater, à savoir le recyclage d'autres déchets, via la création d'une déchetterie professionnelle et dans la suite logique, un centre de tri qui complètent l'offre de C'Mater... Le tri est désormais beaucoup plus poussé et la demande pour ces matériaux recyclés ne fait pas défaut : le site, situé à proximité de la métropole rémoise, permet aux professionnels de venir déposer des déchets et de repartir avec des produits avec à la clé, une économie de temps et de coûts de transport non négligeables...
« Les différents types de matériaux obtenus après broyage et criblage sont destinés à une utilisation sur les chantiers de bâtiments et de travaux publics. Ils peuvent être utilisés bruts en fond de forme et en remblais de tranchée ou traités pour des applications plus spécifiques. Tous les matériaux sont agréés par la ville de Reims, très favorable à cette démarche (voir Mâchefers : Reims Métropole tient la route) et sont suivis régulièrement par un laboratoire », indique David Neichols.
La nouvelle donne pèse de tout son poids puisque Reims et sa région disposent de très peu de matériaux naturels. Pour opérer dans les meilleures conditions tarifaires, puisque le transport coûte cher, l'entreprise travaille dans un rayon de 50 à 100 kilomètres. La proximité de la ville de Reims avec les nombreuses constructions et déconstructions liées à l'urbanisation (et notamment l'énorme chantier constitué par la construction du tramway) est un atout maître.
« Le concasseur fixe est important dans la structure : il travaille 200 tonnes à l'heure de bétons armés. On traite ici 80% de déchets de démolition provenant de programmes visant à éliminer des barres et tours de logements qui sont arrivés en fin de vie, soit 150 000 tonnes par an de gravats et 70 000 tonnes annuelles de déblais inertes », indique Romuald Hulk. « On négocie environ 60 000 tonnes annuelles (de différents types de graves, de sable ou sol HQE), tandis que 15 000 tonnes (dont le vrac non trié) arrivent à la déchetterie (...).
Pour faire court, on estime le marché de la Marne à 600 000 tonnes pour le recyclé, celui de la Marne et des Ardennes à 1 million de tonnes, soit 10% des besoins exprimés puisque la production de matériaux naturels nécessaires pour satisfaire les besoins de la région est de l'ordre de 10 millions de tonnes ».
Au demeurant, on assiste à une baisse de la production des matériaux naturels, tandis que les stocks ont tendance à augmenter. Effet de la crise sans doute...
« Quand bien même c'est moins grave que d'organiser des dépôts sauvages et clandestins, encore aujourd'hui, de nombreux artisans évacuent leurs déchets dans les déchetteries communales, ce qui est anormal puisque cela impacte la facture fiscale de ceux qui paient … sans compter que notre vocation est de recycler»...
D'où l'idée de « mettre en service, ici même, une déchetterie professionnelle, un projet qui s'est concrétisé en 2009 » : de fait, la nouvelle unité a ouvert en 2010 et reçoit des quantités et des produits très variés tels que des cartons, plastiques (qui vont des huisseries, aux gaines ou fourreaux) et bois (des portes, fenêtres, bois de coffrage en fin de vie ou palettes), des métaux, du verre, du plâtre, des pneus, des déchets verts ou des déchets dits dangereux (emballages souillés).
« Nous pratiquons une politique incitative de manière à valoriser le maximum de déchets. En d'autres termes, le prix facturé à l'entrée des déchets diffère en fonction de la qualité du tri effectué avant de parvenir sur le site ».
Le site réceptionne désormais environ 3000 tonnes de bois de tous ordres dont 70% de bois B provenant de la déconstruction (25% de bois A, servant de combustible qui est vendu en vrac, et 5% de bois C, créosoté).
« Le bois B pourrait très bien trouver un débouché satisfaisant en chaufferie, pour autant que celles ci soient équipées de systèmes de captages de fumées », indique le responsable recyclage de l'entreprise. Mais... Faut-il rappeler que l'Europe mise sur le captage des pollutions sortantes tandis que la France préfère de loin faire gaffe à la qualité des entrants... Dommage pour le bois B, regrettent les dirigeants de C'Mater...
Les déchets de plâtre sont récupérés par Placoplatre qui recycle ce produit spécifique ; l'entreprise incorpore désormais environ 15% de recyclé dans ses productions, via une politique dynamique en matière de collecte (voir notamment Recyclage du plâtre : c'est du "béton").
Le PVC trouve également preneur puisque le fabricant de portes et fenêtres dispose d'une usine de recyclage dans la région Champagne Ardennes (voir PVC : Veka mise davantage sur le recyclage)
Les professionnels se doivent de garder à l'esprit que plus ils trient leurs déchets de chantiers avant d'arriver sur notre site, moins ils payent : c'est du gagnant gagnant. Travailler le déchet correctement, afin de le recycler, nécessite qu'il soit "propre" grâce à un tri soigné. Nous recevons encore environ 8 000 tonnes de vrac, dont seulement 30% est valorisable ; le reste repart en CET. Ce qui n'est pas le cas des déchets de déconstruction dont l'essentiel est valorisé, avec à la clé environ 1 000 tonnes de ferrailles par an ».