Le projet de consigner certains déchets d'emballages au détriment des revenus des collectivités locales tout autant qu'à celui des exploitants des centres de tri, présenté comme étant THE solution pour pallier un taux de récupération des bouteilles en plastiques jugé notoirement insuffisant, s'est pris un petit coup dans les dents. Se prononçant contre le dispositif soutenu par le gouvernement et attendu par certains metteurs en marché tout comme les fabricants des machines destinées à capter les bouteilles ciblées, les sénateurs se sont prononcés en faveur du réemploi, supprimant ainsi la possibilité d'une consigne pour recyclage des bouteilles en plastique...
Globalement, le jugement de cette commission présidée par le centriste Hervé Maurey est sévère, les sénateurs regrettant l'absence de grands sujets écologiques d'un texte "abusivement présenté comme le symbole du tournant écologique du quinquennat", tels que la réduction à la source de la production de déchets, la lutte contre le suremballage et la pollution au plastique ou encore contre le gaspillage alimentaire.
Mais les critiques se concentrent aussi sur la future consigne pour les emballages de boisson, qui concernait potentiellement dans le texte du gouvernement les bouteilles plastiques, les canettes en métal et le verre.
Pour la commission, l'objectif européen d'un taux de collecte de 90% des bouteilles en plastique (la France est à 57%) pourrait être atteint en 2029 par la mise en oeuvre de plusieurs mesures alternatives à ce qui est porté par le gouvernement, ces mesures ayant la faveur des grandes associations rassemblant les collectivités locales, tout comme les instances professionnelles dédiées au recyclage ou au traitement des déchets..
Les sénateurs souhaitent en particulier améliorer la collecte des déchets plastiques "hors foyer" ; ils estiment par ailleurs, que la consigne pérenniserait l'usage de la bouteille en plastique à usage unique en "verdissant" son image, tout en reportant le coût sur le consommateur et les industriels des autres produits restant dans le bac jaune. Les collectivités locales, en charge de la collecte de ces déchets, ont tiré la sonnette d'alarme depuis quelques mois, ne manquant pas une occasion d'exprimer leurs craintes de voir diminuer leurs recettes liées à une moindre vente des matières triées en centres spécialisés pour ce faire.
On retiendra par ailleurs, que les sénateurs, marqués comme nous tous, par le décès du maire de Signes, ont prévu un renforcement du pouvoir de police des élus pour lutter contre les dépôts sauvages de déchets.
De son côté, Brune Poirson défend un texte pour "entrer dans l'économie du XXIe siècle" : près de 20 ans après l'An 2000, on aurait pu penser y être, dans l'économie du XXIème siècle, surtout au regard des investissements lourds tout autant que nombreux, qui ont été réalisés non seulement par les collectivités locales (c'est à dire avec l'argent des contribuables), mais aussi par les industriels du recyclage, les deux parties étant indissociables pour mener à bien la collecte, le tri puis le recyclage des déchets qui peuvent être recyclés.
Et d'ajouter que le projet de loi qu'elle défend permet de "sortir de la société du gaspillage" (ce ne sont pas les Français qui un jour, ont décidé de gaspiller à gogo, ni les mêmes Français qui ont choisi de consommer des produits de mauvaise qualité, et/ou intégrant l'obsolescence dite programmée) et de donner aux Français "les moyens de consommer autrement" : il est plus que temps d'arrêter avec le sempiternel pas cher (ce que la grande distribution a mis en avant des années durant, avec la complicité des grands metteurs en marché, en omettant de prévenir que bon nombre de ces produits pas chers ne tiendraient pas la route longtemps).
Le même texte, défendu par la secrétaire d'Etat interdit ainsi la destruction des produits non alimentaires neufs (il est regrettable d'avoir à légiférer pour mettre en place ce qui devrait couler de source), renforce le principe du pollueur-payeur et contraint de nouveaux secteurs (jouets, article de sport, de bricolage, cigarettes, lingettes, matériaux de construction) à prendre en charge le traitement de leurs déchets.
Lors de son audition devant les sénateurs, Brune Poirson avait souligné que la concertation sur la consigne se poursuivrait "dans les prochains mois". Autrement dit, on continue sur la lancée qu'elle a fixée, malgré les oppositions fortes qui se manifestent, chiffres à l'appui, de la part des collectivités toutes concernées par le tri des déchets recyclables et des industriels du recyclage, eux aussi en première ligne.
Plus grave, beaucoup plus grave (restons sobres), c'est d'entendre la secrétaire d'État à la Transition écologique soutenir sur les ondes qu'elle a en face d'elle "un lobby de gros recycleurs qui vivent du système de gestion des déchets qui, en France, est opaque"... que les Français "n'en ont pas pour leur argent", que les recycleurs "envoient les déchets (plastiques notamment) en Afrique et en Asie", le tout sur un ton qui pourrait sous entendre que l'on aurait à faire qu'avec des sortes de mafieux ... A ce stade, la diffamation n'est pas loin...
Et de poursuivre en indiquant que le gouvernement va mettre en place des garde-fous pour changer la donne qui prévaut...
Faut-il traduire ce propos par l'instauration, coûte que coûte, de la consigne qui servirait d'autres intérêts particuliers?
Comment oser défendre aussi ouvertement les intérêts de certaines multinationales, au détriment de notre industrie du recyclage, quand par ailleurs, on se déclare militer en faveur d'un recyclage toujours plus performant?
S'il était avéré que certains recycleurs aient des pratiques douteuses, qu'on leur tape sur les doigts, pourquoi pas!? Mais qu'on ne mette pas toute une profession dans le même sac, en oubliant au passage, que bon nombre de multinationales n'ont certainement pas de leçon d'honnêteté à donner...
Sauf à considérer qu'il pourrait s'agir d'une bourde monumentale (personne n'en est à l'abri), notre Secrétaire d'Etat pourrait tout aussi bien être sous influence de lobbys beaucoup plus puissants que ne pourraient l'être les recycleurs français. A moins qu'elle ne boive trop de Coca Cola...