Déchets du BTP : l’acceptabilité des projets passe par le respect
L'acceptabilité des projets liés aux déchets ne concerne pas QUE le BTP, cela va sans dire. Mais dans le cadre de son assemblée générale, l’Union nationale des exploitants du déchet a organisé vendredi 30 septembre à Paris une table ronde intitulée « Le dialogue environnemental : la clef de réussite de nos projets », un débat qui a permis de reparler du Predec, notamment. Pour échanger sur ce thème, l’Uned avait invité Jean-Philippe Dugoin-Clément, président de l’Ordif et maire de Mennecy, Dominique Duval, présidente de FNE Île-de-France, Patrick Poiret, chef de pôle DRIEE Île-de-France et Judith Mallet, directrice de l’eau, de l’environnement, de l’agriculture au Conseil départemental de la Seine et Marne…
L’Union nationale des exploitants du déchet qui a récemment décidé de se doter d'une nouvelle identité visuelle, sans changer son logo, soulignant l’évolution de ses missions a adopté une nouvelle signature « valoriser et sécuriser le flux des déchets du BTP » qui témoigne de ses engagements et actions. Elle modernise ainsi modernise son image, sans tirer un trait sur le passé, en prenant appui sur l'expérience de l'existant… Vendredi 30 septembre dernier, elle organisait un débat dans le cadre de son assemblée générale, l’actualité étant riche en matière de déchets (l’abandon du Predec, l’instauration de la loi NOTRe et les travaux d’importance en simultané dans le cadre de le construction du Grand Paris ne sont pas sans questionner les collectivités comme les industriels). Cette table ronde, qui a réuni représentants de l’Etat, collectivités locales, associations environnementales et experts, a viser à identifier les évolutions réglementaires en cours et à échanger sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour l’atteinte des objectifs fixés…
Sans respect et compréhension mutuelle, le blocage est assuré
En préambule, deux experts, Luc Picot, directeur de Décider Ensemble et Mickaël Clément, Directeur associé à Azao Conseil, ont expliqué et exposé exemples à l’appui, ô combien les habitants savent être raisonnables, dès lors qu’ils sont respectés. Certes, le NIMBY existe, mais le non respect des personnes aussi, avec une phrase clé qui dit tout ou presque : « il ne faut jamais rater ses débuts lorsque l’on veut implanter un projet industriel, quel qu'il soit ; cela laisse des stigmates »… De la même manière que « la perception doit être traitée comme la réalité », prenant comme exemple le panache de fumée blanche s’échappant des UIOM : « si un panache de fumée fait peur aux familles, au prétexte qu’il est généré par l’incinération des déchets, il faut expliquer, montrer, prouver la non dangerosité, dialoguer, c'est-à-dire entendre ce que les gens ont à dire, et non pas faire passer un message » (ce qui relève de la communication et non du dialogue).
Reprenant une citation de Gandhi pour illustrer son propos : « Whatever you do for me, without me is against me »…avant de conclure : « l’acceptabilité est essentielle, et la crédibilité peut être davantage encore, or les communicants ne sont pas toujours crédibles »…
Au cours de cette table ronde, dont le fil rouge était d’aborder l’importance et le rôle de la concertation, il a été rappelé que « la concertation doit être intégrée bien en amont et tout au long d’un projet ». Il est primordial, ont indiqué les experts invités, « de faire la distinction entre concertation et débat public » ; « ce n’est pas la même chose ». Au sens premier, la concertation, c’est construire un cahier des charges en interrelation avec les parties prenantes. Elle doit aussi s’inscrire dans une action publique plus transparente et plus efficace en évitant certaines erreurs. Il est essentiel d’analyser le contexte et les acteurs en présence dans un climat d’écoute et de respect mutuel. Car aujourd’hui plus qu’hier, dans une société considérée par certains comme plus anxiogène, il faut savoir tenir compte des facteurs émotionnels des populations.
Steven Talbot, exploitant et vice-président de l’Uned a d’ailleurs a fourni un bel exemple pour illustrer le propos, évoquant la création, sur une commune rurale du Maine-et-Loire, d’une Installation de stockage de déchets inertes, dont la pérennité était clairement menacée après trois années d’exploitation : « il faut des volumes conséquent pour rentabiliser des investissements toujours importants ; or, au bout de deux ans, on perdait de l’argent tant les déchets de terre partaient ailleurs, en remblais de chemins le plus souvent ». C’est en « remettant autour de la table l’ensemble des parties prenantes, ce qui a permis d’exposer les problématiques économiques, les attentes locales, tant de l’administration, des élus, que des associations et de la population, que cette ISDI a su prouver son utilité environnementale et sociale, puis de trouver un nouvel équilibre ». L’échelle "temps" n’est pas la même pour tout le monde : l’ouverture d’une ISDI demande beaucoup de temps, alors que les déchets du BTP doivent trouver un exutoire tous les jours »…
Predec, loi NOTRe, quantités de déchets : l'Ile de France, en questions...
« Le fait est que la concertation avec des acteurs différents, qui n’ont pas le même calendrier, ni les mêmes intérêts n’est pas toujours simple », rebondit le président de l’Ordif : « il ne faut pas confondre légalité d’un projet et acceptabilité du projet, laquelle suppose la prise en compte de l’irrationnel (si la population ne comprend pas un projet, elle a tendance à le rejeter). En Ile de France on estime la production de déchets (tous déchets confondus) à l’équivalent de 3 tonnes par habitant et par an, dont 300 kg de déchets non dangereux par an et par habitant. Le Grand Paris, c’est 10 ans de travaux, et des quantités énormes de déchets (+10 à +20% par an). Simultanément, « la loi NOTRe a deux conséquences en matière de déchets :
elle réaffirme la Région comme moteur et chef de file de la gestion des déchets, et non comme pilote des politiques publiques
elle a enterré le Predec ; or après des mois de concertation, on était parvenu à un accord, étant entendu qu’il était « mort-né », puisqu’il devra être repris dans le plan régional déchets »…
La question qui se pose est « comment faire face à ces quantités monstrueuses de déchets qui vont aller croissant, avec un outil -le plan- qui pour l’heure n’est pas fixé, quand on sait par ailleurs qu’il faudra 18 à 24 mois pour reconstruire cet outil, qu’il faudra tenir compte de l’ensemble des facteurs, que l’on sait que la petite couronne dispose de peu de foncier, du fait de la densité de la population, et que la grande couronne, dont la densité de la population est bien inférieure, ne veut pas servir de poubelle à l’ensemble du territoire au prétexte qu’il faut absorber tous les déchets à venir »…
Le début des débats est programmé pour le 2 décembre prochain ; il risque d'être animé...
« La Seine et Marne, qui dispose de paysages ouverts, représente en effet 50% du territoire francilien, comprend 50% de terres agricoles (soit environ 330 000 hectares, ndlr) : entre 2009 et 2013, 80% des déchets inertes produits par la Région ont débouché sur le département qui a ainsi accueilli environ 27 millions de tonnes, stockées sur 12 installations », précise Judith Mallet. « Le Predec adopté en 2015 inclut un moratoire sur 3 ans, puis un plafonnement à 4 millions de tonnes par an ; sauf qu’entre temps, des autorisations ont été accordées par le préfet : pour la seule année 2016, les autorisations nouvelles et existantes cumulées correspondent à 11 millions de tonnes… En 2018, avec le plafonnement tel qu'il a été prévu, on arriverait à 7 millions de tonnes par an, ce qui démontre un problème d’articulation entre l’Etat et les collectivités territoriales et les départements, étant entendu qu’il faut ajouter à cela, que depuis 2015, le département n’est plus consulté systématiquement pour la délivrance des autorisations et extensions, c'est à dire depuis que la procédure a été modifiée ».
Dans ce contexte, l'acceptabilité est délicate à obtenir, on s'en doute bien. Non seulement « nous sommes partisans d’un moratoire, mais aussi d’un développement significatif de plateformes de recyclage et de proximité, tout en défendant le principe d’une indemnisation financière en compensation des tonnages (venus d’ailleurs) que nous absorbons ».
« Que l’on se rassure : ni Valérie Pécresse, ni Chantal Jouanno, n’envisagent une concertation sans y associer les départements », précise le président de l’Ordif qui conclut son propos en rappelant une règle de simple bon sens : « si une concertation n’est pas sûre d’aboutir, avec un défaut de concertation, on est sûr d’échouer », surtout en matière de gestion des déchets, « surtout qu’une bonne gestion de ceux-ci, en misant sur le recyclage constitue une filière économique à part entière et à ne surtout pas négliger ».
La discussion autour des futurs plans régionaux a été l’occasion de remettre au centre du débat la question de l’acceptabilité sociale des activités du déchet, le besoin d’informer en amont, de préparer le terrain par un dialogue constructif avec l’ensemble des parties. Les autorisations administratives sont nécessaires mais pas suffisantes pour assurer le succès des projets.
Il est donc fondamental a conclu Albert Zaminer, président de l’Uned, « de mettre en perspective nos activités par la mise en place d’un dialogue environnemental inventif, constructif et volontaire, trouvant sa genèse dans la compréhension et le respect des enjeux de l’ensemble des parties prenantes ».