Déchets européens : à quand le contrôle?
Selon une étude de la Commission européenne publiée ce 1er février, il conviendrait de créer une agence européenne spécifique, chargée de veiller à la mise en oeuvre de la législation européenne relative aux déchets et d'assurer le contrôle de son application. "Le respect de la législation européenne est essentiel si nous voulons atteindre l'objectif suprême de la législation en matière de déchets, qui est de protéger la santé des citoyens européens et de préserver l'environnement. Nous devons envisager tous les moyens pour y parvenir, y compris la création d'une agence ou d'un organisme européen qui permettrait aux citoyens de tirer le meilleur parti de la législation de l'Union européenne et ferait en sorte que celle-ci soit le plus profitable possible à l'environnement et à l'économie européenne", explique Stavros Dimas, membre de la Commission européenne...
Veiller à la gestion sûre et écologiquement rationnelle des déchets est un des problèmes environnementaux les plus sérieux auxquels l'Union européenne doit faire face de nos jours : la quantité de déchets produite chaque année par l'Union est estimée à 2,6 milliards de tonnes dont environ 90 millions de tonnes sont classés dangereux. L'étude qui vient d'être publiée recommande la création, au niveau de l'UE, d'une agence qui serait spécifiquement chargée de s'attaquer au problème sous‑jacent des déficiences dans la mise en oeuvre et le contrôle de l'application de la législation européenne en matière de déchets. En effet, ce problème a pris de l'ampleur ces dernières années du fait de l'augmentation de la production et des transferts de déchets à la suite de l'élargissement de l'Union. En 2008, le Parlement européen a adopté une résolution invitant la Commission à se prononcer sur la faisabilité de la création d'une "force communautaire d'inspection environnementale".
L'agence accomplirait un certain nombre de tâches telles que l'examen des systèmes de contrôle de l'application mis en place dans les Etats membres, des contrôles coordonnés et des activités d'inspection. Parallèlement serait créé un organisme européen spécifique, chargé de procéder à des inspections et contrôles directs des installations et des sites en cas d'infraction grave. Un réseau européen d'Etats membres assisterait l'agence pour un certain nombre d'activités. Ces recommandations sont fondées sur les informations que les fonctionnaires et les parties prenantes des Etats membres ont fournies en réponse à des questionnaires ou à l'occasion d'entretiens et d'ateliers informels.
Le coût annuel associé à la mise en oeuvre de ces recommandations est estimé à un peu plus de 16 millions d'euros. En plus des autres retombées bénéfiques sur le plan des déchets, l'application intégrale de la législation en matière de déchets entraînerait une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), et notamment du méthane rejeté par les décharges, équivalente à près de 200 millions de tonnes de CO2 par an. Il en résulterait une économie annuelle de 2,5 milliards d'euros, au prix actuel du carbone, qui s'élève à 13 euros la tonne. Entre autres gains non négligeables sur le plan économique, le renforcement de l'application garantirait des conditions de concurrence équitables aux entreprises européennes, créerait un climat plus propice à l'innovation et améliorerait l'accès de ces entreprises à des matières premières secondaires intéressantes. Une analyse coûts-bénéfices approfondie sera réalisée dans le courant de l'année et de nouvelles dispositions pourraient être envisagées en 2011.
En raison des lacunes dans la mise en oeuvre de la législation et le contrôle de son application, le déversement illégal des déchets est une pratique largement répandue, et un grand nombre de décharges et autres installations et sites ne sont pas conformes aux normes européennes. Dans certains Etats membres, les infrastructures de gestion des déchets sont inadéquates voire inexistantes. Le grand nombre de cas de transferts illégaux de déchets suscite aussi de plus en plus d'inquiétudes. Le manque d'inspections et de contrôles sur le terrain a été pointé comme un facteur favorisant. Pour remédier au problème, la Commission a encouragé une série d'inspections, de contrôles sur le terrain et de vérifications coordonnées des transferts de déchets dans les Etats membres, en coopération avec IMPEL, le réseau européen des fonctionnaires des services administratifs chargés de l'environnement dans les Etats membres. Un rapport relatif à cette action conjointe de contrôle de l'application est publié ce jour.
Plus de 10 000 inspections portant sur les transports et plusieurs centaines d'inspections portant sur les entreprises ont été réalisées. Au total, 22 Etats membres et plusieurs pays voisins ont participé à l'action conjointe de contrôle de l'application. Dans près de 19% des inspections réalisées dans les transports, les inspecteurs ont constaté des transferts illégaux de déchets. Il s'agissait dans la plupart des cas d'exportations illégales de l'UE vers des pays d'Afrique et d'Asie, transgressant l'interdiction d'exportation de déchets dangereux ou contrevenant à l'obligation d'information applicable aux exportations de déchets "verts", non dangereux.
Les inspections conjointes des transferts de déchets se poursuivent dans le cadre d'IMPEL et il est prévu de les étendre à tous les Etats membres. La Commission s'est également attaquée au problème en proposant une réglementation plus rigoureuse. La révision proposée de la directive relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques (D3E, ou DEEE) prévoit des règles supplémentaires pour empêcher les transferts illégaux de ce type de déchets, en particulier ceux qui sont effectués sous le couvert de fausses déclarations en tant que produits déjà utilisés. La Commission étudie également la faisabilité d'un renforcement des exigences en matière d'inspection dans le cadre des règles européennes relatives aux transferts de déchets.