Déchets : il va falloir composer avec les mutations structurelles
Precepta (division du groupe Xerfi, cabinet d’analyse indépendant, mène des études stratégiques. Après plusieurs mois d’enquêtes et d’entretiens directs avec de nombreux dirigeants du secteur des déchets, il vient de publier une étude de 515 pages intitulée "Le marché de la gestion des déchets : Préserver les marges dans un contexte de réduction des volumes des déchets" (auteur : Alexia Dassi). En voici la synthèse et les principaux enseignements...
Le retournement économique est venu mettre un terme à certaines croyances plaçant la gestion des déchets comme une filière protégée des soubresauts conjoncturels. La récession s’est en effet soldée par une baisse inédite du chiffre d’affaires lié à leur collecte et traitement (respectivement -1,3% et -0,4%), ainsi que par un repli de l’ordre de -20% dans le marché du recyclage (lié à la baisse des volumes et surtout à la chute des cours des matières premières).
Selon Precepta, les indicateurs renoueront avec la croissance à l’horizon 2011. "Mais, au‐delà du rebond technique attendu, les défis à relever restent nombreux", précise le cabinet. En effet, au-delà du choc conjoncturel, la baisse structurelle des volumes de déchets industriels (liée notamment à la désindustrialisation de l’économie française), mais aussi ménagers, est une (petite) révolution dans un secteur où les choses évoluent lentement. Ces réductions des volumes de déchets devraient incontestablement s’accélérer dans les années à venir : c'est pourquoi les opérateurs, généralistes ou spécialistes, doivent repenser les conditions d’exercice du métier de gestionnaire des déchets. Ainsi, pour continuer à réaliser de bonnes performances, les professionnels du secteur devront prendre en compte l’ensemble des mutations structurelles à l’oeuvre dans l’Hexagone :
La gestion des déchets constitue l’un des volets majeurs du Grenelle Environnement. Plusieurs solutions de traitement y sont encouragées, en particulier le recyclage, mais aussi le compostage et la méthanisation. Malgré la volonté de réduire de 15% des volumes de déchets incinérés et stockés à l’horizon 2012 (via la hausse de la TGAP notamment), il faut bien admettre qu’il y aura toujours besoin d’incinérer et d’enfouir certains déchets. Les pénuries de capacité de traitement attendues d’ici 2015 constituent ainsi des moteurs indéniables pour les spécialistes de l’incinération et du stockage, tels que Tiru, Inova France ou encore Séché Environnement.
Les discours politiques sur une consommation plus responsable et moins gourmande en ressources trouvent peu à peu un écho auprès des citoyens (démocratisation du tri sélectif, mise en place de redevances incitatives...) et par ricochet auprès des entreprises (émergence de l’éco-conception).
Enfin, la remontée des cours des matières premières vierges (une tendance qui se confirmera au‐delà des effets spéculatifs et à long terme du fait de la raréfaction des ressources naturelles) et la reprise progressive de la production industrielle vont générer du business pour les recycleurs. Toutefois, le basculement de la France d’une économie industrielle vers une économie de services va les pousser à se tourner davantage vers l’international (en particulier les pays émergents).
Au‐delà des inflexions des pouvoirs publics, les forts niveaux de rentabilité dans le recyclage attisent les convoitises des généralistes. Les 2 ténors, Veolia Propreté et Sita, ont déjà entamé une stratégie d’intégration verticale, en prenant position dans le recyclage. Une stratégie interrompue par le retournement conjoncturel, mais qui sera probablement reconduite une fois que l’horizon conjoncturel se sera éclairci, et qui pourrait être adoptée par davantage d’opérateurs, et notamment par des challengers généralistes, à l’image de Pizzorno ou encore Nicollin (à condition qu’ils aient les moyens financiers de leurs ambitions).
"La concentration du secteur va donc se poursuivre. La menace pourrait par ailleurs provenir des industriels eux‐mêmes, qui chercheront à garantir leurs approvisionnements et capter des sources de revenus supplémentaires", conclut Precepta.