Déchets : le principe de REP est durablement structurant
Jean-Paul Cazalets est le nouveau Président de l'association des Assises nationales des Déchets. Alors que s’accélère la préparation de l'édition 2011 (à Nantes, les 14 et 15 septembre prochains), il analyse les enjeux structurants du secteur, et en particulier le nouveau rôle que sera entraîné à prendre le producteur de déchets avec l’élargissement du principe de REP (Responsabilité Elargie des Producteurs)...
Il y a encore 20 ans le traitement des déchets était un sujet très peu abordé, un sujet confidentiel qui, en quelques décennies, a pris l’ampleur d’un véritable problème de société. Les enjeux sont en effet énormes et la discussion dépasse aujourd’hui largement le cercle des seuls industriels spécialistes de la question. Les Assises des Déchets, qui se tiennent tous les 2 ans depuis 1991, sont devenues au fil des éditions un événement de référence pour tous les acteurs du secteur. Les premières Assises ont grandement contribué à l’élaboration de la loi du 13 juillet 1992, celle-ci fixant les 3 grandes orientations de la politique nationale de gestion des déchets : priorité aux technologies propres, au recyclage et à la valorisation.
Industriels, collectivités locales, administrations, associations se rassemblent pour échanger à travers des séances plénières et des ateliers sur des sujets d’actualités, pour faire tomber les tabous, pour défricher des voies nouvelles là où l’on ne voyait que des impasses, pour imaginer l’avenir. Au delà des déchets industriels, les Assises ont peu à peu embrassé des sujets connexes : DIB (Déchets Industriels Banals), déchets très faiblement radioactifs, déchets de chantier, déchets et énergie, déchets organiques, filières vertes et investissements d’avenir.
Sous quel signe selon vous se placera l’édition 2011 des Assises Nationales des Déchets ?
Cela fait 20 ans que les Assises permettent aux industriels, aux collectivités locales, aux représentants des usagers et aux pouvoirs publics de dialoguer, confronter idées et expériences sur un problème central pour notre société : les déchets. C’est toute la réussite de ces Assises biennales que d’avoir réussi, dans un climat jamais démenti d’échange, de partage et même de convivialité, à traiter ce thème en profondeur. Un thème qui est loin de s’épuiser. Pour mémoire, la production de déchets en France était de 868 millions de tonnes en 2008, dont 45 millions de tonnes pour les ménages et collectivités, des chiffres qui ne cessent de croître.
Comment analysez-vous l’évolution récente des problématiques liées aux déchets ?
La gestion des déchets était initialement centrée sur des enjeux sanitaires. Dans les dernières décennies, la problématique s’est élargie, nous confrontant à de véritables défis économiques et sociaux : quelle rentabilité économique et quels financements des traitements, quelle acceptabilité sociale pour les décharges et usines d’incinération... Il y a une dizaine d’années, les enjeux du recyclage et de la réutilisation se sont une première fois imposés, entraînant la mise en place de filières de recyclage de plus en plus structurées et efficaces. Avec la récente crise économique, le recyclage et la réutilisation trouvent toute leur actualité. D’autant que la Directive déchet et les possibilités de sortie du "statut" de déchet laissent entrevoir de nouvelles opportunités de traitements. L’ensemble de ces éléments, associés au développement intense de l’utilisation de MPS (Matières Premières Secondaires), permet de conforter les filières de recyclage.
L’interpellation sociale vous semble-t-elle toujours aussi forte ?
Plus que jamais : en complémentarité des enjeux de recyclage et d’éco-conception, la nécessité de sensibilisation du public à la production de déchets, ou plutôt à la réduction de production, est un axe de travail incontournable. Eu égard notamment aux difficultés d’implantation de nouveaux incinérateurs et au contexte général de limitation de l’enfouissement, nous serons amenés tôt ou tard à questionner à nouveau les formes "contractuelles" qui lient les producteurs, les traiteurs de déchets, l’administration et les usagers.
Vous semblez persuadé d’un rôle grandissant pour les producteurs de déchets ?
En effet, je crois que nous nous apprêtons à prendre un tournant important, notamment avec le concept de REP. Ce principe de responsabilité élargie des producteurs, repris par la Directive 2008/98/CE et décliné dans le Grenelle II, permet par exemple d’envisager de nouveaux modes de gestion, basés de plus en plus sur la responsabilisation du producteur, en intégrant l’ensemble du cycle de vie dès la conception du produit. Cette émergence du rôle central du producteur peut devenir je crois durablement structurante. Correctement encadré, notamment par les Pouvoirs publics qui jouent ici un rôle essentiel de garant et de vigie, ce positionnement du "producteur" au cœur du processus de gestion aurait l’avantage de permettre à la fois de limiter la production de déchets et de conforter l’efficacité des filières de recyclage et des actions de prévention.