Déchets : les gros pépins de Citron, encore !...
Sur une superficie de 13 hectares à Rogerville dans la zone portuaire du Havre (76), le site de la société franco-suisse Citron (Centre international de traitement et de recyclage des déchets nocifs) est, malgré sa fermeture administrative, fin 2010, potentiellement dangereux du fait de phénomnènes d'auto combustion de certains déchets stockés là, mais également pour les eaux de la baie de Seine...
"Considéré par l’Ademe et les éco-organismes chargés de la collecte des piles, des D3E et des lampes comme un phare du recyclage en France et en Europe, Citron se révèle enfin pour ce qu’il a toujours été : un boulet, une imposture et sans doute une escroquerie", dénonce l'association Robin des Bois dans un communiqué.
A ce stade, il est bon de mettre les points sur quelques "i". A commencer par le rôle de l’Ademe et des éco-organismes qui, bien que nous ne les défendions pas toujours, ne sont quand même pas là pour orchestrer ou assister à des faits de pollution, en restant les bras ballants…
Citron, société de recyclage d’origine suisse, a posé les pieds en France dans les années 90. Sa spécialisation, développer et réaliser des installations de recyclage pour une grande variété de déchets contenant des métaux lourds, lui a permis de construire une première usine de recyclage, située dans le port du Havre, opérationnelle depuis plus de 10 ans. Oui mais voilà, à l’époque, chaque tonne entrante, était considérée comme une tonne de moins ailleurs, en CET de classe 1 comme à l’incinération. Autant dire que dans le monde du traitement des déchets, Citron a toujours fait rire jaune…
En effet, lorsque Citron s’est installée, elle s’est donnée pour mission de récupérer sur son site piles et accumulateurs, tubes fluorescents et lampes à décharge, D3E, RBA (Résidus de Broyage Automobile), déchets liquides, boues d’usinage, catalyseurs, terres contaminées, cendres volantes et gâteaux de filtration provenant de l'épuration des fumées… et autres déchets dangereux. Si d’entrée de jeu, le site a suscité la curiosité, rapidement il a "un peu" dérangé. Non pas pour fait de pollution mais plus vraisemblablement parce que cette activité piquait des tonnages à d’autres… et qu’on n’avait pas vraiment envie de voir Citron se reproduire ailleurs en France.
Mais revenons à l’actualité…
Citron a fait faillite, après avoir subi un redressement judiciaire au cours de l’automne dernier (parce que dans l’incapacité de payer ses charges sociales), puis un incendie (voir notre article)… S'il est avéré qu’on trouve sur le site des déchets toxiques, il faudrait quand même être conséquent et arrêter de tirer sur l’ambulance : que trouver d’autres chez un recycleur de déchets dangereux, qu’un stock de déchets dangereux ?! On se le demande !
C’est bien que des associations défendent l’environnement, montrent des images destinées à marquer les esprits, et dénoncent des abus caractérisés. Mais dans le cas qui nous occupe, il faudrait quand même savoir ne pas exagérer… Quand on réceptionne des RBA, on trouve forcément un stock de RBA. Il en va de même de terres contaminées et autres cendres provenant de l’épuration des fumées d’incinération. Et comme ces déchets ne sont pas beaux à voir, déjà quand l’installation est en activité, inutile d’en rajouter, quand le site est fermé : ce ne peut pas être plus joli, au contraire.
De fait, depuis décembre dernier, environ 4 000 tonnes de résidus de traitement thermique sont en auto-combustion (voir photos ici et vidéo ci-dessous). Ce feu latent dégage des fumées persistantes. Pour satisfaire au principe de précaution, et éviter qu'il ne se propage aux autres types de déchets stockés sur le site (environ 100 000 tonnes au total) et au lot de produits inflammables évacué des halles couvertes après le dernier incendie survenu chez Citron quand l’usine était encore en exploitation (octobre 2010), l’autorité préfectorale vient d’enjoindre l’Ademe à tout mettre en oeuvre pour débarrasser le site des résidus en auto-combustion...
Dans le cadre de la Directive déchets du Parlement européen et du Conseil, Citron s'était donné pour mission de fabriquer et vendre des matières premières secondaires à partir de déchets. Au demeurant, son slogan parlait de lui même : "Vos déchets sont nos matières premières". Grâce à des prix attractifs (en dessous de ceux pratiqués pour intégrer un CET de classe 1 ou passer à l'incinérateur), Citron attirait aussi les boues et autres cendres métalliques. Après avoir été préparés, ces déchets, devenus combustibles, étaient absorbés par les cimenteries.
Aujourd’hui, 135 000 tonnes de déchets sont sur le carreau. Citron France et Citron Holding en Suisse sont toutes les 2 en faillite. Il est impératif d'agir : avec l’incendie d’une partie des déchets, des stockages non surveillés et à ciel ouvert, Citron fermé est potentiellement plus polluant que Citron ouvert...
Cet article est à lire en complément de notre précédente dépêche : Citron liquidé : et on fait quoi des déchets maintenant ?!.