Déchets : l'incinération mise en accusation
Le Gesdi (Groupe des experts scientifiques sur les dangers de l'incinération) vient de remettre aux ministères de l'Ecologie et de l'Intérieur un rapport sur "les alternatives à l'incinération et aux décharges". Il y dresse un état des lieux inquiétant des nuisances de l'incinération sur la santé humaine (cancers, malformations congénitales, dysfonctionnement de la reproduction) et sur l'environnement (pollution des milieux naturels, émissions de GES responsables du réchauffement climatique)...
Dans ce rapport, les experts n'y vont pas avec le dos de la cuillère, indiquant qu'un incinérateur est "un brûlot géant duquel s'échappent de très nombreuses substances toxiques. [...] "Ni les filtres utilisés, ni les autres procédés visant à limiter l'échappement de ces substances hors de l'incinérateur, ni les prétendues mises aux normes ne peuvent protéger contre l'imprégnation de l'environnement par ces substances et cela d'autant plus que les accidents de fonctionnement ne sont pas rares". Diantre!
Ils dénoncent également l'incinération "aveugle" des déchets, pratiquée selon eux en France en violation de plusieurs directives européennes mais aussi de la loi du 13 juillet 1992 qui place l'incinération en fin de chaîne, après le traitement par tri et recyclage. De plus, le rapport fustige la récupération des résidus d'incinération sous forme de mâchefers pour en faire des sous-couches pour les routes ou pour remblayer des zones humides et des plateformes de zones industrielles : cela constituerait un facteur aggravant la dissémination environnementale de la pollution.
Enfin, les auteurs du rapport mentionnent que des méthodes alternatives existent (développement de l'éco-conception des produits, tri sélectif, recyclage réutilisation des composants, stockage sécurisé) et qu'elles sont utilisées dans d'autres pays, rappellant au passage que la France "détient le record absolu en nombre d'incinérateurs d'ordures ménagères par tête d'habitant en Europe, et est le deuxième pays du monde, après le Japon, pour son parc d'incinérateurs."
En conclusion, le Gesdi réclame donc un moratoire concernant la construction de nouveaux incinérateurs. Celui-ci fait d'ailleurs partie des 7 propositions de la "Plate-forme du corps médical" pour le Grenelle de l'Environnement, où la question de l'incinération a "fait débat avec des points de vue divergents" au sein de l'intergroupe de travail sur les déchets. En tous les cas, une chose est sûre : le torchon n'a pas fini de brûler entre les partisans et opposants de ce procédé (voir notre entretien). Le prochain round ne devrait pas se faire attendre très longtemps...
En complément de cet article, nous vous conseillons la lecture de notre exposé : Incinération : un sujet brûlant qui a ses opposants.