Déchets militaires : grandes manoeuvres de dépollution dans l'Aisne
Les différents conflits mondiaux ont laissé des traces sur le territoire français : lors de travaux de terrassement, on rencontre encore des obus non explosés. Au-delà de ces incidents, la Défense nationale doit également faire face à la dépollution de ses terrains militaires : champs de manoeuvre et polygones de tir recèlent de nombreuses munitions explosées ou non. Or, l’armée ne peut céder aucun terrain à des promoteurs privés ou des municipalités sans présenter une attestation de "non-pollution pyrotechnique". Des sociétés privées comme Sita Remediation, filiale de Teris (elle-même filiale spécialisée de Sita France), sont habilitées, dans le domaine militaire, à effectuer ces travaux, de la dépollution des sols jusqu’à la destruction des explosifs, en passant par le transport de ces objets. Dans le domaine public, en revanche, les tâches de transport et de destruction restent l’apanage de la Sécurité civile...
Au camp militaire de Sissonne (Aisne, 02), cette opération est très délicate. En effet, les terrains ont connu une utilisation militaire continue et ont vu passer 3 guerres depuis 1870. Le camp doit désormais devenir un centre d’entraînement à la guérilla urbaine, et toute une ville factice doit être construite sur 120 hectares. Il a donc fallu procéder à la dépollution d’un terrain contenant des quantités énormes de munitions et ce dans un temps bref : entre juillet 2006 et juillet 2007.
Teris emploie une dizaine de personnes toutes issues du sérail des spécialistes en déminage. Elles sont formées aux techniques de terrassement puisqu’il s’agit de traiter des terrains entiers. La première phase des travaux consiste à tracer les contours de la pollution grâce au passage d’un engin muni d’un assemblage de plusieurs magnétomètres pouvant scanner des bandes de terrain de 4 mètres de large. Reliées à un ordinateur et à un GPS, les détections des magnétomètres sont enregistrées et précisément cartographiées par satellite. On construit ainsi, grâce à un système d’information géographique (SIG), une cartographie précise de la pollution par carré de 50 mètres de côté.
A Sissonne, ces techniques ont trouvé leurs limites en raison de l’énorme pollution du terrain : sur les 120 hectares à dépolluer, les magnétomètres ont repéré 4 000 à 5 000 "cibles" par hectare, soit 600 000 munitions explosées ou pas, morceaux de chars, ferraille diverse et éclats d’obus. Sita Remediation en a donc tiré les conséquences : beaucoup trop d’éléments sont à retirer dans des délais aussi rapprochés. D’où la proposition de ne dépolluer que les 50 hectares sur lesquels doit être construite la ville d’entraînement dans des objectifs conformes à l’historique du site, 95% de la pollution se trouvant dans le premier mètre. Ce chantier est le premier depuis la mise en application du décret de 2005 ; il s'agit du plus important jamais réalisé en France.
En pratique, 7 groupes de dépollution de 2 personnes ont été constitués. L’un conduit une pelle qui permet l’excavation en sécurité de la cible, tandis que l’autre inspecte les objets qui sortent de terre. L’opérateur doit distinguer les munitions d’exercice chargées de poudre noire des munitions contenant des explosifs et de celles chargées de produits chimiques. En cas de découverte d’un objet potentiellement dangereux, un agent spécialisé juge s’il est possible de bouger l’engin ou s’il doit être détruit sur place. Les munitions qui peuvent être déplacées sont conduites sur un site de destruction avec des "fourneaux", cavités creusées dans le sol où on les fait sauter à l’explosif. Par mesure de sécurité des personnels, les excavatrices sont éloignées l’une de l’autre de 100 mètres. Un espace sécurisé de 600 hectares a été tracé pour éviter tout danger aux militaires travaillant dans le camp.
crédits photo : Sita