Déchets : Nantes, un rendez-vous capital

Le 13/11/2013 à 18:15  

Déchets : Nantes, un rendez-vous capital

déchets municipaux Pour la seconde fois, les Assises des déchets se sont tenues à Nantes (capitale verte de l'Europe). Depuis plus de 20 ans, ce rendez-vous marque l'univers des déchets en réunissant l'alliance du concret et de l'administratif, du compte rendu terrain et de la prospective visionnaire...

« C'est aux Assises que l'univers des déchets s'est mis en marche ». Telle était le formule amusée d'un industriel pour résumer l'impact structurant de l'événement dès sa première édition en 1991... Les Assises avaient alors levé le voile sur la fameuse loi de 1992, laquelle a durablement orienté la politique française de gestion des déchets pendant 10 ans. Depuis lors, industriels producteurs et traiteurs de déchets, collectivités et services de l'Etat, associations environnementalistes et de consommateurs s'y donnent rendez-vous tous les deux ans et font leur possible pour en faire un rendez-vous fructueux dans le cadre de plusieurs jours de débats...

 La Prévention : un sujet qui fait débat
 Une fois de plus, cette année, une large place a été faite aux déchets ménagers alors que les déchets industriels non dangereux pèsent plusdéchets municipaux lourdement que les OM dans la balance de ce qu'il convient de traiter... Mais c'est ainsi ; les anciennes Assises Nationales des Déchets qui dressaient l'inventaire des différentes familles de déchets, sont aujourd'hui remplacées par deux jours de débats qui font la part belle aux ordures ménagères et autres déchets d'emballages (3 millions de tonnes recyclées par an dont deux pour le verre) plutôt qu'à l'ensemble des tonnages...

 Cela dit, en toute objectivité, un effort que l'on se doit de saluer, a été fait cette année, dans le cadre d'ateliers dédiés, ce qui a permis à des secteurs tels que celui des déchets inertes par exemple, de prendre la parole et d'exposer les problématiques spécifiques au recyclage des déchets de chantier...
Quoi qu'il en soit, elles sont loin les Assises qui attiraient plus de 1000 personnes sur deux jours. Les organisateurs indiquaient en effet environ 600 participants pour cette édition 2013... ce qui n'en fait pas un mauvais cru pour autant.
Quatre années après la publication du dernier « plan déchet », deux années après les dernières Assises des Déchets, il a été question de dresser un panorama des avancées réglementaires en matière de prévention et de gestion des déchets, ainsi que d'aborder les pistes discutées lors de la Conférence Environnementale pour relancer la dynamique politique...

valorisation des déchets d'emballagesA la suite de quoi, on a beaucoup parlé de prévention, le maître mot, avec à la clé, la formule selon laquelle « le meilleur déchet est celui qu'on ne produit pas»...
La prévention est depuis longtemps prioritaire dans la hiérarchie européenne de la politique des déchets... Si la thématique de la prévention structure les enjeux déchets, encore faut-il évaluer la réalité de cette nouvelle donne, de ce qui est utile, de ce qui est superflu. Les entreprises sont en première ligne : de nombreuses voix les interpellent sur la question de la durée de vie des produits mis sur le marché... Notamment.
Pour FNE, par la voix de Patrick Hervier, membre des directoires déchets et éco-consommation, « l'enjeu est de traiter le déchet. Le recyclage, c'est obligatoire de le démultiplier dans bien des domaines et même un bienfait en soit » (…) « il n'empêche que la prévention doit être omniprésente ». Et de se féliciter de la mise en place de la TGAP qui « a développé des réflexions et actions dans les territoires »...
Du côté des entreprises, on ne se laisse pas démonter : « l'obsolescence programmée, c'est le fait d'écourter la vie d'un produit de manière artificielle et non de vendre un produit qui a une durée de vie courte. Le prolongement de la durée d'utilisation est bel et bien mis en œuvre ; la réparation des produits est même facilitée depuis 1997 via des plate-formes de pièces détachées », indique Camille Beurdeley, déléguée générale adjointe du Gifam. « 100 000 produits et 2 millions de références sont à la disposition des réparateurs. Cela dit, nous sommes frileux à l'idée de développer l'auto-répardéchets électroniquesation ; qu'en serait-il en effet, de notre responsabilité en cas d'incendie par exemple, d'une machine réparée par son propriétaire en lieu et place d'un réparateur agréé » ?... On est en devoir de se poser la question... En clair : tout n'est pas aussi simple qu'il y paraît.

Dans un tout autre registre, celui des déchets alimentaires : 2,5% des produits vendus en grande distribution finissent à la poubelle. Énorme en terme de tonnages. C'est sans compter ce qui reste dans les champs parce que la carotte est tordue ou que la pomme de terre est légèrement biscornue (pour ne citer que deux cas de figure quand il y en existe des milliers). De la même manière qu'on estime à 600 grammes par client, les pertes dans le secteur des Hôtels Restaurant et Cafés... Des associations ont d'ores et déjà tiré la sonnette, organisé des repas géants avec « ces déchets qui n'en sont pas vraiment », puisque parfaitement consommables, afin d'aider à une prise de conscience globale... Des projets tels que Green Cook, ont vu le jour. Mais il reste fort à faire pour inverser une tendance désastreuse. Sans doute faudrait-il indiquer ce que ça coûte à chacun, puisque les pertes sont évidemment facturées au consommateur... Sûr que ça fait mal au porte-monnaie, ces dépenses invisibles mais bien réelles ; l'énoncer clairement ferait donc du bien aux neurones. La grande distribution y aurait-elle intérêt ? Pas sûr... puisqu'elle ne perd pas d'argent dans cette affaire !...
 

Le département des Deux Sèvres nous a d'ailleurs fait part d'une expérience originale qui consiste pour faire court, à mettre en relation, des compétences qui existent, mais qui ne se connaissent pas ou qui n'avaient jamais travaillé ensemble... Et ça marche ! « Pourquoi les palettes qui sont derrière une superette seraient-elles des déchets et non pas du bois que peuvent réutiliser d'autres professionnels, quand ce n'est pas les réparer pour qu'elles repartent dans le circuit? Pourquoi la terre provenant d'un chantier de BTP est un déchet, alors que ce n'est que de la terre?», , interroge le représentandéchets de la grande distributiont du Smited...
« Louer, prêter, acheter en commun pour du matériel occasionnel, c’est pratique et économique. Dès l’achat, s’assurer de la réparabilité et la solidité de son appareil, c’est aussi jeter moins. Pensons à réparer nos objets quand c’est possible. N’hésitons pas à demander l’aide de professionnels».
Depuis plus de dix ans le sujet de la prévention est à l'ordre du jour : 2 Syndicats et 4 Communautés de Communes se sont unis autour d'un même programme. Ils travaillent depuis 2002 dans la concertation (sur ce qui fonctionne, sur ce qui marche moins bien), de manière à uniformiser les actions...
« En 2008, 190 365 tonnes de déchets ménagers ont été produits en Deux-Sèvres, ce qui représentait en moyenne 529 kg/an/ habitant.
Pour faire face à l'augmentation de la production de déchets, les collectivités doivent régulièrement développer leurs capacités de collecte et de traitement. Conscient des impacts économiques et environnementaux de la gestion des déchets, le Conseil Général du département s'est engagé aux cotés des acteurs de la collecte et du traitement des déchets ménagers dans la révision de son plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés ainsi que dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'un plan de prévention des déchets ».
Sensibiliser le plus grand nombre (mieux vaut prévenir que guérir), développer l'exemplarité au sein des collectivités, promouvoir le compostage des déchets organiques en misant sur la qualité, mais aussi la réparation et la réutilisation, limiter l'utilisation des produits phytosanitaires, sont autant de pistes mises en avant pour dompter la progression des tonnages de déchets et réduire les quantités produites sur le territoire, conclut Elodie Bertoix Stalder, chargée de mission prévention et gestion des déchets au Conseil général des Deux Sèvres...
collecte sélective à Nantes
 Va-t-on vers un nouveau modèle de dimensionnement des installations?
 La crise serait-elle une bonne chose du fait qu'elle obligerait à de profondes réflexions, susceptibles d'engendrer des mutations de première importance dans la manière de traiter les déchets ménagers ?
« Non, pas forcément », soutient Marc Cheverry, chef du service prévention et gestion des déchets à l'Ademe. « Cela dit, si l'on évite à plusieurs millions de tonnes de déchets la solution de l'élimination pour maximiser la valorisation, il faut multiplier le nombre de centres de tri, ce qui supposera une planification intelligente ».
Comment, en effet, mettre en œuvre la prévention de la production de déchets, source d'économie mais de nature à engendrer des surcapacités de traitement, et donc des déséquilibres financiers ? Voilà le type de défis qu'affrontent au quotidien les collectivités territoriales en charge de la gestion des déchets ménagers, les villes en particulier. Si les modèles de croissance de la production de déchets sont heureusement remis en cause, leurs conséquences sur les modèles du service public sont fortes : alors même que certains territoires sont en manque de capacité de traitement, d'autres sont en surcapacité...

« La mise en place des collectes sélectives a d'ores et déjà engendré une mutation forte de la façon de traiter les déchets », affirme Michèle Gressus, vice présidente déléguée à la gestion des déchets de Nantes Métropole (voir Déchets : Nantes en voit de toutes les couleurs). « Cette nouvelle manière de collecter a fait avancer la donne et poussé à la réflexion : le financement d'un mode de fonctionnement doit être intelligent parce que parfaitement réfléchi. N'oublions pas que nous parlons d'argent public. La communauté compte environ 600 000 habitants (dont 50% pour la ville de Nantes). La politique mise en œuvre nous a permis d'enregistrer une baisse de 13% des OM entre 2007 et 2012, alors que le nombre d'collecte sélective en sacshabitants a continué d'augmenter. Le taux de valorisation sera de 51% en 2013, valorisation des mâchefers comprise. De plus, nous disposons d'un réseau de chaleur long de 50 kilomètres ; le centre de tri accolé à l'usine Arc en Ciel traite 25 000 tonnes en provenance de Nantes Métropole, auxquelles s'ajoutent 9000 tonnes annuelles provenant des communes plus éloignées membres de la communauté d'agglomération »... De ce centre, repartent environ 10 000 tonnes de refus de tri.

« Je suis surpris pour ma part de devoir constater que depuis ce matin, pas un mot n'a été dit au sujet de l'incinération qui compte pourtant parmi les moyens de valorisation existant ! On parle de chaufferie bois pour faire de la valorisation énergétique, mais pas d'UIOM qui permet, elle aussi, de faire de la valorisation énergétique », déclare tout de go, Jean-François Bigot, directeur des grands projets chez Séché Environnement. Et de rappeler que « la Grande Bretagne envoie des déchets en pays scandinaves, qui n'ont pas honte d'incinérer les déchets» ... 
En d'autres termes, pourquoi se poser tant de questions, quant à savoir si oui ou non, on aura des surcapacités de traitement en limitant les tonnages de déchets ménagers destinés à l'élimination (au profit du tri et du recyclage), alors que les déchets industriels non toxincinération des déchetsiques sont assimilables aux déchets ménagers, que l'intégralité de ceux-ci n'est pas recyclable et que les UIOM peuvent absorber indistinctement l'une ou l'autre de ces deux familles de déchets !?
« Je rappelle que la France produit environ 40 millions de tonnes de déchets ménagers et 60 millions de tonnes de déchets d'activité économique !
On incinère 28% d'OM, quand on en met 26% en décharge, avec un taux de recyclage de 33%. Pour ce qui est des DEA, on en recycle 40% environ, on en incinère 12%, tandis que 22% de ces tonnages partent en centre de stockage »...
En clair, il y a de quoi mixer pour compenser les éventuelles surcapacités de traitement. Ce qui permettrait de produire beaucoup plus d'énergie, sans pour autant construire de nouveaux fours. Or, l'énergie... C'est bien ce que qu'il nous faut, et à un prix raisonnable, non ?

A ce stade, les débats étaient loin d'être terminés ; aussi, nous reviendrons sur ces Assises de Nantes dans un prochain article...