Déchets nucléaires, on demande plus de transparence s'il-vous-plaît

Le 16/07/2010 à 11:08  

Déchets nucléaires, on demande plus de transparence s'il-vous-plaît

Déchets radioactifs Le 13 octobre 2009, sur ARTE, était diffusé un documentaire intitulé "Déchets, le cauchemar du nucléaire". C'est à la suite de cette émission que le gouvernement a saisi le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité des matières et des déchets nucléaires (HCTISN) pour analyser en profondeur les flux d'uranium, en amont et en aval, et faire la lumière sur les volumes concernés. En effet, le reportage sur les flux de matières radioactives entre la France et la Russie avait pointé du doigt l'extrême insuffisance du nombre d'informations rendues public sur le sujet. Le rapport du HCTISN a été rendu le 12 juillet 2010 au gouvernement. 

Le rapport d'évaluation sur les déchets nucléaires (à lire ici) a été demandé par Jean-Louis Borloo -ministre de l'environnement- et par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Il apporte des éléments nouveaux en matière de gestion de déchets radioactifs et surtout risque d'exacerber les tensions entre pro et antinucléaires. En effet, il annonce que le taux de recyclage du nucléaire n'est pas de 96%, comme l'annonçaient Areva et EDF, mais seulement de 12%. Premier pavé dans la mare. De plus, le taux de recyclage sur les dernières années se situerait plutôt entre 3,9% et 1,7%. Deuxième pavé dans la mare. Cela confirme que les propos des industriels sur le "cycle fermé" des déchets que l'on valorise pour faire de l'énergie, comme il est envisagé de le faire avec les centrales de 4e génération, est loin d'être un fait acquis.

  Le rapport nous apprend qu'il faut "de l'ordre de 8 000 tonnes d'uranium naturel pour fabriquer la quantité de combustible nécessaire au fonctionnement des centrales françaises qui consomment 12 000 tonnes de combustible nucléaire" (uranium enrichi). Par ailleurs, 7 300 tonnes d'uranium appauvri sont également produites, ce qui devrait porter le stock d'uranium appauvri à 450 000 tonnes en 2040. Comme le souligne Jacky Bonnemains président de l'association Robin des Bois, "Ce rapport représente une somme d'informations considérables" qui feraient bien d'être communiquées chaque année "car elles évoluent dans le temps".

En ce qui concerne la fluidité des informations, car c'est aussi là que la bât blesse, des nuances doivent être apportées. Il n'y a pas de caractère secret des flux de déchets, précise le député Claude Gatignol. Cependant, il souligne que "certains éléments de communication des exploitants nucléaires peuvent donner lieu à interprétation sur l'existence d'un cycle dans lequel toutes les matières issues du traitement des combustibles usés étaient immédiatement et en totalité recyclées, sans que les limites à un recyclage intégral des matières issues du traitement soient clairement exposées". En clair, on a besoin de beaucoup plus d'informations. Le public n'est pas à même de distinguer la nuance entre matières radioactives valorisables (uranium de recyclage et l'uranium appauvri) et déchets radioactifs, destinés au stockage. On produit donc 7 300 tonnes d'uranium appauvri, dont "l'essentiel est actuellement entreposé en vue de sa réutilisation envisagée dans les réacteurs de 4e génération". La France envoie en Russie des "matières valorisables", 30 000 tonnes expédiées depuis 2006 par Areva, dans l'attente d'une éventuelle valorisation, et non pas des déchets radioactifs...Ce qui montre que le problème de la valorisation n'est toujours pas résolu. Encore moins celui des déchets radioactifs.

Jacky Bonnemains a souhaité, lors de la présentation de ce rapport à la presse, souligner la mésaventure vécue par le Haut comité lors de ses investigations. Ce dernier a décidé d'annuler sa visite du site de stockage de Tomsk (Russie). Les autorités ont refusé au préalable de délivrer les autorisations d'entrée à deux membres du comité: un syndicaliste et un représentant d'association environnementale.
Bref : pour ces raisons et malgré la diffusion d'informations inédites, plusieurs représentants associatifs (Greenpeace, FNE, ACRO, ANCCLI) ont exprimé des "réserves" sur ce rapport, qui même s'il s'avère basé sur une démarche positive, n'en a pas moins été perverti par les industriels pour autant.