Déchets plastiques non recyclables : des retours à l'envoyeur en perspective
Depuis que la Chine a fermé ses portes à certains déchets venus de l'étranger, ce qui a perturbé le circuit du recyclage mondial qui peine à retrouver l'équilibre, plusieurs pays d'Asie du Sud-Est, s'étaient placés sur le créneau laissé vacant par Pékin ; sauf que certains d'entre eux sont en train de renoncer. Désormais indésirables en Chine, mais aussi dans plusieurs pays d'Asie du Sud-Est, le problème est posé et les retours à l'envoyeur risquent de se multiplier. Dernier exemple en date, le Cambodge.
"Le Cambodge n'est pas une poubelle", a commenté Neth Pheaktra, porte-parole du ministère de l'Environnement : "les autorités sont en train de vérifier les procédures pour renvoyer ces produits d'où ils viennent".
Des déchets plastiques ont été découverts mardi lors d'une opération de contrôle de conteneurs sur le port de Sihanoukville, dans le sud du pays. Sur un total de 83 conteneurs chargés de 1 600 tonnes de déchets plastiques, 70 sont en provenance des Etats-Unis et 13 du Canada.
Pour mémoire, la Malaisie, qui a autorisé l'importation de déchets plastiques propres et homogènes, figure parmi les premiers pays concernés : les chiffres officiels indiquent que les importations de plastique par la Malaisie ont triplé depuis 2016 à 870 000 tonnes l'an passé. En conséquence, on a assisté à une multiplication rapide du nombre d'usines de retraitement, opérant pour beaucoup sans permis et avec peu de considération pour la protection de l'environnement.
Sauf que la Malaisie a récemment averti qu'elle retournera à l'envoyeur les tonnes de plastiques non conformes, originaires de plusieurs pays.
En mai dernier, la Malaisie a confirmé, par voie ministérielle, retourner à l'envoyeur des centaines de tonnes de déchets plastiques, affirmant ne plus vouloir servir de décharge du monde (voir également Les déchets plastiques canadiens polluent la Malaisie) : 450 tonnes de déchets plastiques non conformes identifiés dans dix conteneurs provenant d'Australie, du Bangladesh, du Canada, de Chine, du Japon, d'Arabie saoudite et des Etats-Unis seront retournés. "Ces conteneurs sont remplis de déchets plastiques contaminés, destinés à des usines de traitement qui ne possèdent pas la technologie nécessaire pour les recycler d'une manière respectueuse de l'environnement", a dénoncé le ministère. "Nous ne nous laisserons pas intimider (...) Nous exhortons les pays développés à cesser d'expédier leurs déchets dans notre pays", a déclaré Yeo Bee Yin, la ministre malaisienne en charge de l'énergie, de l'environnement et des sciences. "Nous les retournerons sans pitié à leur pays d'origine", a-t-elle précisé, après avoir inspecté plusieurs conteneurs remplis de déchets à Port Klang, le port le plus actif du pays, et ce, après que les responsables du port aient fait état de défauts dans la déclaration de ces conteneurs.
La ministre a par ailleurs promis de sévir contre les importations illégales et les usines sans agrément, en qualifiant de "traîtres" les Malaisiens impliqués dans cette activité, précisant que 150 usines illégales de recyclage avaient été fermées et que déjà, la Malaisie a renvoyé en Espagne cinq conteneurs de déchets plastiques.
"Les mesures prises par le gouvernement malaisien soulignent l'importance du recyclage responsable, de l'utilisation des cahiers des charges et de la gestion des processus en aval", a judicieusement commenté Adina Renee Adler, de l'ISRI (regroupant les acteurs américains du secteur).
Comme la Chine et la Malaisie, la Thaïlande a elle aussi tout récemment, pris des mesures pour restreindre les importations de déchets plastique, lesquels auraient été redirigés pour partie, vers des pays moins stricts, comme l'Indonésie et la Turquie.
En juin, un cargo transportant des tonnes de déchets canadiens entreposés pendant des années aux Philippines a été reexpédié (après moult discussions puis incidents diplomatiques à la clé) à l'expéditeur (voir Exportation de déchets et retour à l'expéditeur).
"Le problème, c'est que les quantités en cause sont extrêmement importantes", analyse Arnaud Brunet, directeur général du Bureau international du recyclage (BIR) : il y a eu un "engorgement des capacités techniques", ces autres pays asiatiques "ont été dépassés", à cela s'ajoute qu'ils ont également subi des "importations illégales", qui concernent notamment des "matières difficilement ou non recyclables".
Si de nombreux pays européens ont recyclé via les structures construites sur leurs territoires respectifs, des matières plastiques rentables - les bouteilles en PET transparent en sont un exemple illustrant le propos -, ils ont misé sur l'exportation pour traiter les matières de moindre valeur, voire de mauvaise qualité et/ou tout simplement "non recyclables" en l'état, économiquement ou techniquement.
Si les portes closes devaient se multiplier, les pays occidentaux disposeraient de fort peu de possibilités pour gérer les déchets plastiques trop coûteux à recycler : enfouissement (voué à une réduction drastique, du moins en Europe) ou valorisation énergétique, deux modes de traitement pour lesquels la fiscalité a été revue à la hausse sensible si l'on prend le cas de la France pour exemple. A cela s'ajoute le manque de débouchés locaux constaté pour une part de la matière recyclée ; celle-ci était auparavant incorporée dans les productions chinoises.
Si l'on n'est pas sorti d'affaire dans l'immédiat, à moyen terme, "la solution consistera à sortir par le haut, d'investir dans la R&D pour mettre au point des processus de tri plus fins, plus efficaces, afin de gagner en qualité et d'atteindre des niveaux acceptables par certains pays", expose Arnaud Brunet.
Cela étant, il est impératif que les recycleurs et fournisseurs de technologie de recyclage ne travaillent pas seuls sur le sujet : penser à la fin de vie du produit dès sa conception, incorporer des matières recyclées (de qualité) dans sa fabrication ou encore en privilégier une seule pour réaliser un emballage, sont autant de pistes qui simplifieraient l'inévitable gestion des déchets. En d'autres termes, il faudrait aussi que les producteurs de matières plastiques fassent leur part d'efforts en produisant sans omettre de penser au nécessaire recyclage ultérieur de leurs fabrications et donc à la recyclabilité de celles-ci.
Preuve est faite que le sempiternel discours consistant à dire et répéter que "c'est aux recycleurs à s'adapter " relève du non sens : un travail collaboratif s'impose. Les déchets plastiques dont sont responsables les metteurs en marché l'impose.