Déchets toxiques ivoiriens : premier rapport accablant !!!
Deux mois de travail pour aboutir à un rapport accablant remis le 23 novembre par la commission ivoirienne d’enquête au Premier ministre. Les conclusions ne manquent pas de piquant…
Dysfonctionnements, négligences, complicités administratives … On en passe et des meilleures. Ce sont les mots qui ressortent le plus souvent d’un document d’une centaine de pages remis au Premier ministre ivoirien, Charles Konan Banny, par Fatoumata Diakité, présidente de la Commission nationale d’enquête et magistrate, sur le scandale des déchets toxiques d’Abidjan.
78 personnes interrogées et à la clé, une longue liste d’errances, de responsabilités aussi bien au plan étatique que privé.
« Les problèmes liés au manque de rigueur dans la gestion, à l’inobservation de l’éthique personnelle et à la non-application de la réglementation ont favorisé l’entrée et le déversement de déchets toxiques dans le district d’Abidjan », explique madame Diakité regrettant que « l’intérêt particulier ait été privilégié sur l’intérêt général ».
En ligne de mire, Marcel Gossio et Marcel Bombo, Directeur général et CFommandant du Port autonome d’Abidjan (PAA), accusés de « complicité notoire » pour avoir favorisé « le déversement » des déchets et « le départ d’Abidjan du Probo Koala », le vraquier affrété par la société Trafigura, et ce malgré la mise en garde du Ciapol (Centre ivoirien d’antipollution).
Tibé Bi Ballou, colonel de son état et directeur des Affaires maritimes se voit reprocher trois manquements : l’absence d’enquête préalable sur la société Tommy ; la non-convocation de la Commission d’octroi des agréments sur Tommy et la transmission à l’ex-ministre des Transports, Innocent Kobenan Anakry, d’un projet d’agrément ne répondant pas aux normes requises en matière d’avitaillement.
Selon le document, la société Tommy, appartenant à Gossio (sponsor important du parti présidentiel, le Front populaire ivoirien), gérée par Salomon Ugborugbo, a été engagée par Trafigura via sa filiale abidjanaise Puma Energy, aux dépens de sa concurrente Industrie de technologie et d’énergie (ITE) qui détient en droit l’exclusivité dans ce genre d’opérations.
D'après ce rapport, tout laisse à penser que Tommy aurait été créée dans le seul but de prendre en charge les déchets du Probo Koala et qu’elle « est l’auteur principal du déversement » et « a toutes les apparences d’une société écran ». Elle aurait accepté de prendre en charge les déchets toxiques pour moins de 15 000 euros.
Pierre Djedji Amondji, responsable de l’administration du district d’Abidjan, est quant à lui accusé « d’avoir failli à sa mission de protection de l’environnement », tout comme l’ex-ministre de l’Environnement, Jacques Andoh.
Gnamien Konan, Directeur général des douanes, est responsable de négligences graves dans son service, tandis que la Direction de la surveillance du territoire, la gendarmerie et la police du port sont accusés de manque de vigilance.
Quant à Trafigura, elle est épinglée pour avoir fait acheminer les produits toxiques au mépris de la convention de Bâle puisqu’elle « ne pouvait ignorer l’incapacité technique » du pays à s’en occuper.
Au lendemain de l'évaluation à 30 millions de dollars (20 millions d'euros) du Pnue, le Programme des Nations unies pour l'environnement, du coût du nettoyage et de la réhabilitation des sites pollués par des déchets toxiques, Trafigura a une nouvelle fois démenti toute culpabilité dans la pollution aux déchets toxiques en Côte d'Ivoire qui a causé la mort de 10 personnes, dans un encart publicitaire du journal populaire de Telegraaf ce samedi : "nous démentons fermement avoir provoqué la mort de dix personnes", expose le trader qui maintient également que la cargaison de déchets provenant du Probo Koala ne correspond pas aux déchets toxiques retrouvés en différents endroits d'Abidjan : "ce qui s'est produit après que les déchets ont été transbordés et les circonstances dans lesquelles les victimes ont été touchées, est l'affaire des enquêteurs ivoiriens", ajoute la société incriminée.
Claude Dauphin, directeur de Trafigura, et Jean-PierreValentini, responsable de la zone Afrique de l’Ouest, toujours incarcérés à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), au péril de leur vie puisqu’ils auraient déjà échappé à trois tentatives d’assassinat, encourent « une peine de vingt ans de prison pour empoisonnement et une seconde de quinze à vingt ans pour infraction à la loi sur les déchets », explique quant à lui le chef de cabinet du ministre de la Justice ivoirienne, Aly Yeo.
On notera que la Commission nationale d’enquête est la première à remettre les résultats de ses travaux. Cela étant, l’affaire est loin d’être terminée puisqu’une autre commission (internationale celle là) est en cours de constitution, tandis que l’enquête judiciaire proprement dite poursuit ses investigations. En l’état actuel de choses, cette dernière a permis l’inculpation de 18 personnes dont sept sont emprisonnées.
« Nous devons rompre avec cette image non méritée de pays de l’impunité », a outé Konan Banny après la lecture du rapport, estimant « qu’il est inadmissible de faire de la Côte d’Ivoire “la poubelle” de l’Afrique » et que le pays allait « suivre l’application des recommandations des conclusions de chacun des aspects de la question ». Le Premier ministre a cependant souligné qu’il ne fallait « pas faire la confusion entre responsabilité et culpabilité. Il s’agit ici de dysfonctionnements administratifs, de manquements, de légèreté, et des conséquences vont être tirées dans ce sens là. La culpabilité est une autre notion, et c’est au juge de la déterminer ».