DEEE : ERP sort les dents
Craignant dès cette période d’être purement écarté du circuit, ERP n’avait pas fait dans la dentelle en affirmant que cela fait des mois que « des acteurs favorables à la concentration des activités autour d'un seul éco-organisme exercent des pressions sur les ministres de l'Ecologie, de l'Economie et des Collectivités locales, avec pour objectif apparent d’évincer l'éco-organisme ERP France afin de déboucher sur l’instauration d’un monopole ».
Quand bien même ERP est le plus petit éco-organismes dédiés à la filière REP pour ce qui touche aux DEEE des ménages, il affiche 463 adhérents et collecte les déchets électriques et électroniques de 8 millions de Français. Allant plus avant, l’éco-organisme rappelle la satisfaction déclarée de 91% des collectivités qui travaillent en partenariat avec lui, une bonne gestion des avoir, reconnue par un audit (2013), mais aussi des tonnages qui n’ont rien de virtuel puisqu’il aura collecté plus de 38.000 tonnes collectées en 2014.
Landbell serait-il considéré comme un ver dans le fruit ? On est en droit de se poser la question car en effet, il semble que le rachat de l’éco-organisme par l’Allemand pose problème, du moins dans certains milieux, ERP France considérant à mots à peine couverts qu’il serait « victime d'un German Bashing ». Et d’appuyer ses déclarations en rendant public, un courrier adressé à la fin de l’été 2014, par Jacques Pélissard en personne, alors encore président de l’AMF, à Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, qui indique ô combien il serait « préjudiciable pour l'avenir de la filière que les habitants apprennent que leurs efforts permettent à une entreprise de réaliser des bénéfices, qui sont versés à un actionnaire unique dont le siège est en Allemagne ». Le propos a le mérite d’être clair…
Quelques jours plus tard, l’un des membres de la Commission Consultative d’Agrément, rompant ainsi son obligation de neutralité, écrivait aux ministres de l’Ecologie et de l’Economie : il faisait état de la démarche du Président Pélissard, et déclarait sa ferme opposition au renouvellement de l’agrément d’ERP France au motif que le nouvel actionnaire de l’éco-organisme à but non lucratif était … allemand.
Le 23 décembre encore, une question écrite a même été déposée par le député André Chassaigne : il s’adressait à la ministre Ségolène Royal en lui signalant que « cette prise de contrôle d'une société privée étrangère pourrait en effet remettre en cause le but non lucratif de l'activité de recyclage des DEEE et permettre le reversement de dividendes à l'actionnaire allemand.»
D’où le choix d’ERP d’avoir sollicité des trois ministres instructeurs du dossier (l’Ecologie, l’Economie et l’Intérieur, ndlr), une totale impartialité, exigeant d’être traité à l’identique des autres éco-organismes, en leur demandant de ne surtout ne « pas céder aux pressions d'une campagne de dénigrement concerté », prévenant qu’en cas de défaillance à cet égard, il serait évident qu’il ferait valoir ses droits, s’engageant aussi, par avance, à contester judiciairement, « toute décision faussée et illégale ».
Ce qui fut annoncé sera suivi d'effet, puisqu'ERP, considérant n'avoir pas bénéficié de l'impartialité souhaitée, met les pieds dans le plat et introduit deux recours devant la justice administrative...
Ce matin, l’éco-organisme a en effet officialisé la saisine du tribunal administratif de Paris, après que le ministère de l'Ecologie lui ait signifié (le 31 décembre), son refus de l'agréer en qualité d’éco-organisme en charge de la collecte des déchets d'équipements électriques et électroniques ménagers.
L’éco-organisme tient cependant à rassurer : serein quant à son devenir, il tient dans un premier temps à faire savoir ce que, selon lui, cache le dessous des cartes…
« Après des semaines de silence, puis, au tout dernier moment, le verdict, à savoir l’annonce officielle selon laquelle le ministère de l’Ecologie a signifié qu’il refusait l’agrément d’ERP France comme structure chargée de collecter les DEEE, un refus assorti d’aucune explication probante sur le fond du dossier, un refus intervenant après une procédure d’examen à charge et de nombreuses pressions auprès des ministères chargés d’instruire le dossier qu’ERP France avait publiquement dénoncées, on est en droit de s’interroger, comme on est en droit de faire valoir nos droits »…
Afin de rester aux côtés de ses partenaires de longue date, l’éco-organisme éconduit travaille à « mettre en œuvre les solutions optimales pour maintenir une continuité de services dans l’intervalle qui s’ouvre, avant la décision du Tribunal »
« Alors que la Directive Européenne relative aux DEEE fixe de nouveaux objectifs ambitieux, la France pouvait elle se priver d’un éco-organisme ayant le mieux respecté ses engagements depuis 2006 ? », interroge le Président Christophe Pautrat. C’est bel et bien ce qui a été fait : la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR) « par un procédé surprenant (à savoir l’envoi d’un mail à moins de 8 heures de l’expiration de l’agrément précédent) a signifié à notre éco-organisme de ne pas donner suite à notre demande de renouvellement sur la base de supposées insuffisances techniques de son dossier ! ».
Parce que la procédure apparait entachée de plusieurs irrégularités et que la décision n’est pas motivée, sur le fond, ERP France a donc déposé ces deux recours, tout en assurant aborder les semaines à venir « avec beaucoup de fermeté et de confiance ».
« Nous avons déposé des recours très solides qui nous permettent d’envisager l’avenir avec confiance et tenons dès à présent à rassurer les collectivités qui travaillent avec nous, ainsi que nos partenaires. Nous faisons confiance à la justice administrative pour rétablir au plus vite ERP France dans ses pleins droits », conclut Christophe Pautrat.