Et c’est comme ça que ça se corse en Champagne ! A telle enseigne que la tôle est parfois à portée de main … Car exporter du DEEE sans traçabilité peut coûter… Semaine dernière, deux gérants d’une entreprise de recyclage basée dans la Marne, passaient en correctionnelle… Si Alexandre Frattini et Catherine Petit assurent qu'ils ont été « dépassés par les événements », ils ont été jugés et ont été poursuivis pour avoir mis en place un circuit d'exportation de produits informatiques non dépollués et sans traçabilité. Alexandre Frattini encourt un an de prison avec sursis et 3 000 euros d'amende, Catherine Petit six mois avec sursis et 1 000 euros d'amende. Tous deux risquent une interdiction définitive de gérer une entreprise. L'affaire a été mise en délibéré au 29 février.
Federec risque d’être satisfaite : la fédération des entreprises de recyclage par la voix de son président milite en effet en faveur de l’éradication des sites clandestins ou assimilés, et de sanctions effectives à l’encontre de celles et ceux qui pratiquent le recyclage en dépit des législations en vigueur…
Tous deux encourent de la prison avec sursis.
Au départ, en 2007, ils ont monté une petite boîte, qu’ils ont appelée D3E Recyclage, une micro-entreprise…
Sans compétence particulière en droit, sans se renseigner non plus sur la toute nouvelle réglementation datant de 2006, ils ont bossé et surfé sur la vague du recyclage… au point de ne plus assumer les volumes qui rentraient : trois tonnes par jour de déchets informatiques, électroniques…
La micro-entreprise grossit et les deux gérants continuent à ne pas se renseigner sur les textes en vigueur… jusqu’à se mettre vraiment et carrément hors la loi : pour 80 % revendus dans la communauté européenne, en Europe de l'Est, mais également en Asie, sans dépollution préalable comme l'oblige le code de l'environnement.
« On a été dépassés par les événements. À cette époque, on a rentré énormément de matériels. On n'a pas pu assumer les volumes. Ce n'était pas consciemment », ont assuré les deux prévenus.
Ce serait un appel anonyme, une dénonciation pour des faits de travail illégal, qui serait à l'origine des investigations qui vont déboucher sur une affaire judiciaire. Dans un premier temps, les enquêteurs vont relever des infractions visant à la dissimulation de salariés à temps complet. Puis, les enquêteurs vont se pencher sur trois entrepôts (environ 5 000 m²) loués par l'entreprise, à Vitry-le-François… lesquels regorgent de centaines de palettes sur lesquelles étaient conditionnés des déchets non dépollués, prêts à l'exportation. A ce stade, les gendarmes constatent qu’il s'agissait de produits informatiques et de composants électroniques (ordinateurs, écrans, circuits imprimés contenant des produits tels que du plomb ou du cadmium), récupérés auprès d'entreprises et de collectivités de la région,
Les choses se corsent en Champagne
Jusque là, tout va encore à peu près. Les choses se gâtent évidemment, lorsqu’on constate que la traçabilité est un mot guère connu et que les registres brillent par leur absence…
Aucun relevé des numéros de série ni à l'entrée, ni à la sortie… Pas d’autorisation non plus, comme c’est la règle pour une ICPE…
Dans ce contexte, il en est une qui est perplexe…
Céline Pierron, substitut du procureur, a en effet un peu de mal à encaisser qu’on lui assène la bonne foi des prévenus pour assurer leur défense, et parer les coups (et les coûts) pour le non respect des lois …
« L'entreprise D3E n'a respecté aucune législation, que ce soit du côté administratif que dans son cœur de métier, censé être le recyclage et la destruction de déchets… Ils avaient fait l'objet d'une mise en demeure de se mettre en conformité, ils ne l'ont pas fait… Ils étaient largement au-dessus des seuils autorisés. Ils ignoraient la législation qui est trop complexe ? M. Frattini avait pourtant déjà eu une entreprise qui faisait la même chose… ». Et d'en rajouter : « Sur la législation des installations classées, ils n'étaient pas en règle, tout comme sur la législation sur les déchets. Ils n'avaient aucune autorisation pour le transport et l'exportation des déchets ».
« Ça sent le réseau mafieux », lâche Me Rock, l'avocat de la SNCF, l'une des parties civiles dans ce dossier. Il faut dire aussi, que les parties civiles se bousculent au portillon... Près d'une centaine de structures en effet sont parties prenantes : des entreprises et collectivités de la région, qui se disent abusées par D3E Recyclage. Ainsi, la communauté de communes de Vitry-le-François réclame entre autre, 55 000 euros pour le non-paiement de loyers et 40 000 euros pour la dépollution du site…
Parce qu'il faut vous dire que l'entreprise est désormais liquidée, avec un passif de plus de 350 000 euros.
Pas de « trafic international » pour l'avocat des deux prévenus. Point de « réseau mafieux », non plus, poursuit Me Blanchetier,… « mais des négligences. Ils se sont lancés dans une aventure bien trop grande pour eux. Ils n'étaient pas préparés. Ils n'ont pas fait fortune avec ça. Ils ont été pris dans une tourmente. C'est allé trop vite pour eux. Ils ont simplement dépassé le délai d'un mois pour se mettre en conformité. Ils avaient fait les démarches pour se mettre en conformité… On est bien loin d'un trafic international de déchets toxiques. Ils ont simplement été dépassés par leur succès et ne se sont pas mis en règle à temps ».
Il reste, une fois encore, que l'image du recyclage en a pris un coup...