DEEE : Partenaires et produits très divers ne facilitent pas l'évaluation des coûts
Dans le cadre de la journée technique sur les DEEE, organisée par Amorce en décembre dernier, Christian Brabant de la Fédération des Industries électriques, électroniques et de Communication a eu l'occasion de s'exprimer quant au nouverau dispositif devant être mis en place dans le cadre du traitement des DEEE.
Il a axé cet entretien autour de 4 thèmes centraux...
Une aspiration de nos concitoyens... Une chance pour nous ?
L’amélioration des conditions environnementales devient une priorité, non seulement politique, portée par les plus hautes instances de l’Etat, mais aussi pour chacun d’entre nous
La sensibilité croissante des consommateurs à cet aspect est d’ores et déjà perceptible ; ainsi l’étiquetage énergétique sur les produits électroménagers, avec un seule signalétique de A à D, est-il réellement plébiscité ?.
Notons d’ailleurs sur ce point, que les efforts des industriels ont conduit à des économies de plus de 50% sur les quantités d’énergie et d’eau consommées.
Le geste citoyen de tri, initié par les collectivités locales, avec l’aide des sociétés agréées est également symbole de la progression de cet intérêt et de cette attente.
Sans d’ailleurs totalement en saisir tous les pourtours, chacun d’entre nous est de plus en plus sensibilisé au concept de développement durable.
Soyons persuadés que rapidement la gestion de tous les produits en fin de vie, élément du développement durable, va entrer dans les habitudes des uns et des autres.
Il nous revient à nous tous, industriels, distributeurs, élus, d’aider ce mouvement en en facilitant les procédures et en rendant simple de fonctionnement, l’ensemble des gestes citoyens.
Pour nous autres industriels, ceci est une chance car cela renforce la confiance du consommateur ; quelque part, se préoccuper de la valorisation des produits revient à remettre en cause un des aspects de la société de consommation, qui nous est souvent reproché, celui de mettre sur le marché des « produits kleenex », avec une qualité insuffisante.
Pour les distributeurs, reprendre les produits est synonyme d’un renforcement de service, c'est-à-dire d’un lien rendu plus étroit et harmonisé avec le client.
Pour les collectivités locales, et vous le savez mieux que moi, intégrer la collecte des produits à une démarche de réelle valorisation ne peut être qu’apprécié par la population.
Donc, et ce sera ma première conclusion : tous ensemble pour la valorisation
Il apparaît nécessaire que chacun conserve sa part de responsabilité et de charge...
Tous ensemble, ne signifie pas que chacun fasse n’importe quoi. Chacun a son domaine de prédilection et, si vous me permettez, en terme de marketing, "son cœur de cible".
D’une manière pratique, il est possible de définir 4 champs d’activité ou de responsabilité :
Le cadrage environnemental revient naturellement à l’administration
Par exemple, la question de la vérification et du contrôle final de ce que chacun est sensé réaliser, relève du domaine régalien et ne peut être effectuée que par l’Etat (ou ses diversifications).
Il en est de même des questions relatives au niveau désiré des performances de la valorisation, à travers la détermination des seuils, comme par exemple celui tout à fait élevé que devra réaliser la filière des DEEE (valorisation souhaitée entre 75 et 85% selon les familles de produits).
Le coût social est plus difficile à définir, car ses contours recouvrent des réalités différentes.
Il s’agit en fait de bien distinguer ce qui relève de l’économie parallèle de ce qui à trait strictement à l’économie sociale.
Pour le premier cas, tout le monde le sait, et nul n’est besoin de se le cacher, autour du domaine de l’environnement existe une économie plus ou moins informelle qui, selon certains, permet une fluidité des relations sociales ou du moins une moindre tension.
Faut-il ou non accepter cette tolérance ? Il ne me revient pas, en tant qu’industriel, de répondre à cette question ; mais ce que je sais, c’est que l’éventuel coût de cette tolérance ne peut être supporté ni par les industriels, ni par la distribution.
Dans l’autre domaine, celui de l’économie sociale et de sociétés d’insertion par l’économique, l’implication des milieux professionnels est naturelle. Nombreux sont les industriels et les distributeurs qui se sont retrouvés aux côtés de l’Etat et des élus afin d’impulser ce type de structure.
A cet égard, notre implication dans une société telle qu’Envie est forte et déjà ancienne.
Le coût politique est clairement à la charge du politique.
Permettez-moi de pousser le bouchon un peu loin pour me faire bien comprendre. Si un élu souhaite, pour une raison qui lui est propre, faire collecter les DEEE par une Rolls-Royce, cette décision est de sa compétence, et fonction de ses intérêts : le coût de cette opération est et reste évidemment à sa charge.
Le nombre de tournées par jour, par semaine, le fait de mettre en place un numéro vert, etc. ne peut être mis à la charge des industriels. Il s'agit d'une décision politique dont le coût doit être assumé sans discussion possible par les élus.
Le coût technique et seulement lui, revient aux metteurs sur le marché (et parfois aux distributeurs).
Là aussi, des exemples seront plus parlants.
Tout le monde sait, que le coût relatif d’affrètement d’un camion, selon que l’on collecte 1 produit, 10 produits, 100 produits ne sera pas le même.
La massification est un élément technique qu’il importe, via des financements adéquats, de favoriser. Cette motivation financière doit être à la charge des metteurs sur le marché.
D’autres critères sont peut-être moins clairs ou plutôt de maniement plus délicat ; il en est ainsi du critères de l’intégrité des produits.
Le bon sens pousse à conclure qu’il faudra prendre en compte le bilan/coût/efficacité (qui ne peut être différent par famille de produits) afin de déboucher collectivement sur la meilleure décision.
L’équilibre, l’économie ou non réalisée par la filière, sera le fil rouge à privilégier.
Ma seconde conclusion sera donc : tous ensemble pour la valorisation, mais chacun à sa place.
Définir des principes semble fondamental...
Tous les acteurs, industriels, distributeurs, collectivités locales vont devoir s’accorder sur un corps de principes à mettre en œuvre.
A titre d’exemple, sans aucune tentation d’exhaustivité, nous allons devoir choisir quelques fondamentaux :
Veut-on un alibi ou un système volontariste ?
Tout le monde, à cette question va naturellement répondre volontariste. Mais l’expérience récente, tant sur les piles et accumulateurs que sur les outils électroportatifs, doit nous pousser à la prudence.
Le mot ne correspondant pas toujours au fait... Si l’on souhaite une politique volontariste, il faut s’en donner les moyens, par exemple, favoriser les procédures d’agréments à haut niveau plutôt que les systèmes de conventions sans contrôle.
Et surtout garder en mémoire que, comme cela a été précisé dans l'article réalisé avec Bernard Heger (voir rubrique exposé), se positionner sur une politique ambitieuse revient à se positionner sur un financement pérenne, c'est-à-dire considérer que la redevance visible obligatoire est une absolue nécessité (sans laquelle et il faut être clair là-dessus- rien ne se fera).
Sans la redevance visible, et obligatoire, point de salut.
Veut-on un système de moyens ou de résultats ?
Derrière cette question se profile également les fameuses discussions qui, dans d’autres domaines, ont lieu sur les PTM et complémentairement des interrogations sur ce que nous avons abordé précédemment sur le coût social.
L’équilibre devra être trouvé, équilibre qui bannira les surinvestissements à faible rentabilité, équilibre qui privilégiera les solutions simples et de proximité.
Veut-on un système mutualisé entre sous-filières ou individualisé par métier ?
Va-t-on favoriser telle ou telle valorisation de produit, en modulant les financements, ou respecte-on une neutralité de collecte : ou encore, va-t-on favoriser la collecte et le traitement de certaines familles de produits en privilégiant les produits lourds par exemple ou même, comme cela est le cas en Hollande, biffer de la carte de la collecte, les petits produits ? A cela, il va falloir répondre collectivement.
Veut-on un système national ou local ?
Cet aspect, qui concerne non seulement le barème aval mais aussi le barème amont, c'est-à-dire celui payé in fine par le consommateur, va amener à s’interroger sur les grilles de péréquation.
Si, comme je le souhaite, nous allons faire reposer nos actions sur une vision nationale, il importera de bien prendre en compte tant la diversité sociologique de notre pays que la richesse et la variété des conditions géographiques.
Ma troisième conclusion sera donc : tous ensemble pour la valorisation, mais chacun à sa place sur un corps de principes consensuels.
A partir de cette vision globale et cohérente, peut-être est-il opportun de dégager des coûts de référence pour chacun des maillons de la filière...
A partir du moment où nous disposons de cette vision globale, que nous devons également partager avec les associations de consommateurs, les ONG de défense de l’environnement, avec des cadrages précis, avec des frontières définies, il sera effectivement possible de dégager des coûts de référence pour chacun des maillons de la chaîne.
Récemment, dans une autre manifestation, il a été fait référence aux relations entre la collectivité locale de Liège et Récupel (opérateur technique en Belgique) et des prix ont été indiqués.
Ceci est intéressant mais la méthode est erronée car on sort un élément important, le financement, de son contexte général et du corps de doctrine qui le sous-tend.
Si nous nous accordons sur les principes politiques et stratégiques, ce seront ce que nous appelons les « rationnels » (c'est-à-dire les reflets techniques de la réalité) qui détermineront les niveaux de financement, que ceux-ci concernent le barème aval ou qu'ils soient relatifs au barème amont, c’est à dire à celui que paiera in fine le consommateur.
Dans les deux cas, il faudra déboucher sur des critères simples et mesurables.
Pour le barème amont, la simplicité signifie qu’il faudra éviter d’avoir une kyrielle de niveaux différents ; la mesure signifie qu’il faudra insuffler de la transparence à chaque moment.
Pour le barème aval, la simplicité signifie quelques critères techniques bien cadrés (la massification, peut-être l’intégrité) ; la mesure veut probablement dire procédure d’échantillonnage élaborée entre les acteurs.
Et pour finir...
Je dirai que nous, industriels, avec les distributeurs, les collectivités locales et les industriels du recyclage, sommes engagés dans une démarche profonde et durable d’amélioration de la filière des produits électriques et électroniques en créant et maîtrisant les étapes de la fin de vie de ces produits.
Ceci est une transformation importante pour notre secteur …
Nous nous sommes engagés ensemble sur plusieurs chantiers que ce soit :
La transposition de la directive avec deux enjeux : le contribution environnementale visible et les garanties financières
La création d’un ou plusieurs éco-organismes
La définition des processus de recyclage
Enfin, la définition des principes et la création des barèmes.
Les agendas sont très chargés, et nous n’avançons pas toujours au rythme et à la vitesse souhaitée, mais nous avons la volonté d’avancer avec tous les intermédiaires de la filière pour réussir cette transformation et atteindre les objectifs qui nous sont fixés.