Dépollution et désamiantage : le marché va se tasser
Le marché français de la réhabilitation de sites et sols pollués s’annonçait prometteur, entre la volonté des pouvoirs publics de légiférer, la forte demande liée aux quelque 450 000 sites à dépolluer et des besoins croissants en logements et locaux tertiaires. Mais c’était oublier la dégradation de la conjoncture depuis l’été 2011 (mini krach boursier, crise des dettes souveraines, démantèlement de Dexia...). Cette détérioration de l’environnement économique entraînera un report des chantiers de dépollution et une pression accrue sur les tarifs des prestations des spécialistes, selon l’analyse des experts de Xerfi. Ceci est particulièrement vrai pour le désamiantage où la concurrence est très vive et l’activité étroitement liée à l’évolution du marché du bâtiment...
Xerfi (leader en France des études économiques sectorielles) vient de publier une étude approfondie, après plusieurs semaines d’enquêtes et d’analyses, sous le titre : "Réhabilitation des sites et sols pollués à l’horizon 2013 - Perspectives de croissance et analyse de la structure concurrentielle par segment de marché" (auteurs : Philippe Gattet et Anne Césard). Voici quelques-uns des principaux enseignements de cette analyse de 250 pages...
Dans ce contexte économique morose, les donneurs d’ordre devraient réduire leurs dépenses. Les industriels privilégieront leur trésorerie et reporteront une partie de leurs dépenses. La dépollution et la réhabilitation de leurs sites devraient alors passer au second plan de leurs priorités. Les collectivités locales se montreront réticentes à mettre en oeuvre des investissements de grande envergure, compte tenu du manque de visibilité sur l’évolution de leurs recettes en matière de dotations (de l’Etat) et de fiscalité. Les promoteurs immobiliers réduiront aussi la voilure en limitant le lancement de nouveaux programmes afin de ne pas accroître leurs stocks. Les perspectives de croissance du marché vont donc sensiblement se tasser par rapport à la période 2003-2010, même si elles resteront en territoire positif. Après avoir affiché un taux de croissance annuel moyen de +6,4% sur la période 2003-2011, le chiffre d’affaires progressera de +3% par an en valeur en 2012 et en 2013, selon les prévisions des experts de Xerfi.
Selon ces derniers, 3 leviers peuvent toutefois être actionnés afin d’améliorer la croissance du marché dans la décennie à venir. Tout d'abord, il y a l’émergence de techniques de dépollution moins chères et innovantes. Le coût des traitements et des techniques de dépollution est en effet élevé et les retours d’expérience quant aux performances des différentes techniques employées sont peu nombreux. Dans ce contexte, à l’image de ce qui a été mis en place aux Etats-Unis et dans certains pays d’Europe, la réalisation d’essais en conditions réelles (sites ateliers, démonstrateurs technologiques...) permettrait notamment d’informer les opérateurs sur les techniques disponibles et leur efficience. 2ème levier : le développement de l’activité des entreprises françaises à l’international. Concrètement, il s’agit pour les opérateurs de réaliser des chantiers à l’étranger, notamment en Europe, où les besoins en dépollution d’anciens sites industriels sont importants. Enfin, il y a la mise en place d’outils méthodologiques. Compte tenu de la forte hétérogénéité des terrains à dépolluer, la création d’observatoires dédiés, la mise en commun des données physiques concernant les sites, et surtout son accessibilité aux opérateurs, permettraient de caractériser et de diagnostiquer rapidement la pollution.
Il convient également de distinguer les caractéristiques de chacun des 2 grands segments de ce marché. Il ressort ainsi de cette étude de Xerfi que la dépollution des sols est de loin le premier : il représente environ 6 fois le montant des travaux de désamiantage en valeur. Il reste ainsi bien plus attrayant pour les entreprises en quête de relais de croissance. Selon la nature des dépolluants et des techniques en oeuvre, certains chantiers peuvent en outre être fortement créateurs de valeur. Les chantiers de désamiantage sont eux par nature beaucoup plus diffus. Hormis les grands sites tertiaires (comme l’université de Jussieu à Paris), l’amiante peut potentiellement être disséminée dans plusieurs millions de bâtiments en France. Très concurrentiel, ce segment, composé d’entreprises artisanales issues des travaux de construction, de démolition ou d’isolation est clairement moins attractif que celui de la dépollution des sols, selon les experts de Xerfi. "Compte tenu des barrières à l’entrée relativement élevés dans la dépollution des sols, rien d’étonnant à ce que les leaders de ce segment soient les filiales de grands Groupes dotées d’une capacité financière importante comme Séché Environnement, Suez Environnement ou Veolia Environnement", concluent-ils.