Dioxines d'Albertville : Barnier dans le collimateur ?

Le 20/04/2005 à 17:16  

Dioxines d'Albertville: Barnier dans le collimateur ?

Michel Barnier copyright Ministère des affaires étrangères C’est aujourd’hui, dernier délai, que la juge d'instruction Hélène Lastera, devait faire savoir si oui ou non elle accepte d'être dessaisie du dossier de la pollution par dioxine de l'usine d'incinération d'ordures ménagères de Gilly-sur-Isère en Savoie. L'attente de la réponse en rajoute un peu au suspense lié à ce dossier, d’autant que Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, et président du conseil général au moment des faits, pourrait être mis en cause.

La justice tente en effet de savoir s'il y a eu concertation entre les élus pour retarder les investissements nécessaires, avec l'aval des préfets successifs, alors que les dangers de la dioxine étaient notoirement connus…

Un nouveau site d'ici à 2007 …

Avant sa fermeture, l'usine d'incinération de Gilly-sur-Isère traitait 27 500 tonnes d'ordures ménagères par an. Faute d'installation, depuis plus de trois ans et demi, les déchets savoyards sont exportés et traités ailleurs... moyennant une "petite" augmentation de la redevance pour l'enlèvement des ordures ménagères qui est passée de 68 euros par tonne à 180 euros. Une bagatelle...

Les marchés de traitement des déchets ont été signés jusqu'en 2007. D'ici là, il faudra bien trouver une solution et construire une autre unité de traitement des déchets. D'ores et déjà, cinq sites sont pressentis. Soutenu par le conseil général, le nouveau syndicat mixte de gestion des déchets des vallées de Savoie (SYM Vallées) propose un éco-parc sur lequel les techniques les plus innovantes seront utilisées : centre de valorisation énergétique, déchetterie, recyclage, un centre d'enfouissement de classe 2 et... tenez-vous bien, une "Maison de la nature". Dans l'immédiat, rien de ne va plus. Plus de centre de traitement, peut être plus de juge, pas d'accord quant aux sites susceptibles d'accueillir la nouvelle installation... En tout état de cause, devant l'incapacité des élus à trouver un consensus, le bureau du SYM Vallées annonce qu'il démissionnera si, en juin, ses propositions sont rejetées.

Mais avant cela, une affaire judiciaire qui pollue on ne peut plus…

Pour mémoire, le 21 mars dernier, le procureur d'Albertville, Henri Perret, a signé un réquisitoire de dessaisissement, sur instruction de la chancellerie, afin que cette affaire soit instruite par le nouveau pôle santé interrégional de Marseille. D'aucuns y voient une manière d'enterrer l'affaire. "Il n'y a pas eu d'ordre ! J'ai adressé un démenti le 7 avril au Canard enchaîné", répond-il en sortant les coupures de presse.

Rappelons en outre que sous sa conduite, l'instruction aboutit, en juin 2004, à la mise en examen de cinq personnes : deux responsables locaux et régionaux de Novergie, exploitant de l'usine ; Alain Vallet, chef de la subdivision des deux Savoie de la direction régionale de l'industrie, du développement et de la recherche (Drire) jusqu'en juillet 1999 ; Gilbert Thomas, directeur du Syndicat intercommunal mixte gestionnaire du site (Simigeda) ; et Albert Gibello, président du syndicat et maire d'Albertville depuis 1995. "On a un peu dégrossi la première partie, on attend les expertises. C'est le bon moment pour dépayser. On n'en est qu'au tout début de l'affaire", soutient le procureur.

"L'échéance de fin 2005 pour clore l'instruction est crédible", rétorque Me Billet, appuyé par Frédéric Paris, de la section régionale du Syndicat de la magistrature, qui estime que le dossier est presque terminé. Deux anciens préfets de la Savoie seront entendus pour ne pas avoir pris d'arrêté de fermeture de l'usine polluante : Pierre-Etienne Bisch (1997-1999) et Paul Girot de Langlade (1999-2002), précise-t-on dans le quotidien Le Monde

L'autre personnalité qui pourrait être mise en cause est Michel Barnier, cité, notamment, dans un arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 23 mars, qui reprend des propos tenus au téléphone par l'épouse d'Alain Vallet. Celle-ci dit que son mari "ne peut faire porter la responsabilité sur personne d'autre, notamment Barnier, car il n'a pas fait d'écrit".

Selon les organisations de défense des victimes, le dessaisissement de la jeune juge d’instruction risque à terme "d'enterrer purement et simplement ce dossier majeur", alors que "le juge Lastera se préparait à mettre en examen deux préfets et recherchait la responsabilité de Michel Barnier", ancien président du conseil général de Savoie et actuel ministre des affaires étrangères. Les personnes mises en examen pour "risques causés à autrui" et les parties civiles ont un délai de quelques jours pour se pourvoir en cassation. La section régionale du Syndicat de la magistrature "s'étonne" quant à elle de ce dessaisissement "alors que l'instruction est bientôt terminée". Il reste que la juge a jusqu'à ce soir pour se décider. Que dire de plus sinon : la suite au prochain épisode…