Directive cadre : l'unanimité des ministres de l'environnement n'est pas partagée !
Le 28 juin, les ministres européens de l'environnement ont approuvé à l'unanimité un texte concernant la Directive cadre sur la gestion des déchets. Ce projet de législation va être à nouveau discuté au Parlement européen. En attendant, les réactions à cet accord divergent fortement. Pour Stavros Dimas, de la Commission environnement, d'importants changements ont été actés concernant la définition de déchets, leur transfert, la hiérarchie des modes de traitement. Par contre, les ONG dénoncent justement le manque d'objectifs en matière de prévention, de recyclage des déchets ménagers et s'opposent à la requalification de l'incinération en "opération de valorisation". Le débat est loin d'être achevé...
La priorité affichée des ministres de l'environnement européens est d'éviter le transfert de pollution et du coup les questions de prévention des déchets, de recyclage, sont peut-être apparues moins prioritaires. C'est ce qui ressort de la déclaration de Sigmar Gabriel, ministre allemand de l’environnement et président du Conseil à l'issue du vote unanime des ministres de l'environnement sur le texte concernant la Directive cadre : "Le cœur du problème est la mesure dans laquelle les états membres peuvent protéger leurs propres systèmes d’élimination contre les importations et exportations de déchets ".
Concrétement, les ministres de l'environnement européens ont approuvé un texte où ils conviennent que la responsabilité du producteur de déchets est entière sur l'ensemble de la chaîne de traitement. Les pays qui veulent se protéger des importations de déchets , notamment pour le transfert à destination des incinérateurs, pourront le faire à condition que cela soit précisée au sein de leurs plans nationaux d'élimination et notifiée à la Commission. Maintenant, il reste toujours possible de faire traiter ses déchets dans un autre pays membre si l'on ne dispose pas de tous les équipements permettant le traitement de proximité et d'auto-suffisance. En ce qui concerne la prévention, chaque Etat Membre pourra déterminer les mesures qu'il juge appropriées . Finalement, il est indiqué, sans plus de précisions, que l'objet de la Directive est de mettre en place une politique plus ambitieuse en matière de prévention et d'encourager le ré-emploi, et le recyclage des déchets.
Tout cela apparaît bien modeste pour les ONG, surtout après le texte adopté par les députés européens au mois de décembre dernier. Elles s'insurgent en particulier de la possibilité de requalifier l’élimination des déchets par incinération en « opération de valorisation ». Justement... Elles affirment que cela encouragerait le transfert de déchets entre pays de l’Union européenne. « Il est aberrant de promouvoir l’incinération plutôt que le recyclage et la réduction des déchets, tant du point de vue climatique que de l’économie des ressources naturelles" déplore Eric Gall, directeur du CNIID.
Les critiques continuent... " Contrairement au Parlement européen, qui a réclamé le 15 février dernier des objectifs de 50% de recyclage des déchets ménagers d’ici 2020 (et 70% pour les déchets industriels), le Conseil ne s’est fixé aucun objectif, ni en matière de recyclage, ni en matière de prévention. A la place, le Conseil a adopté la formule de la Commission, basée sur un coefficient énergétique, qui permettrait à certains incinérateurs d’obtenir le statut d’opération de valorisation, alors que l’incinération est à l’heure actuelle considérée par la Cour européenne de justice comme un traitement d’élimination des déchets."
Et, le gouvernenement français en prend pour son grade... " De plus, à la demande de la France, il serait possible d’abaisser encore les exigences d’efficacité énergétique en fonction des « conditions climatiques locales ». La seule concession faite aux pays opposés à l’incinération, comme la République tchèque, qui craignent d’être envahis de déchets étrangers, est la possibilité de s’opposer à des importations de déchets s’ils prouvent que celles-ci ne sont pas conformes à leurs plans nationaux de gestion des déchets ou qu’elles entraineraient la mise en décharge de leurs propres déchets.
« Le gouvernement français avait toutes les cartes en main pour améliorer le compromis et soutenir les pays qui s’opposaient à la reclassification de l’incinération. Malheureusement, le ministre a préféré soutenir le lobby français de l’incinération, malgré les faibles performances énergétiques des incinérateurs français et la pollution qu’ils engendrent », déplore Eric Gall.
Et pour conclure, cerise sur le gateau, la fameuse question de la hiérarchie du traitement est mise sur la table : "Par ailleurs, le Conseil a refusé de donner un caractère contraignant à la hiérarchie à cinq niveaux de traitement des déchets. Cette hiérarchie, qui place la prévention en tête des actions à mener dans la politique déchets, puis la réutilisation, le recyclage, la valorisation et en dernier l’élimination ne constitue qu’un principe de conduite et non une règle générale comme le souhaitait les ONG." s'insurge le représentant des Amis de la Terre.
Les négociations en coulisse ne sont pas près de s'arrêter...