Directive IPPC : déroger plus pour polluer plus ?!
En ce moment se décide à Bruxelles l’avenir d’une partie de l’industrie européenne, avec la révision d’une directive centrale en matière de pollutions : la directive dite "IPPC" (pour "Integrated Pollution Prevention and Control"). Alors que les discussions tentent de déboucher sur une plus grande systématisation des technologies nouvelles, moins polluantes et moins énergivores, "la position française déstabilise les débats et risque de compromettre les efforts poursuivis à l’échelle européenne", s'inquiète France Nature Environnement (FNE). La réunion des ambassadeurs des Etats membres auprès de l’UE mardi prochain sera décisive pour aboutir à un éventuel accord de seconde lecture avec le Parlement Européen...
La directive IPPC, datant de 1996, repose sur un principe simple : inciter les Etats-membres à favoriser, dans les secteurs industriels les plus polluants, la conversion des technologies considérées comme obsolètes, au profit des "Meilleures Techniques Disponibles" (MTD) détaillées dans ses annexes. Si ce n’est pas possible (pour des motifs techniques ou économiques), les autorités doivent imposer de nouvelles normes de rejets de polluants, les plus basses possibles et mises à jour par rapport aux performances environnementales et énergétiques des MTD.
Selon FNE, c’est là que réside tout le problème : "Cette dérogation a constitué une voie royale empruntée par les industriels pour ne pas avoir à investir dans ces techniques plus propres", dénonce l'association. La révision est donc l’occasion, pour le Bureau Européen de l’Environnement (le BEE, dont FNE est membre) d’inciter l’industrie à se tourner davantage vers l’avenir en restreignant ces dérogations.
Pour le gouvernement français, via le Comité des représentants permanents (COREPER), il faudrait au contraire laisser cette souplesse perdurer, ce qui consiste à marginaliser les effets voulus par la directive. Pire : il faudrait renforcer cette souplesse, en n’obligeant pas toujours à définir des normes de rejets calés sur les performances des MTD et en permettant aux grandes installations de combustion datant d’avant 1987 de contourner des limites d’émissions plus ambitieuses pour 5 ans de plus. Il est à noter par ailleurs que la France a déjà fait l’objet d’un avertissement de la commission pour "retard" dans la mise en oeuvre de cette directive (voir notre article).
Pour Marc Sénant, chargé de mission Risques Industriels chez FNE : "La France, au moment où l’occasion d’harmoniser le système de protection environnementale européen se présente, semble vouloir maintenir et même développer une flexibilité qui empêchera de tirer l’industrie européenne vers le haut". Un point de vue confirmé par Christian Schaible, chargé des politiques industrielles et d’IPPC pour le BEE : "L’échec vient du niveau de flexibilité de l’actuel cadre législatif IPPC, qui est trop flou. Il faut établir des critères clairs et juridiquement contraignants au niveau européen pour assurer une meilleure protection des citoyens et de l’environnement tout en favorisant la compétitivité de l’industrie européenne par l’investissement dans les technologies d’avenir. Or, nous recevons des signaux opposés des autorités françaises sur ces points".
"Au moment même où BP et les autorités américaines déboursent des milliards d’euros ne serait-ce que pour arrêter le désastre créé par la fuite de pétrole dans le golfe du Mexique, on vient encore nous dire que protéger l’environnement coûte trop cher ? Au contraire pour FNE, le sens de l’histoire, l’évolution et l’ampleur des risques montrent que ne pas prévenir les atteintes à l’environnement peut être catastrophique pour une entreprise", conclut l'association dans un communiqué.
En rapport direct avec le sujet, nous vous renvoyons à la lecture de notre article : Pollution industrielle : l'UE entre en période de transition.