Directive sur les sols pollués : on risque de louper le virage…
Dernière ligne droite pour la directive sur les sites et sols pollués. La Présidence française de l’Union européenne semble cependant s’orienter vers un enterrement de première classe de la proposition de directive sur les sols en dépit d’enjeux sanitaires et environnementaux majeurs.
Parmi les grognons, FNE qui souligne que la « présence de polluants et produits toxiques comporte des risques sanitaires pour les populations exposées. Une législation draconienne qui permet un inventaire précis des sites, une caractérisation de leurs risques et une obligation de dépollution est un impératif de santé publique. Nous sommes toutes et tous concerné(e)s ! ».
Dans une communication du 22 septembre 2006, la Commission européenne a lourdement insisté sur l’enjeu de santé publique que représente la protection des sols : « une action au niveau de l'Union Européenne aura également une valeur ajoutée en contribuant à la protection de la santé des citoyens européens qui peut être affectée de différentes manières en raison de la dégradation des sols, par exemple en raison d'une exposition aux contaminants du sol par ingestion directe (dans le cas d'enfants dans une plaine de jeux) ou par absorption indirecte (consommation d'aliments ou d'eau potable contaminés). Les glissements de terrain aussi peuvent faire des victimes. »
La proposition de directive précise elle-même dans son exposé des motifs que « la dégradation des sols peut affecter de diverses façons la santé des européens, notamment par exposition directe ou indirecte aux contaminants. Des pertes humaines sont également à craindre en cas de glissements de terrain. »
Du principe pollueur payeur au principe victime payeur ?
FNE insiste sur le fait que le coût du dépistage des sites doit être à la charge du pollueur pas des victimes !
La communication de la Commission du 22 septembre 2006 souligne d'ailleurs qu'il est « largement prouvé que la plupart des coûts liés à la dégradation des sols ne sont pas supportés par les utilisateurs immédiats des terres, mais généralement par la société dans son ensemble et par des acteurs géographiquement éloignés des sites en cause. »
Pourtant, il semblerait que la France bloque la proposition de directive sur les sols
22 novembre 2006 : la Commission européenne présente une proposition de directive sur les sols
14 novembre 2007 : le Parlement européen vote la proposition de directive relative à la protection des sols présentée par la Commission européenne,
14 décembre 2007 : la France et l’Allemagne, sous la pression intense de certains lobbies industriels, votent contre la proposition de directive sols,
Depuis décembre 2007 : aucune véritable concertation n’est organisée sur la directive sols pour garantir la relance de sa négociation lors de la présidence française. Au contraire, les services du MEEDDAT font circuler une version amendée de la proposition qui vide le texte de sa substance,
A l’heure actuelle, en l’état des informations dont dispose l'association, la France renonce à relancer la discussion du texte : le texte n’est toujours pas inscrit (de manière certaine) à l’ordre du jour du conseil des Ministres de l’environnement de l’Union européenne d’octobre.
Si le texte ne passe pas au Conseil d’octobre, il est à craindre qu'il n'ait aucune chance de passer à celui programmé en décembre dont l’ordre du jour est déjà surchargé en raison de la conférence de Poznan. Pour que le texte passe en octobre, il faudrait multiplier en amont les réunions préparatoires dont celles du COREPER (comité des représentants permanents qui prépare les réunions du conseil des ministres). Or, aucune réunion préparatoire n’est prévue sur les sols.
En tout état de cause, à supposer que la France inscrive la discussion de ce texte à l’ordre du jour du Conseil des ministres, sa proposition très peu ambitieuse n’a que peu de chances de permettre un accord politique.
Dans ce contexte, FNE déconfidentialise aujourd’hui la proposition de directive que la France pourrait présenter :
aucune obligation d'identifier les sites contaminés (juste une obligation d'identifier les sites potentiellement pollués),
aucune obligation de publier les informations sur les sites pollués,
le concept d'inventaire (public) des sites pollués a disparu,
rien sur la méthodologie à suivre, chaque Etat fait ce qu’il veut,
pas d’échéances pour l'identification des sites contaminés,
aucune obligation de dépollution,
aucune obligation de définir une stratégie nationale de dépollution (elle est devenue volontaire)
une grande réduction du champ d'application du rapport sur l’état des sols.
« Le silence qui entoure cette directive fondamentale pour la protection de sols est assourdissant ! Pourtant, l’enjeu pour la santé publique et le principe pollueur payeur est majeur ! Pour répondre à l’urgence écologique, parler d’objectifs c’est bien, définir des moyens c’est mieux. FNE interpelle l’Etat français pour qu’il agisse enfin contre les lobbies et en faveur de ce texte fondamental pour la protection de la santé publique et de l’environnement ! » nous confie Arnaud Gossement, porte parole de France Nature Environnement qui ajoute que la fédération demande très concrètement la rédaction, au terme d’une véritable réunion de concertation des acteurs du Grenelle, d’une directive ambitieuse et contraignante, la garantie que ce texte soit inscrit à l’ordre du jour du Conseil des ministres du mois d’octobre, et qu'un accord politique soit préparé en amont.