Le CNR n'aura pas été long à se déclarer amer, au lendemain du réagrément de l'éco-organisme en charge de la collecte et du traitement des déchets chimiques des ménages. Avançant un arrière-goût d’inachevé, il rappelle la défaillance d'EcoDDS pendant des semaines et les inévitables conséquences constatées sur les territoires. Quant à l'indemnisation forfaitaire à recevoir pour les débours que les collectivités ont du acquitter, elle reste clairement coincée dans de nombreux gosiers...
Pas plus tard qu'hier (voir ici), nous avions conclu notre dépêche relative au réagrément avec une question, en guise de doute... Aussi, la surprise n'est pas grande lorsqu'il se confirme que des problèmes subsistent en ce qui concerne non seulement le périmètre de l’activité de l’éco-organisme, mais aussi le remboursement des dépenses engagées par les collectivités locales pour assurer l’enlèvement des déchets dangereux collectés, avec au global, une question cruciale qui reste posée par les collectivités : quid de l’évolution attendue des règles de fonctionnement des filières REP « à la française »?.
d’une part, rien n’est résolu quant au périmètre de la filière qui, d’après le texte de l’arrêté, concerne la « gestion des déchets diffus spécifiques (DDS) ménagers issus des produits chimiques pouvant présenter un risque significatif pour la santé et l’environnement (…) ». L’interprétation d’EcoDDS reste quant à elle beaucoup plus restrictive qui, comme le déplore Bertrand Bohain, délégué général du Cercle National du Recyclage, induit « une séparation artificielle et coûteuse entre flux ménagers et professionnels alors même que les produits peinent à être distingués ». Sur ce premier point, il est à déplorer que l’occasion de la préparation du nouvel agrément d’EcoDDS n’ait pas permis de lever ce risque pour les collectivités de se voir appliquer des réfactions sur les sommes versées au titre de la prise en charge de DDS par le service public au prétexte d’une non-conformité dont il est extrêmement difficile de donner la preuve ;
d’autre part, le soutien forfaitaire de 625 € accordé par tonne de DDS collectée sur la période couvrant les deux derniers mois apparaît comme largement insuffisant pour couvrir les frais engagés par les collectivités locales en lieu et place des producteurs. A ce sujet et sur la base d’une enquête réalisée auprès des collectivités adhérentes à l’association, le président du Cercle National du Recyclage, Jean-Patrick Masson, indique que « le compte n’y est pas », rappelant les termes du communiqué de Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire, diffusé le 1er février qui précise que « l’éco-organisme EcoDDS va rembourser tous les frais engagés par les collectivités depuis le 1er janvier ».
L’annonce de la reprise des enlèvements en déchèteries est clairement considéré comme un premier signe encourageant d’un apaisement des relations entre les différentes parties-prenantes concernées. Sauf qu'il correspond « à un simple retour à la normale et à l’application opérationnelle ordinaire du principe de la REP. Un point de vigilance subsiste toutefois au sujet des conséquences possibles de la carence d’agrément durant plus de deux mois qui ne doit pas permettre aux metteurs en marché de minorer leur engagement financier ».
Cela dit, les responsables de l'association d'élus soulignent que depuis le 1er janvier dernier, les industriels sont défaillants et ne respectent pas les obligations qui leur incombent de par la loi : dans l’attente de la « réparation » attendue par les collectivités, il reste opportun « d’envisager la prise de sanctions à leur encontre si l’indemnisation devait ne pas couvrir l’intégralité des coûts réellement supportés par les collectivités locales».
Dans leur logique, les élus du Cercle National du Recyclage souhaitent que soit saisie l’occasion de l’élaboration de la future loi relative à l’économie circulaire pour élargir aux déchets diffus dangereux assimilés la responsabilité des metteurs en marché ; et tout autant que soit réévaluée à la hausse le montant de l’indemnisation à laquelle peuvent prétendre les collectivités ayant pallier le manquement des producteurs qui, au travers de l’éco-organisme, n’ont pas assumé leur responsabilité durant les deux premiers mois de cette année.
Etant entendu qu'il reste à tirer les enseignements de l’arrêt n° A 18-11.710 du 20 février 2019 par lequel les juges de la Cour de Cassation ont rejeté le pourvoi à l’encontre de l’arrêt du 5 décembre 2017 et donc confirmé le caractère administratif des contrats organisant les relations entre l'éco-organisme et les collectivités.