Economie circulaire : le Sénat adopte la loi antigaspi, sans la consigne
Le projet de loi anti gaspillage et en faveur d'une économie circulaire se veut un premier pas vers « l'accélération écologique » annoncée par le Premier ministre Edouard Philippe avant l'été. Attendu par les industriels, les collectivités comme les associations de consommateurs et de défense de l'environnement, il entend renforcer le principe du pollueur/payeur en l'étendant à de nouveaux secteurs: jouets, matériaux de construction, articles de sports, de bricolage, ou encore lingettes ou produits du tabac. De quoi alimenter les pressions des lobbies.
Le texte a pour objet d'améliorer l'information du consommateur sur la réparabilité des équipements électriques/électroniques et à faciliter l'utilisation de pièces détachées d'occasion, avec en ligne de mire une lutte effective contre l'obsolescence programmée. Il interdit l'élimination des invendus des produits non-alimentaires - vêtements, cosmétiques... - qui sont encore utilisables, ce qui constituerait une « première mondiale », s'est réjouie la secrétaire d'Etat Brune Poirson, qui a par aillleurs confirmé vouloir « s'attaquer à une réduction de toutes les formes de gaspillage ».
Marta de Cidrac (LR), rapporteur, a néamoins regretté le "manque d'ampleur du texte" et réaffirmé l'hostilité d'une majorité de sénateurs au dispositif de consigne pour recyclage des bouteilles en plastique ; en comission en effet, les sénateurs ont, à une large majorité, recentré le dispositif de consigne sur « le réemploi ou réutilisation », excluant la consigne pour recyclage.
Défendant son projet, la ministre a insisté sur un point devant la Chambre Haute : selon elle, aucune consigne pour recyclage ne pourra être mise en place sans que les collectivités en aient décidé et aucune système de consigne pour recyclage ne pourra être mis en oeuvre « sans qu'il soit aussi adossé d'une façon ou d'une autre à une consigne pour réemploi ».
Eric Gold (RDSE à majorité radicale), a rappelé que le système actuel n'atteint pas ses objectifs, tandis que Jérôme Bignon (Indépendants) a jugé parfaitement « légitimes » les inquiétudes sur la consigne : « c'est un non sens écologique », « une mauvaise nouvelle pour le consommateur » et "un cadeau aux industriels» metteurs en marché, a d'ailleurs tancé que le centriste Claude Kern, rejoint par le socialiste Joël Bigot, qui la considère comme inique, « malgré un bel emballage médiatique », ce qui n'empêche pas de mettre l'accent sur des points jugés posostifs positifs, dans le texte.
Guillaume Gontard (CRCE à majorité communiste) a quant à lui estimé que le projet de loi « va dans le bons sens », tout en restant « largement insuffisant : il ne propose pas de scénario de sortie du plastique » a-t-il déploré, alors que Frédéric Marchand (LREM) a défendu pour sa part, « un véritable projet de société ».
En commission, les sénateurs ont inscrit dans la loi l'objectif de 100% de plastique recyclé d'ici au 1er janvier 2025, porté par le gouvernement. En séance, le Sénat a revu à la hausse les objectifs de prévention de la production de déchets : a été fixé un objectif global de réduction des déchets de 15% d'ici à 2030 par rapport à 2020; un doublement d'ici à 2030 des tonnages de déchets ménagers effectivement réutilisés, pour atteindre 5%; et encore une réduction de moitié de la mise sur le marché d'emballages en plastique à usage unique en 2030 et de moitié en 2040 par rapport à 2030.
Au terme des cette semaine de débats, parfois tendus, entre Brune Poirson et les sénateurs, le projet de loi a été adopté par 342 voix pour, et une seule contre. Malgré l'insistance de la ministre, le Sénat, dans un quasi-consensus, est resté sur ses positions quant à la consigne, la réservant au réemploi et à la réutilisation. Il s'est donc refusé à l'étendre au recyclage des bouteilles en plastique.
« On aura prouvé que le Sénat n'est pas une assemblée de ringards climatosceptiques », a déclaré le président de la commission de l'Aménagement du territoire et du développement durable Hervé Maurey (centriste), tandis que Brune Pourson a déclaré que le « texte est enrichi après son passage au Sénat »...