Emissions de carbone et recyclage : un duo gagnant
Développement durable, économie circulaire, réchauffement climatique, émissions de GES et autre CO2, économies de matières premières… autant de thèmes qui mobilisent les Etats dans le cadre de conférences internationales, mais aussi l’Union Européenne, la France (avec notamment sa loi sur la transition énergétique) et ses entreprises… Si l’on a par le passé utilisé les analyses de cycles de vie pour évaluer les bienfaits du recyclage, aucun bilan global n’avait pour l’heure été effectué. Federec est désormais en mesure de fournir des chiffres, après avoir lancé mi-2015, une grande étude sur les principales filières en France, de sorte à mesurer les bénéfices environnementaux du secteur…
2008 : pour la première fois sans l’histoire de l'industrie du recyclage, il est mis en avant, de manière officielle, via une étude fouillée présentée dans le cadre du congrès du Bureau International du Recyclage (BIR), que ce secteur industriel n’est pas seulement économe en énergie nécessaire pour produire de la matière (par rapport à ce qui est nécessaire pour fabriquer à partir de produits vierges), mais qu’il est aussi, beaucoup moins émissif en CO2. Sauf qu’à l’époque, la lutte contre les émissions de CO2 ne constituait pas encore le combat planétaire que l’on sait aujourd’hui, même si des scientifiques avaient déjà tiré la sonnette d’alarme quant au réchauffement climatique et ses dangers, il y a des déjà bien des années. Alors !? Précurseurs, les recycleurs ? A l’évidence, oui. Car ce constat permet de mettre en évidence qu’il faudra compter avec ces métiers anciens en perpétuelle évolution, pour participer à la construction de l’avenir…
Une étude poussée pour valoriser officiellement les métiers
Federec a profité de la vitrine offerte par Pollutec pour rappeler, le 1er décembre, avec en mains une étude globale sur l'évaluation environnementale du recyclage en France, les atouts de ces professions (toutes filières confondues) en terme d’empreinte carbone et d'économies d'énergie. Ce sera incontestablement l'un des temps forts 2016 de la fédération qui marque ainsi de son empreinte, le lutte contre le réchauffement climatique...
Plusieurs évaluations de ce type avaient déjà été effectuées en utilisant l'analyse de cycle de vie, rappelle la fédération. "Toutefois, celles-ci n'avaient pas pour objectif de dresser un bilan global et leur périmètre était trop limité", a indiqué Jean Philippe Carpentier, qui préside la Fédération : "Federec entend répondre à cette lacune au travers de cette étude réalisée par RDC Environnement".
La fédération a fait le choix de recourir à la méthodologie de l’analyse de cycle de vie qui permet d’évaluer les impacts environnementaux potentiels sur l’ensemble du parcours d’un produit, de l’extraction des matières premières qui le compose, à son élimination.
Les résultats sont détaillés selon les différentes phases : la collecte des déchets à recycler, le tri de ces derniers, les production de matière premières recyclées, la transformation de celles-ci et la production évitée de matériaux intermédiaires d’origine fossile ou naturelle, la collecte et la fin de vie évitée grâce à la mise en place d’une filière de recyclage.
Pour réaliser ce bilan national des GES et de la consommation d’énergie des filières de recyclage en France, la fédération s’est intéressée aux 8 filières les plus représentatives du marché (elles représentent 8,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 476 millions d'euros d'investissements): métaux ferreux, non ferreux, (aluminium et cuivre), papiers – cartons, plastique et verre d’emballage, granulats et textiles.
A partir de données 2014 et soutenue par l'Ademe, Federec a démontré que l'industrie du recyclage contribue à la lutte contre le réchauffement climatique, en évitant l'émission de 22,8 millions de tonnes de CO2, ceci en dépit des opérations de collecte, de transport et de transformation des déchets en matières premières recyclées, lesquelles émettent certes, mais bigrement moins, preuves à l'appui. A cela, il convient d’ajouter les économies d'énergie : en 2014 le recyclage des matériaux des différentes filières étudiées a permis d'éviter la consommation d'environ 124 000 GWh, soit un quart de la production électrique française.
Parmi les filières les plus contributrices, « le recyclage des ferrailles (76% du bilan total) qui correspond aux métaux ferreux, mâchefers, déchets de démolition des bâtiments, a permis d'éviter les émissions de 16,9 millions de tonnes de CO2 pour près de 13 millions de tonnes collectées et recyclées (8 000 kt proviennent des récupérateurs, des collectes et des déchetteries, et en seconde position on trouve les chutes neuves issues des industriels pour 2000 kt) ».
Le tonnages de non ferreux collectés s’élève à 1 800 kt : il se répartit entre les métaux issus de la collecte (non ferreux provenant des récupérateurs, des VHU, des DEEE et de la collecte sélective), avec 1 500 kt, ceux issus des déchets de démolition avec 200 kt, et enfin les chutes neuves avec 150 kt. Le recyclage du cuivre et de l’aluminium représente respectivement 190 et 589 kt, sur les 1 900 kt de métaux non ferreux traités.
« L’aluminium qui a contribué à hauteur de 20% du bilan total, avec 4 400 kt CO2 – eq évitées pour 0,6 Mt collectées et recyclées, les autre flux représentent 6,5% du bilan global avec 1 500 kt CO2 – eq évitées pour 33 470 kt collectées, dont 27 700 kt de déchets du bâtiment, 2 800 kt de papiers, 1 918 kt de verre, 830 kt de plastiques, 200 kt de cuivre et 22 kt de textiles ».
Le recyclage du carton affiche quant à lui, un impact positif à hauteur de 1 200 kt CO2 – eq évitées, pour 4 500 kt collectées et recyclées. Autant de données auxquelles il convient d’ajouter la production évitée de matériaux d’origine vierge, qui contribue pour 68% au bilan global avec 39 000 kt kt CO2 – eq évitées.
Et l’on sort la calculette…
Si le principe est établi de longue date pour les "initiés", le message a néanmoins plus de difficultés à passer à l’extérieur, d’où la volonté d’avoir mené à bien cette étude qui a pour vocation de confirmer des points essentiels mais aussi de promouvoir une profession qui malgré les bénéfices environnementaux mis en évidence (à commencer par les économies liées à l’extraction évitée), rencontre des difficultés à les mettre dans la balance auprès des industriels consommateurs de matières recyclées, qui sont enclins à privilégier les matières premières vierges dès lors que les cours de celles-ci sont attractifs. C’est le cas de la sidérurgie par exemple, une industrie fortement impactée par sa consommation énergétique…
Afin de mettre son image en valeur, auprès de ses adhérents comme auprès des autres acteurs de l’extérieur, (collectivités, pouvoirs publics, donneurs d'ordres…), Federec a choisi de lancer deux versions logicielles, « sorte de calculette environnementale des impacts » de la filière française du recyclage. Accessible en priorité à ses adhérents, et ce à compter de janvier 2017, puis dans un second temps aux collectivités et pouvoirs publics, cet outil intègre plusieurs paramètres que l'utilisateur pourra choisir en fonction de son activité, des matériaux collectés et traités, de la distance parcourue, etc
Si l’étude a permis de créer et d'homogénéiser la modélisation ACV sur toutes les filières et de mieux comprendre les facteurs qui influent sur les résultats, il faut prendre bonne note que, maintenant que les fondements sont posés, l’exercice est reproductible chaque année, puisqu’il servira de point de repère pour chaque filière : pour Federec comme pour l’Ademe, « il s’agira d’éditer des bilans annuels (tonnages nationaux), de modifier les paramètres de modélisation tels que le mix électrique, le taux de substitution à la matière première vierge, le scénario de fin de vie en l’absence de recyclage, ou encore les distances de collecte sélectives »…
Cette initiative dont on ne peut que saluer le bien fondé est à plonger dans un contexte de modification en profondeur de la politique déchets française : il est bon de rappeler que la France s’est fixée des objectifs précis, et dotée de textes de loi allant dans ce sens :
- augmenter la quantité de déchets faisant l’objet d’une valorisation sous forme matière, en orientant vers ces filières de valorisation, respectivement 55% en 2020 et 65% en 2025, les déchets dangereux non inertes,
- étendre peu à peu les consignes de tri à l’ensemble des emballages plastiques sur l’ensemble du territoire avant 2022 (cf. le plan de relance piloté par Eco-Emballages,
- valoriser sous forme matière70M% des déchets des BTP en 2020,
- réduire de 30% les quantités de déchets non dangereux et non inertes admis en centres de stockage en 2020 par rapport à 2010, et de 50% en 2025,
- et enfin, réduire de 50% les quantités de produits manufacturés non recyclables, mis sur le marché.
Compte tenu de ces choix stratégiques mis en œuvre par le pays, Federec, grâce à ces travaux récents qui ont débouché sur l’étude décrite, « soutient bel et bien le déploiement de la stratégie nationale en participant activement à l’amélioration des connaissances relatives aux impacts environnementaux du recyclage des déchets en France».