Alors que le potentiel français de production de biogaz se situe entre 80 et 180 TWh, les tendances relatives à son développement conduisent à évaluer la production totale de biogaz en 2020 à près de 5,5 TWh par les installations de méthanisation, soit un quasi triplement sur 10 ans, et à près de 6 TWh pour le biogaz capté par les ISDND (Installations de Stockage de Déchets Non Dangereux), soit un niveau sensiblement constant par rapport à celui d’aujourd’hui. Cet écart important montre que la disponibilité de la ressource en biomasse ou déchets organiques n’est pas un frein au développement de la production de biogaz. Dans le cadre du colloque "Prévention et Gestion des Déchets dans les Territoires" organisé par l'Ademe, qui se déroule actuellement à Nantes, un état des lieux en France a été présenté hier. Il a été réalisé pour le compte de l’Ademe et GrDF par Ernst & Young...
Pour mémoire, le biogaz est une source d’énergie qui provient de la dégradation de la matière organique en l’absence d’oxygène.
Biogaz et méthanisation...
Ce phénomène naturel peut être observé dans les marais ou les décharges d’ordures ménagères. On peut le provoquer et l’intensifier en faisant de la méthanisation en digesteurs (sorte de gros silos) où cette dégradation est contrôlée. Constitué principalement de méthane et de gaz carbonique, c’est un puissant gaz à effet de serre.
C’est pourquoi :
Valoriser les déchets organiques, c’est avoir un effet bénéfique sur l’environnement en évitant bien des pollutions et des nuisances (eaux, sols, odeurs…) ;
Produire et valoriser du biogaz, c’est (en plus) avoir un effet bénéfique sur l’effet de serre en évitant la libération de méthane et en économisant des énergies fossiles.
En exploitant au maximum les 3 ressources que sont :
les centres d’enfouissement techniques aux normes (décharges pour ordures ménagères),
la méthanisation des boues de stations d’épuration,
la méthanisation de déchets organiques agricoles, industriels et ménagers,
On estime que le biogaz en résultant pourrait couvrir 10% de la consommation nationale de gaz (la France est actuellement importatrice de gaz à plus de 90%).
La méthanisation est utilisée depuis plus d’un siècle pour traiter les boues de stations d’épuration, depuis les années 1940 pour les déjections animales, depuis les années 1970 pour les effluents industriels et depuis une vingtaine d’années pour les ordures ménagères.
Près de 7 000 GWh d’énergie primaire produite en 2008 dont 60% sont valorisés
La quantité d’énergie primaire issue de biogaz en France s’élève à près de 7 000 GWh en 2008. Environ un quart de cette énergie (1 740 GWh) provient des installations de méthanisation.
Aujourd'hui, seuls 3 900 GWh, soit 60%, sont valorisés. L’optimisation de la valorisation du biogaz dans les unités de méthanisation est motivée par un enjeu de rentabilité, encouragé par la prime à l’efficacité des tarifs d’achat d’électricité.
Des investissements lourds pour la collectivité
Entre 60 et 100 M€ d'investissements dans le secteur de la méthanisation en 2008 : tout de même ! Cela étant, on estime "en haut lieu" que les objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements pour la production de chaleur et du Paquet Climat (23% d’ENR dans l’énergie finale en 2020) ne pourront être atteints sans un important développement de la méthanisation. Cet effort d’investissement dans le secteur de la méthanisation est déjà engagé en France. Le montant des investissements en 2008 pour la construction d’unités de méthanisation est estimé entre 60 et 100 millions d’euros, auquel le secteur des ordures ménagères contribue très fortement. Compte tenu du nombre restreint d’installations en fonctionnement dans ce secteur (6 au total en 2010), ceci reflète non seulement l’importance des moyens que requiert le développement des projets, mais également le dynamisme de ce secteur.
Les installations de méthanisation se situent en majorité au niveau des stations d’épuration urbaines et des industries, tandis que le secteur agricole et celui des ordures ménagères sont les plus dynamiques et les plus récents. Cela laisse présager un développement accéléré dans les prochaines années, avec toutefois des modèles de développement différents :
Le secteur des ordures ménagères est un secteur très concentré sur lequel peu d’acteurs sont positionnés ;
Le secteur agricole, en revanche, est un secteur atomisé avec une multitude d’acteurs et qui se caractérise par une taille moyenne d’installation qui peut être très réduite (quelques dizaines de kW électriques installés).
Enfin, on voit se développer sur ce marché un type d’installations encore peu représenté : la méthanisation territoriale ou centralisée, installations qui mutualisent les déchets de différents secteurs du territoire sur un site centralisé ou sur celui de l’un des producteurs de déchets.
A date, 3 perspectives d’évolution de la méthanisation et des valorisations du biogaz
Augmenter la rentabilité des installations à travers la mise en place de mécanismes de soutien à la valorisation du biogaz.
Un retour d’expérience positif des installations d’ordures ménagères et des installations agricoles
Les démarches administratives devraient être réduites avec la définition d’une rubrique ICPE (Installations Classées pour la Protection de l'Environnement) spécifique à la méthanisation.
481 installations de production et/ou de captage de biogaz en France en 2008 dont 180 installations de méthanisation pour 1 300 m3 de biogaz 180 installations de méthanisation (à 90% dans les secteurs industriels et de l’épuration urbaine) 301 ISDND recensées, dont 201 déclaraient capter le biogaz et 65 le valoriser. 12 installations dans le secteur agricole en 2008 et une vingtaine en 2010, 6 installations, pour la plupart récentes, dans le secteur des ordures ménagères en 2010. |
En Suède, par exemple, le biométhane carburant connaît un développement important en raison de nombreux systèmes d’incitation à cette valorisation : exonération de la taxe CO², prime à l’achat de véhicules fonctionnant au biocarburant, etc.
Perspectives...
La part de biogaz valorisé sous forme de cogénération sera en nette augmentation. Les technologies mises en oeuvre étant complètement matures, cette valorisation restera donc prépondérante.
L’apparition de l’injection dans le réseau de gaz naturel en France, à laquelle tous les secteurs peuvent prétendre, exception faite aujourd’hui de celui des gaz de STEP pour lesquels l’Afsset ne s’est pas encore prononcée. En 2020, la production annuelle de biométhane pourrait atteindre 175 GWh, soit environ 15% de l’énergie primaire produite.
Quant à la valorisation carburant, on ne compte en 2010 que deux installations en France. Cette valorisation pourrait émerger avec le développement du biométhane et des techniques d’épuration qui seront nécessaires à l’injection.
De manière générale, il est probable que les valorisations incitées par des tarifs et des obligations d’achat prennent le pas sur celles soutenues uniquement par des aides à l’investissement (chaleur seule), en raison de la durée des contrats d’achat et de l’absence de pérennité des aides d’état à l’investissement.
Il est nécessaire de rappeler qu’il s’agit là de scénarios tendanciels, et que la nature des mécanismes de soutien qui découleront des textes d’application de la Loi Grenelle 2 influenceront très fortement le profil de la filière biogaz, le rythme de son développement, la taille et le type d’installations, ainsi que les modes de valorisations du biogaz.
La publication de l’Arrêté du 19 mai 2011 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations qui valorisent le biogaz et la parution attendue durant l’été des conditions d’achat de biogaz épuré pour l’injection dans le réseau de distribution de gaz naturel et de gestion des biodéchets des gros producteurs créent des conditions favorables.
Par ailleurs, afin de faire émerger des technologies nouvelles (par exemple d’épuration du biogaz, de valorisation en biocarburant, de pilotage des digesteurs…), des organisations innovantes sont mises en place, notamment dans la mobilisation et la
cogestion de divers déchets organiques et substrats d’un territoire. La poursuite de l’accompagnement de travaux de recherche et la publication en juin d’un appel à manifestation d’intérêt pour le recyclage et la valorisation des déchets, destiné à soutenir la mise en oeuvre de démonstrateurs de recherche ou des expérimentations pré industrielles, conforteront l’impulsion ainsi donnée.