Le 18 juillet dernier, la Chine, premier premier importateur mondial de « déchets », comprendre matières premières recyclées, (sic) ce qui lui a permis d'alimenter la croissance de sa production industrielle, a informé l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de son intention d'interdire l'entrée sur son territoire à 24 catégories de déchets solides, dont certains plastiques, papiers cartons non triés et textiles, mais aussi des ferrailles. Si l'annonce a été vécue par l'industrie mondiale du recyclage comme comme une onde de choc fort compréhensible, on constate qu'au fil du temps, les chiffres assénés sont non seulement contradictoires, mais qu'en outre, ils ne correspondent pas nécessairement à la réalité, ce qui justifie une mise au point par Federec...
Pékin qui souhaite fermer les nombreuses usines de recyclage les plus polluantes du pays pour privilégier des sites plus modernes, avait au préalable, déjà renforcé le contrôle de la qualité des matières importées, au cours des derniers mois précédant cette annonce. Mais à cela s'ajoute la volonté de lutter contre les filières illégales qui polluent l'industrie du recyclage en terme d'image, mais pas seulement, ces pratiques étant constatées ailleurs qu'en Chine, d'ailleurs (même en France, les professionnels du recyclage ne manquent pas de mettre l'accent de manière régulière sur l'impact de ces pratiques déloyales).
Toujours est-il que les autorités comptent sur cette interdiction pour reprendre la main sur la contrebande de déchets : le directeur de la coopération au ministère de l’Environnement chinois, Guo Jing, avait expliqué lors d'une conférence de presse qu'il s'agissait aussi, de mettre un terme à l'activité lucrative « de certains contrevenants chinois et étrangers, motivés par l'appât du gain, exportent illégalement ou font de la contrebande de déchets solides en Chine »... « certains cachant les déchets au sein d'autres produits importés dans le pays »... On ne saurait aller contre une décision visant la limitation des trafics, même si la brutalité de la décision chinoise impactera évidemment les transactions commerciales parfaitement légales, ce blocage des exportations vers la Chine pouvant générer un engorgement des volumes, des stockages, impactant le cours des matières recyclées... puisque les capacités des usines de recyclage en Europe ne suffiront pas à absorber des volumes qui resteraient sur le marché européen, notamment. Etant entendu que de l'autre côté de l'Atlantique, le programme est vécu avec la même angoisse : aux Etats-Unis, premier exportateur mondial de déchets, la valeur des exportations de déchets de métaux, papiers et plastiques du pays a atteint 5,6 milliards de dollars l'an dernier (selon Robin Wiener, président de l'ISRI).
Sauf que cette annonce a aussi du bon, puisqu'elle va nécessairement induire d'autres façons de faire et encourager les décideurs à aller de l'avant pour construire une véritable Europe du recyclage (voir Chine : les matières "recyclées" ne sont plus les bienvenues), avec l'utilisation plus massive de produits recyclés... les Français, y compris via la commande publique, n'étant pour l'heure pas de très gros consommateurs de matière première recyclée... mais ceci est une autre histoire...
Il reste que l'on a, au fil de ces mois, évoqué par voie de presse, des chiffres parfois parfaitement déconnectés des réalités, s'agissant des tonnages exportés « légalement s'entend ».
De la même manière que l'on a parlé de déchets, relayé que la Chine ne veut plus être la poubelle de l'Occident, comme si l'Europe et la France expédiaient des ordures de l'autre côté du monde, sans autre forme de procédures, ce qui peut engendrer des amalgames et une mauvaise interprêtation de la situation.
Dans ce contexte, Federec remet les pendules à l'heure, puisque les recycleurs de France ne se débarrassent pas de leurs matières en les expédiant en Chine de manière massive, l'Europe restant en effet la principale destination des matières premières issues du recyclage (PMiR); la Fédération indiquant par ailleurs que de nombreux chiffres, tonnages et autres pourcentages circulant avondamment s'avèrent parfaitement faux.
Ainsi, pour ce qui touche aux exports directs de MPiR papiers cartons de la France vers la Chine, les Douanes avancent 378 000 tonnes en 2016, ce qui selon l'Observatoire du Recyclage de Federec représente 5% des 7,2 millions de tonnes collectées en France en 2016. Si l'on y ajoute les exports indirects, ce sont environ 500 000 tonnes de papiers cartons issus du recyclage qui quittent la France à destination de la Chine, a précisé Jean-Philippe Carpentier lors des dernières Rencontre Amorce/Filières REP : une partie de ce qui est exporté par la France, en Belgique et aux Pays Bas notamment, part en Chine, ce qui explique la différence des tonnages et pourcentages.
Il en va de même pour les plastiques : les exports directs de MPiR plastiques de la France vers la Chine sont comptabilisés par les Douanes qui indiquent 98 000 tonnes en 2016, ce qui représente 11% des 902 000 tonnes collectées en France au cours de cette même année. Si l'on ajoute les exports indirects, via la Belgique et les Pays Bas, notamment, on parvient à un taux de 19% pour cette même année 2016. Le Bureau International du Recyclage (BIR) évalue à 7,3 millions de tonnes les imports de MPiR plastiques de la Chine, dont 2,6 en provenance d’Europe.
Ces tonnages sortant de France à destination de l'Empire du Milieu ne sont en rien négligeables ; mais on est loin des exportations massives parfois sous entendues, ce qui ne veut évidemment pas dire que la décision chinoise n'a que peu d'impact, puisqu'il n'y a pas que notre pays qui exporte à destination de la Chine. « Les MPiR jusqu’à présent exportées depuis l’Europe entière devront trouver de nouvelles solutions de valorisations et de nouveaux marchés qui n’existent pas dans les mêmes proportions à ce jour », expose le BIR...
« Cette décision brise une dynamique d’économie circulaire de la filière de recyclage des papiers-cartons qui collectait les déchets d’emballage des produits importés de Chine et les restituait à la Chine sous forme de Matières Premières issues du Recyclage », mais pas seulement. « En effet, la décision chinoise a déstabilisé les cours des MPiR et les conséquences financières pour nos entreprises sont importantes », a confirmé Federec.