Federec se doit d'être dynamique et exemplaire

Le 12/03/2013 à 18:46  

Federec se doit d'être dynamique et exemplaire

Pascal Sécula Chef d’entreprise plein de vitalité, ayant choisi de reprendre le flambeau très jeune, suite au décès de son père, Pascal Sécula est aussi un syndicaliste convaincu ; au cours de ces vingt dernières années, il a consacré une belle part de son temps et de son énergie, à œuvrer au service d’une profession qu’il exerce avec fierté. Aux termes de deux mandats à la tête de la Fédération nationale des entreprise du recyclage, Federec, il accepte de retracer les grandes lignes des actions menées, et de décrire sa vision des métiers du recyclage, laquelle étant résolument orientée vers un avenir prometteur...

 Pascal Sécula dirige et développe une PME familiale, créée en 1950 par son grand père (Etienne Sécula Ets) et préside aux destinées de la société depuis 26 ans révolus. Entrepreneur émérite, il n’avait pas 26 ans, en effet, lorsqu’il a véritablement dû mettre le pied à l’étrier et endosser de lourdes responsabilités en reprenant l’affaire, dès 1987, au lendemain du décès prématuré de son père, Georges.
Il était rare à l’époque, qu’un récupérateur traditionnel de ferrailles et métaux fasse, aussi, dans la prestation de service de déchets. C’était le cas des Etablissements Etienne Sécula : précurseur a été son père, développeur sera le fils…
En 1990, on change de nom et d’envergure, mais on reste en famille. L’entreprise s’appellera désormais, Bourgogne Recyclage.
Accompagné de son frère, Marc, spécialisé dans l’activité métallique, puis de son fils Geoffroy qui est venu rejoindre l’équipe dirigeante en juin 2008, la société se développe et devient ce qu’il est convenu d’appeler une « belle boîte ». Elle dispose aujourd’hui de 6 sites d’exploitation répartis en Bourgogne bien sur, mais aussi en Franche-Comté ; ses 240 collaborateurs génèrent un chiffre d’affaires consolidé de 40 millions d’euros (données 2012) en exerçant une double activité : la valorisation matière à des fins de recyclage et la prestation de services dédiée à la collecte de déchets industriels et ou ménagers.

 Si vous aviez souhaité rester Président de Federec, personne ne doute que vous auriez été réélu sans difficultés. Quelles sont les raisons qui vous ont conduit à ne pas briguer un nouveau mandat et à renoncer à cette mission que vous avez conduite avec tant de passion ?
recyclage Cela fait dix huit ans que je suis au conseil d’administration de la fédération.1995, c’est cette année-là que pour la première fois, j’ai siégé au conseil d’administration de Federec en tant que président d’une structure nouvellement créée : Valordec. Autant que je m’en souvienne, je devais être le plus jeune élu siégeant à ce Conseil. Et depuis cette année-là, je n’ai jamais cessé d’être présent à cette table. Six ans de présidence de Valordec, six années à la tête du Syndicat régional Centre et Sud-Est, avec en parallèle, deux années de Vice-présidence de la Fédération, et six années de Présidence Nationale, faites le compte ! Etant très favorable à un système dynamique, régulièrement renouvelé, ma décision s’imposait naturellement.
J’avais besoin d’arrêter, considérant que c’était un bien pour la fédération qui se doit de ne pas toujours être pilotée par les mêmes dirigeants. Au demeurant, je pense que cette nécessité de renouvellement devrait inspirer les élus de tous ordres locaux ou nationaux qui souhaitent perdurer des dizaines d’années durant, ayant du mal à quitter le pouvoir.
Il va de soi que s’il y avait eu carence, j’aurais peut être pensé différemment et accepté de briguer un mandat de plus ; il se trouve qu’un candidat brillant a su montrer ses qualités, ses compétences, exprimant sa volonté de s’impliquer plus avant dans les responsabilités syndicales, de s’investir pour l’intérêt général de la profession ; j’ai rapidement compris qu’il ferait l’unanimité, ce qui a été le cas, ce qui fait que j’ai quitté ces fonctions, parfaitement serein, puisque le nouveau président dispose de bases solides pour commencer son mandat, et travailler avec son équipe, dans la continuité logique de ce qui a été entrepris.
Cela étant, ma vie syndicale n’est pas terminée puisqu’on a eu la sympathie de me nommer Président d’Honneur de la Fédération ; j’aurais le privilège de siéger entre deux très grandes personnalités de la profession, Gérard le Gouvello et Dominique Maguin. Cela signifie que je continuerai donc pendant quelques années encore, à participer aux Conseils d’administration, mais sans droit de vote. Nous n’avons qu’un rôle consultatif qui nous donne néanmoins, par touches successives, la possibilité de donner notre avis.
Au-delà de toutes les considérations personnelles, je tiens à souligner que bien que bénévoles, ces présidences sont extrêmement chronophages et qu’à être président, on n’en est pas moins chef d’entreprise, je pense sincèrement qu’il est un moment où une structure quelle qu’elle soit tire bénéfice du renouvellement de ses responsables.
Si la formule « place aux jeunes » n’est pas parfaitement adaptée en l’espèce, « place à de nouveaux responsables » l’est quant à elle tout à fait.

 Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ? Soulagé, déjà nostalgique, encore sur le pied de guerre et prêt à intervenir si besoin en était ?
Jean-Philippe CarpentierJe suis aujourd’hui parfaitement serein. Parfaitement serein parce que mon successeur à ce mandat, Jean-Philippe Carpentier, n’est pas un successeur par défaut. Non seulement, il a manifesté une véritable volonté de s’investir dans la fonction, mais il a clairement signifié son intention d’inscrire sa politique future dans la continuité de ce qui a été entrepris au cours de ces dernières années : pas d’oppositions, ni de révolution à son programme. Jean-Philippe Carpentier est chef d’entreprise d’une PME. Il n’y aura donc pas de rupture dans la culture qui fonde aujourd’hui la Fédération. Pas de révolution, mais sans doute le nouveau président aura-t-il l’opportunité de progresser plus vite avec une « machine » qui est aujourd’hui lancée. Mon intention est donc de me tenir en retrait de la conduite de la politique de la Fédération, mais reste évidemment mobilisable, si on me sollicite.

 Vous avez, au cours de votre mandat entrepris au sein de Federec de nombreuses réformes. Quelles sont celles qui à l’heure de ce bilan, vous viennent spontanément à l’esprit, soit en raison de l’importance que vous leur accordiez, des difficultés que vous avez eu à les conduire à bien, ou pour toute autre raison ?
Parmi les grandes réformes qui ont été conduites au cours de ces dernières années, celle qui me paraît encore aujourd’hui prépondérante a été la réforme des statuts. Elle nous a demandé un travail considérable, de longs mois d’échanges, qui n’ont pas toujours été faciles parce que le débat était logique et légitime ; mais nous sommes parvenus à notre but. Au delà des aspects techniques de la réforme, je ne retiendrai que son aspect positif : cette modification en profondeur a « tout simplement » permis d’asseoir l’instance fédérale durablement et la projeter vers l’avenir, sans risquer d’en perdre le contrôle, dont nous estimions qu’il devait demeurer entre les mains d’entrepreneurs, à savoir des chefs d’entreprises de TPE ou de PME, voire des dirigeants de grandes sociétés, c'est à dire des structures correspondant à ce qui constitue l’essentiel, en termes de nombre, des adhérents de la Fédération.
On disposait de statuts anciens qui n’étaient plus en adéquation avec les réalités ; ils devaient être revus, du fait de l’évolution de nos métiers mais aussi de nos entreprises…
La fédération doit rester dans les mains de patrons, tout simplement. A nos yeux, c’est cela, la culture et l’esprit de Federec. La réforme de nos statuts était donc nécessaire, ne serait-ce qu’à ce titre là. Aujourd’hui, seul un chef d’entreprise appliquant la convention collective du recyclage, parce que cela va de pair, pourra être président de région ou de la fédération : notre Convention collective constitue le pilier essentiel de notre institution et elle doit évidemment être mise en œuvre par le Président de la Fédération au sein de l’entreprise qu’il dirige.
Robert LifchitzLes statuts réformés, il convenait de faire le grand toilettage du chapitre des Cotisations. Cette réforme a été votée un peu tardivement en 2012. Quant au principe, il est simple : une grille de cotisation unique simplifiée, applicable sur l’ensemble du territoire et non négociable individuellement. Ces deux réformes étaient essentielles à renforcer la structure de la Fédération afin de la préparer à affronter sereinement un avenir qui va voir nos métiers évoluer considérablement à la fois sous la pression des marchés et sous celle des nombreuses mutations administratives auxquelles nous serons inévitablement confrontés. Je tiens ici à remercier le conseil d’administration de Federec de m’avoir soutenu et accordé sa confiance dès lors que je me suis lancé sur le chemin de ces réformes structurelles, et tout particulièrement Robert Lifchitz, qui a occupé de longues années durant, le poste de vice-Président à mes côtés ; véritable cheville ouvrière de ces deux réformes d’importance, il a mené avec brio de nombreux autres dossiers au bénéfice de la fédération et de ses adhérents.

 Traditionnellement consensuelle et défensive, il semble qu'au cours de votre présidence, Federec soit soudain devenue particulièrement offensive. Le nombre de recours que vous avez engagés récemment en atteste. Si le bilan de vos mandats est particulièrement étoffé, reste-t-il cependant un dossier que vous regrettiez de ne pas avoir bouclé vous-même ?

Au sein d’une fédération en particulier au sein de Federec qui se trouve au centre d’un environnement qui s’est profondément modifié ces dernières années, la tâche est infinie. Il faut donc en permanence rebattre les priorités ou remettre des discussions à une réunion ultérieure, chacun des élus étant en activité ; c’est inhérent à la vie classique d’un syndicat.
métaux volésCela étant, s’il est un dossier où j’ai le sentiment de ne pas avoir été entendu pleinement, c’est celui des achats au détail et de la suppression du paiement en espèces. Il s’agit d’un dossier important sur lequel nous avons longuement travaillé, pour lequel nous avons fait des propositions concrètes aux pouvoirs publics et qui se solde par une déception certaine ; soyons clairs, la réforme qui a été mise en place ne nous satisfait pas parce qu’elle ne supprime pas la délinquance et encore moins les vols de métaux. Nous estimions que la priorité devait être mise dans la lutte contre les sites illégaux qui sont, nous sommes bien placés pour le savoir, au cœur du problème. Les entreprises représentées par Federec sont soumises, en qualité d'ICPE, à de lourdes contraintes administratives et techniques qui conduisent à l’obligation d’importants investissements. Pendant ce temps-là, des structures, qui ne sont pas soumises au moindre contrôle, peuvent évoluer librement sur nos marchés en développant une concurrence illégale qui tire la profession vers le bas. Je regrette sincèrement que malgré les efforts de communication que nous avons déployés, en dépit d’un travail de collaboration effectif mené avec les autorités de tutelle, nous ayons été aussi mal compris : ce sera un des grands regrets de ce mandat, comme c’est une grande déception pour les adhérents de Federec...
DEEEQuant au passage à l’offensive auquel vous faîtes allusion, il aurait sans doute été nécessaire plus tôt, mais il fallait, pour pouvoir appliquer cette nouvelle forme de stratégie, un préalable essentiel, à savoir être crédible. Federec est aujourd’hui reconnu comme un acteur essentiel de la politique du recyclage en France, et à ce titre, nous pouvons désormais attaquer, dès lors que l’on ne respecte pas les professionnels regroupés sous cette bannière. Federec s’est, au cours de ces dernières années, considérablement renforcée en interne. Elle dispose désormais d’une équipe de chargés de mission, plus brillants les uns que les autres et qui produit un excellent travail. Il faudrait sans doute aller plus loin encore, élargir cette équipe ou recourir à la sous-traitance de certains dossiers. Mais les actions que nous menons doivent rester en adéquation avec notre budget. Nous nous attaquons à des dossiers imposants comme la livraison des papiers cartons en boucle fermée, ou presque, pilotée par l'éco-organisme, comme la propriété des matières pour ce qui concerne les DEEE, ou encore celui des garanties financières que l’on cherche à nous imposer au même titre qu’aux entreprises d’élimination de déchets, sans que la différence soit faite entre déchets et matières premières recyclées!
Et pendant ce temps-là, pardonnez-moi de revenir sur ce sujet, vont continuer de prospérer des sites clandestins, non déclarés, qui travaillent en toute impunité sans réaliser le moindre investissement pour être en conformité avec les réglementations en vigueur!... On est clairement dans le non sens puisqu'on souhaite nous imposer des garanties financières lourdes, en cas de pollution, alors que nos entreprises ICPE investissent pour limiter leurs impacts environnementaux, alors que ce sont précisément ces installations « sauvages » de récupération, qui posent le plus de problèmes d'ordre environnemental! Avec en sus, peut être, un effet pervers de ces cautions ou dépôts de garantie qui est à craindre, à savoir le développement d'une certaine frilosité bancaire à l'idée de prêter de l'argent et donc un frein à l'investissement pour un secteur économique à part entière...

 Au cours de vos six années de mandat, la profession a considérablement progressé. Comment envisagez-vous que le monde du recyclage évoluera dans les années à venir et comment, pour suivre cette évolution, la Fédération devra-t-elle encore se transformer ?
Le recyclage est en constante évolution et mutation depuis des décennies pour ne pas dire des siècles, puisque nos métiers « collent » aux réalités sociétales. Si cette profession n’avait pas disposé de cette faculté de s’adapter en permanence aux nouveaux déchets susceptibles d’être transformés en matières premières, au redimensionnement permanent des marchés, pensez-vous que les industries du recyclage produiraient pratiquement la moitié des matières premières non énergétiques qui sont consommées sur la planète ?
Il n’y a pas de raison pour que cette formidable faculté d’adaptation ne continue pas de dessiner l’avenir de nos métiers. En même temps, on est bien obligé de constater qu’exercer notre profession devient de plus en plus difficile en raison, en particulier, d’une réglementation qui pratique de plus en plus l’ingérence, qui superpose les dispositifs et complexifie chaque jour un peu plus la mise en œuvre de nos outils.
L’empiètement régulier de notre champ d'activité, générateur de ressources, créateur d'emplois, ne peut que nous affaiblir, ce qui constitue une véritable source d’inquiétude. Quoi faire contre cette tendance ? On s’épuiserait bien vite à aller contre le sens du vent. Federec devra donc continuer à se transformer, ce qui nécessitera la mobilisation de moyens financiers de plus en plus importants. On compte aujourd’hui sur la réforme des cotisations pour nous apporter quelques moyens supplémentaires. Nous ouvrons nos portes à des partenaires qui ont des intérêts communs avec la profession et qui souhaitent contribuer à son adaptation aux nouvelles donnes et à son développement. On se plaît à rêver que spontanément les adhérents acceptent de voir leurs cotisations augmenter de 50 %, ce qui ne conduirait sans doute pas leurs entreprises à la faillite, ce qui permettrait à la Fédération de disposer véritablement des moyens de ces combats.
C’est à ceux qui doutent, à ceux qui sont trop individualistes, mais aussi aux plus déçus de l’action menée par les élus que nous sommes et qui ne sont jamais présents à nos côtés que je souhaite adresser les derniers mots de cet entretien, avec une simple formule : « Aide-toi et Federec t’aidera !».
 

Image symbolique : Pascal Sécula, appuyé sur la romaine de la bascule d'origine de son Grand Père...