Ferrailles : quoi de neuf depuis le Clemenceau ?

Le 04/03/2011 à 13:16  
Ferrailles : quoi de neuf depuis le Clemenceau ?
Démantèlement d'un bateau La mission parlementaire sur le démantèlement des navires chargée de faire avancer les engagements du Grenelle de la Mer a littéralement enseveli sous les sarcasmes et les imprécisions les quelques velléités industrielles et collectives nées de l’affaire du Clemenceau. Robin des Bois suit le devenir du secteur …

 Réglant son compte en une page à ce qu’elle qualifie de "contre-vérités", de "mythes " ou de  "lieux communs", la mission parlementaire dénierait à la filière de démantèlement des navires la complémentarité de la construction ou de la réparation navale et la capacité de créer des emplois et de fournir à l’industrie de la sidérurgie des quantités importantes de ferrailles.

Elle préconise comme site prioritaire et idéal de la démolition des navires océaniques le port fluvial de Bordeaux, un port à l’amont de la Gironde et d’un estuaire fragile, une option décalée et excentrique par rapport à la stratégie commune qui privilégie pour les chantiers nouveaux la rapidité et la sécurité des accès. Selon RObien des Bois, "la meilleure décision de la mission parlementaire a été de transmettre le flambeau à une nouvelle mission interministérielle".

Pour avancer, il faudrait peut être s’extraire de ce fatras de papiers et en venir à la réalité et aux comparaisons.
Depuis deux ans, les initiatives se multiplient pour démolir dans un cadre administratif rationnel les bateaux de pêche. Auparavant ils étaient brûlés, coulés ou abandonnés dans les vases des ports ou des abers. Le Winner, 101 m, environ 2.000 t, vieux transporteur saisi en 2002 par la Marine Nationale pour trafic de drogue, est en cours de démantèlement dans une cale mise à disposition dans le port militaire de Brest. C’est le premier des éclopés du port breton et de Landévennec à ouvrir la voie de la filière d’une casse moderne et encadrée. Les consultations sont lancées pour la démolition de l’Anna à La Rochelle – le transporteur Anna, 87 m de longueur, naviguant sous pavillon Comores pour des intérêts ukrainiens a été saisi par la justice après avoir percuté en juillet 2008 la porte aval de l’écluse du bassin à flot du port de La Rochelle – et le port civil louerait à cet effet une de ses formes destinées à la réparation navale. La Marine Nationale va annoncer dans l’année quels sont les attributaires des appels d’offres pour la démolition de la Saone, de la Dives, de l’Argens et du Bouvet stationnés à Toulon et à Lorient. La Marine Nationale va bénéficier pour les démolitions à venir du retour d’expérience de la coque Q 790 dont le ferraillage a été mené à bien dans une darse d’Hartlepool au Royaume-Uni en octobre 2010.

Port de Saint-Nazaire Au fil des travaux et missions, les ports de Saint-Nazaire, de Cherbourg, du Havre et de Dunkerque ont aussi été cités comme des sites de démolition intéressants. La proximité de Gand est encourageante pour le grand port français du Nord. De l’autre côté de la frontière avec la Belgique, le chantier Van Heygen à Gand est de plus en plus actif et va traiter en ce début d’année une vingtaine de navires de pêche écossais. N’en déplaise à la mission parlementaire décidément bien mal inspirée, le chantier de démolition du port de Gand participe à la croissance du port belge qui vient de battre en 2010 son record absolu d’activité.

Selon l’association Robin des bois, qui a fait un récent bilan du 4ème trimestre 2010, « l’Inde règne, la Turquie a de l’ambition et l’Europe se réveille peut être »…

 Entre le 16 octobre et le 31 décembre 2010, 202 navires sont partis pour la démolition, soit un rythme de 18 navires par semaine. L’Inde avec 78 navires (39%) réalise le grand chelem sur l’année avec une 4ème place de numéro 1 de la démolition tant en tonnage qu’en unités à recycler. Avec 38 navires (19%), la Turquie conserve la seconde place et affirme ses ambitions avec l’achat de trois gros et quadragénaires vraquiers canadiens habitués des grands lacs, l’Algoisle, l’Agawa Canyon et le Canadian Prospector, en plus des habituels petits transporteurs et ferries. La Chine se classe 3ème avec 33 navires (16%), devant le Pakistan, 25 (12%) et le Bangladesh 14 (7%). 5 navires ont été démantelés en Europe dans des chantiers danois et belges. A Gand, Van Heygen Recycling qui vient de réceptionner deux gros navires de pêche islandais va aussi démanteler une vingtaine de navires écossais provenant d’un plan de sortie de flotte. L’Europe va-t-elle transformer l’essai en 2011 et marquer d’autres points chez les armateurs de pêche et de la marine marchande ?

En volume de ferrailles à recycler, l’Inde précède la Chine, le Pakistan, le Bangladesh et la Turquie. La démolition cumulée permettra le recyclage de près de 1,3 million de tonnes de métaux. Les tankers -pétroliers, chimiquiers et transporteurs de gaz- constituent cette fois encore la première catégorie de navires partant à la casse avec 64 unités, soit 34 %. En volume, l’ensemble des tankers représente plus de 510.000 tonnes soit 40% du métaux recyclés. Les transporteurs de marchandises diverses, 51 (25%), suivent, devant les vraquiers, 31 (15%). Après la purge en 2008 et 2009, les porte-conteneurs, 7 (3%), et les voituriers, 4 (2%) sont devenus des pièces exceptionnelles dans les chantiers de démolition.

 Les prix d’achats des navires à démanteler sont restés fermes, aux alentours de 475 $ la tonne pour les tankers, 450 $ pour les autres transporteurs. Les écarts sont resserrés et les tarifs offerts par les chantiers chinois sont à peine inférieurs aux prix indiens ou pakistanais. Les prix ont grimpé en Turquie où des navires ont trouvé acheteurs à plus de 300 $ la tonne.
Sur les 202 navires, 75 (37 %) étaient sous pavillon européen ou appartenaient à des armateurs établis dans l’Union Européenne ou dans l’Association Européenne de Libre Echange (AELE). 95 (47%) ont été construits dans ces mêmes pays dont 3 en France à Brest, Dieppe et La Ciotat…