Gardanne : une centrale biomasse qui dérange
Concrètement, deux cent cinquante millions d'euros ont été investis par le groupe énergétique allemand pour concrétiser ce projet sur le terrain : transformer l'unité 4 de la centrale à charbon en centrale biomasse, avec en perspective la combustion de 850 000 tonnes de bois et déchets verts pour obtenir une puissance de 150 MW. La filiale Uniper, désormais indépendante, a pris la suite...
Il n 'a pas fallu longtemps pour que écologistes et scientifiques s'interrogent et s'inquiètent des impacts de ce projet titanesque sur le gisement et la biodiversité (regrettant au passage, l'absence d'étude d'impact dans ces domaines) : quand bien même les promoteurs du projet rappellent à l'encan que l'on « brûle ce dont personne ne veut, notamment les déchet verts », celles et ceux qui n'y sont pas addicts rappellent volontiers que 2 500 tonnes de matières brûlées par jour, cela dépasse « la capacité de production de la forêt locale » étant entendu que la filière bois est morcelée en Paca, 73% des propriétaires étant des privés, que cette nouvelle donne risque fort de peser sur le prix du bois pour les particuliers, sans compter que les collectivités concernées craignent la mise en péril des petites chaudières biomasse gérées par les communes.
Si le plan d'approvisionnement a été revu à la baisse, la montée en puissance au fil du temps laisse perplexe et ne manque pas d'inquiéter, là encore, quand bien même l'Etat soutient la démarche de cette centrale au nom de la transition énergétique.
Mettant en valeur une diminution de l'empreinte carbone de 4,5 par rapport à la production charbon grâce à un système de dépollution, le projet « est une incitation au développement durable », avait d'ailleurs indiqué Jean-Michel Trotignon, directeur de la centrale (lors d'une visite de presse du site), la municipalité communiste de Gardanne et la CGT soutenant évidemment le projet et les 180 emplois attachés à la réalisation de celui-ci, tandis que le député EELV François-Michel Lambert est on ne peut plus septique, considérant que cette « centrale n'a aucun sens », déplorant que « l'argent public soit dilapidé de la sorte » (70 millions d'euros de subventions), avec à la clé « une pollution atmosphérique renforcée », n'imaginant pas d'autre issue que la fermeture de l'installation. L'élu aurait d'ailleurs interrogé l'ex ministre de l'Environnement à plusieurs reprises, via des questions écrites, des demandes qui seraient restées sans réponse...
Dans ce contexte, plusieurs recours ont été déposés (par des riverains de la centrale de Gardanne, des associations de défense de l’environnement, le parc naturel Régional du Luberon et du Verdon, les communautés de commune du pays de Forcalquier et de Banon), ce qui était prévisible, contre l'autorisation d'exploitation.
Le 27avril dernier, il était acté (devant le tribunal administratif de Marseille) que le rapporteur public Gilles Fedi, se positionnait en faveur de cette annulation de l’arrêté préfectoral du préfet des Bouches du Rhône, au motif principal de l’insuffisance de l’étude d’impact (aucune analyse sur le long terme des effets négatifs et positifs sur l’environnement, les paysages, l’approvisionnement, ni sur la production de bois).
Selon le Rapporteur Public, la tranche biomasse de la centrale consomme 1800 tonnes de bois par jour. Il déplore que « …L’étude initiale ne dit rien sur les rotations quotidiennes des poids lourds, on nous dit 250 par jour… » « …L’évaluation du projet d’exploitation n’a pas été présenté à la population… » « …l’information complète à la population concernant les effets de l’exploitation n’a pas été respectée… » « …l’insuffisance de l’étude d’impact a eu pour effet de nuire à l’information du public… » « …Par ces motifs nous demandons l’annulation de l’arrêté du Préfet des Bouches du Rhône du 29 novembre 2012. »... « …Par ces motifs nous demandons l’annulation de l’arrêté du Préfet des Bouches du Rhône du 29 novembre 2012 »...
En face, la partie adverse n'a pas manqué de souligner l'importance de l'investissement réalisé, et l'impact sur l'emploi dès lors que la réalisation du projet serait remise en cause, insistant par ailleurs sur le respect des textes en vigueur : « … nous avons fait l’étude d’impact qui était applicable à l’époque, nous avons scrupuleusement respecté la législation… »...
Après avoir été mis en délibéré, le verdict est tombé, ce 8 juin. Le tribunal administratif de Marseille a annulé l’autorisation préfectorale délivrée en 2012 pour la centrale de Gardanne, calibré pour brûler 850 000 tonnes par an.
Dès le lendemain, vendredi 9 juin, Uniper a annoncé son intention de faire appel de cette décision, pour laquelle le groupe allemand a toutefois obtenu de l’État le droit de continuer à la faire fonctionner provisoirement.
Les juges reprochent au groupe de n'avoir étudié l'impact du projet que dans un périmètre de trois kilomètres, alors que la centrale prévoit de brûler du bois coupé dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres. Ils jugent également que les dégâts sur l'environnement des camions qui alimenteront la centrale en bois et la pollution atmosphérique (particules fines, dioxines, CO2) n'ont pas été correctement pris en compte.
« Nous rappelons que nous avons répondu à un appel d’offres lancé en 2010 par l’État qui a validé notre plan d’approvisionnement », a réagi vendredi dans un communiqué Luc Poyer, président d'Uniper France. « S’agissant de l’étude d’impact, celle-ci a été réalisée conformément aux textes applicables et comporte bien une analyse de l’état initial et des effets indirects du projet sur le site et de son environnement » (…) Dans ce contexte, l’entreprise exprime sa surprise devant cette décision très pénalisante pour elle, ses salariés et plus généralement pour l'économie locale et ses emplois », conclut le dirigeant, dénonçant un « coup dur pour les énergies vertes » en France.
Dès vendredi 9 juin, le préfet des Bouches-du-Rhône a quant à lui, donné dans un arrêté, un mois à l'industriel pour dire s'il veut continuer d'exploiter le site ou cesser son activité. Uniper se voit offrir, au total, un délai de neuf mois pour constituer une nouvelle demande d'autorisation.