Jean-Louis Borloo présentait le 29 septembre dernier, le projet de loi de finances 2011 dédié au Grenelle Environnement et plus globalement à son Ministère de l’Écologie. Jean-Louis Borloo s’est voulu rassurant dans son discours, affirmant que le budget alloué au Grenelle Environnement ne serait pas rogné. Découvrez en détail les investissements à venir et les réactions politiques d’Europe Ecologie, du PS …
“Nous avons tous vécu, depuis bientôt 2 ans, cette formidable précipitation de l’Histoire. Pour moi, ce tournant historique a 2 visages :
le visage de la crise, tout d’abord, le plus évident pour tout le monde.
La crise est née du monde financier mais elle a vite fait de révéler une crise économique bien plus profonde, qui touche l’ensemble de nos sociétés ; le visage des changements climatiques, ensuite, avec tout à la fois son cortège d’illustrations dramatiques (les inondations au Pakistan récemment) et ses espoirs : il y a aujourd’hui une prise de conscience planétaire de ces défis, même s’il reste tant de chemin à parcourir.
Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins : notre modèle de croissance ne pourra pas durablement résister au poids d’une désindustrialisation qui s’accélère et d’un endettement public qui est proche de l’asphyxier, notre modèle de société ne pourra pas non plus survivre dans un monde où l’homme aura détruit l’environnement qui le fait vivre. Cancun nous dira si l’Humanité, après la déception de Copenhague, est prête à relever le défi.
Le budget que je vous présente est l’expression de toutes ces convictions : celle que nous avons plus que jamais besoin de suivre la feuille de route du Grenelle Environnement : nos premiers résultats sont là pour attester d’une "rupture", ils doivent maintenant s’inscrire dans la durée ; la conviction, ensuite, que l’on peut bâtir un nouveau modèle économique, respectueux d’un équilibre entre l’homme et son environnement. L’enjeu porte sur 440 Md€ d’investissements et 600.000 créations d’emplois d’ici 2020 ; la certitude, enfin, que nos réponses ne peuvent plus passer par une augmentation du déficit : il faut en finir avec cette facilité, à laquelle nous avons trop longtemps cédé, pour imaginer de nouvelles formes à l’action de l’Etat.
Ce budget est construit dans un esprit de responsabilité.
La réduction du déficit est aujourd’hui un impératif, non pas pour sacrifier à un quelconque dogme, mais pour préserver un modèle économique, social et environnemental, auquel notre société est profondément attachée. L’idée veut, du moins c’est ce qui a tendance à ressortir des articles de presse, qu’écologie ou, si je personnalise, que Borloo rime avec déficit public. Vous savez mon attachement au développement durable. Eh bien, les finances publiques ne sont pas en dehors de son champ ! Il faut dépasser la caricature pour se convaincre qu’il n’y a pas d’opposition entre, d’un côté, réduction du déficit et, de l’autre, politique de transition environnementale.
Un exemple : le bonus/malus écologique sur les voitures. On nous reproche un déficit de 500 M€ en 2009 ; un déficit du même ordre de grandeur cette année. Il est vrai qu’on est loin de l’équilibre mais, pour autant, coûte-t-il vraiment 500 M€ à l’Etat ? Non. C’est oublier que, sur ces 2 années, le bonus/malus a été un puissant dispositif de soutien à notre industrie automobile, un complément indissociable de la prime à la casse. Ensemble, ces deux dispositifs ont préservé l’emploi et, donc, des cotisations et des impôts. Ensemble, ils ont constitué un puissant outil de soutien des ventes, qui a préservé des recettes de TVA.
Qui en parle ?
Personne.
Si vous faites l’analyse, vous vous rendez compte que l’Etat n’est pas perdant, qu’il a regagné en TVA ce qu’il a versé dans le bonus/malus. Au-delà de la seule dimension financière, si vous adoptez une approche socioéconomique, plus juste de la réalité, la France est même largement gagnante !
Pour en revenir aux perspectives de 2011, le budget de ce ministère ne déroge pas à l’exigence de responsabilité. Il s’inscrit pleinement dans l’objectif de maîtrise des dépenses, à la fois budgétaires et fiscales, sans pour autant renoncer, je le souligne, à nos ambitions.
Nous concentrons les efforts sur 3 axes :
On s’est beaucoup ému, dans la presse, de la baisse de 10% des crédits d’impôts « verts ». J’assume tout à fait cette baisse. Pour moi, il n’y a rien d’anormal à ce que l’avantage fiscal soit ajusté au même titre qu’un certain nombre d’autres dispositifs - c’est plus la question de l’exception au « rabot » qui devrait faire débat.
La baisse de 10 % ne remet pas en cause l’efficacité des outils que nous nous sommes donnés avec ces crédits d’impôt – 90 % de l’avantage fiscal est maintenu !
Je suis persuadé qu’on trouve un meilleur équilibre entre le coût pour le contribuable et l’incitation économique pour le consommateur ou le propriétaire d’un logement.
les réductions d’effectifs : le ministère a une longue tradition de modernisation. Il a su montrer par le passé qu’il savait s’adapter, à la première puis à la seconde vague de la décentralisation ; il le prouve encore avec le succès de la création de ce grand ministère. Cette réorganisation des structures, qui va de pair avec une modernisation de notre action et une réorientation de nos activités sur les priorités du Grenelle, permet de poursuivre l’effort de réduction des effectifs - ce sont 1.287 emplois qui ne seront pas remplacés en 2011. Il ne s’agit pas de la pure application d’une norme arbitraire : ces réductions d’effectifs s’appuient sur des réformes précises, pertinentes ; elles n’empêchent pas de renforcer les moyens sur les politiques du Grenelle.
la maîtrise des dépenses : ce budget affiche une stricte stabilité de ses moyens en 2011. Ce résultat recouvre, à l’intérieur, une baisse de 2% des crédits budgétaires, compensée par une légère progression des ressources extrabudgétaires (le fonds Barnier notamment).
Stabilité ne veut pas dire identité : les économies que nous réalisons, par exemple en diminuant nos dépenses de fonctionnement de 10 % en 3 ans, nous permettent de dégager des moyens supplémentaires sur nos priorités.
En moins de 2 ans, notre pays a connu des bouleversements dans tous les chantiers que nous avons ouverts : l’énergie, le bâtiment, les transports, la biodiversité, l’agriculture …
La prise de conscience collective, que nous devons à tous les acteurs du Grenelle Environnement, débouche maintenant sur des résultats clairement visibles.
Ces ruptures sont confirmées dans tous les baromètres, nationaux, européens et internationaux. Nos actions portent leurs fruits. Avec ce budget, pour 2011 et son prolongement jusqu’en 2013, nous nous donnons tous les moyens d’inscrire ces résultats dans la durée.
Dans un contexte marqué par une contrainte budgétaire forte, le financement des actions du Grenelle Environnement a ainsi été préservé sur toute la durée couverte par le budget 2011-2013, alors que les autres postes de dépenses devaient globalement être réduits de 10 % :
les moyens consacrés en particulier à l’urbanisme durable, à la protection de la biodiversité, des paysages et de l’eau, à la prévention des risques sont reconduits, à données comparables, à un niveau historiquement élevé de plus de 600 M€ (+ 60 % par rapport à 2007).
les opérateurs de référence dans la mise en oeuvre du Grenelle Environnement voient de la même façon leurs moyens confortés. Pour prendre 2 exemples, l’ADEME et l’AFITF :
L’ADEME amplifie son action sur la résorption des points noirs du bruit, sur le soutien aux projets de chaleur renouvelable, sur la dépollution des sites industriels et le traitement des déchets en portant sa programmation sur les actions du Grenelle à 500 M€ par an (contre 320 M€ il y a 2 ans). Le renforcement de ses moyens nous permettra de dépasser les objectifs que nous nous étions fixés et d’inscrire les actions dans la durée.
Ce sont au total 2,3 Md€ qui seront investis sur ces actions d’ici 2013, contre une programmation de 1,7 Md€ initialement prévue en 2008. Par exemple, le fonds « chaleur » sera doté au total de plus de 1,2 Md€ d’ici 2013 : nous ne visions qu’un montant de 1 Md€ initialement ; l’Agence consacrera 700 M€ d’ici 2013 (contre 400 M€ initialement prévus) pour promouvoir une politique de gestion et de valorisation des déchets plus responsable.
L’AFITF voit son financement sécurisé sur la durée. C’est grâce non seulement au maintien d’une subvention budgétaire de 1 Md€ par an sur toute la durée du budget 2011-2013, mais c’est aussi grâce à la mise en place de la taxe poids lourds. Après les mauvaises polémiques du printemps sur le report supposé de la taxe poids lourds, je veux redire que j’assume complètement cette taxe : l’éco-taxe poids lourds est un engagement du Grenelle : elle s’inscrit dans une logique de vérité des coûts du transport routier. Sans la correction de ce biais, nous n’arriverons pas à un plus juste rééquilibrage modal ; le produit de cette taxe va directement servir le financement d’infrastructures de transport durable : ferroviaire, fluvial, maritime, …
Au total, nos engagements financiers sont au rendez-vous. Il y a 2 ans, quand je vous avais présenté la programmation financière du Grenelle Environnement pour la période 2009-2011, je vous avais annoncé un engagement de 19 Md€ sur 3 ans (dont 7,3 Md€ en paiements). Nous n’en sommes pas loin ; nous l’avons même dépassé, si je fais abstraction du décalage au début de l’année 2012 du lancement du projet de canal Seine-Nord-Europe.
Cet effort va même en réalité bien au-delà, avec la mise en oeuvre du plan de relance et l’accélération donnée par le grand emprunt.
Avec le plan de relance, ce sont 5 Md€ d’investissements supplémentaires en 2 ans réalisés dans des actions relevant du développement durable. L’Etat y a participé directement à hauteur de 1,6 Md€, avec 900 M€ investis dans l’accélération des infrastructures de transport durable (ferroviaire, fluvial, maritime, …) ; 200 M€ dans la réalisation d’audits énergétiques et la rénovation thermique des bâtiments de l’Etat ; 100 M€ dans la lutte contre l’habitat indigne et la précarité énergétique (Anah), sans parler de la prime à la casse. Aux côtés de l’Etat, les entreprises publiques ont contribué à l’effort pour 3,5 Md€ (dont 2,5 Md€ pour EDF destinés surtout à conforter les réseaux d’électricité).
Avec le grand emprunt, ce sont 10 Md€ d’investissements supplémentaires en faveur du développement durable. Sur ce montant, 6 Md€ seront consacrés à la recherche dans les énergies renouvelables (2,35 Md€) et décarbonées (1 Md€), les transports durables (2,5 Md€) et les déchets (0,25 Md€). La ville durable bénéficiera aussi de 1 Md€ et la rénovation thermique de 500 M€ supplémentaires. Au-delà des financements spécifiquement fléchés sur des thématiques du développement durable (un peu moins de 8 Md€), d’autres dispositifs du grand emprunt bénéficieront aussi plus largement à la croissance « verte » : les prêts « verts » distribués par OSEO (500 M€) pour soutenir des entreprises à adapter leur appareil de production. Je pense aussi aux actions transversales de soutien aux filières de croissance innovantes.
Il ne faut pas non plus relativiser la puissance de la fiscalité pour faire évoluer notre société. Nous avons déjà fait énormément dans le verdissement de la fiscalité. Depuis 2 ans, nous avons mis en place près de 70 mesures de fiscalité verte couvrant l’ensemble des chantiers du Grenelle. Pour ne citer que quelques exemples : l’éco-PTZ pour financer des bouquets de travaux de rénovation thermique lourds chez les particuliers - déjà 2,5 Md€ de travaux financés par l’éco-PTZ ; la prorogation et l’extension du crédit d’impôt 200 quater pour financer des travaux d’économies d’énergie - déjà 15 Md€ de travaux financés en 2 ans le bonus/malus écologique sur les voitures.
Nous pouvons donc nous appuyer sur ce socle déjà solide de 70 mesures avant d’envisager une 2ème étape importante dans le verdissement de la fiscalité. Pour cette 2ème étape, nous aurons besoin d’une évaluation précise que nous allons engager en 2011.
Sans attendre cette 2ème étape, je signalerais 2 points :
C’est la première fois qu’on conçoit dès le départ un nouveau dispositif intégrant la dimension « verte » ;
même si le PLF 2011 ne comporte pas de disposition, j’ai l’intention d’aller beaucoup plus vite dans l’évolution du bonus/malus. Nous avions déjà anticipé de 1 an la baisse de 5g du barème en 2011 (elle n’était prévue qu’en 2012). On doit pouvoir aller encore plus loin en 2012 : je ferai des propositions prochainement.
Ce budget fait aussi le pari de l’investissement dans l’avenir. Face à un modèle de croissance désormais à bout de souffle dans nos économies occidentales, nous n’avons pas d’autre choix, pour préparer l’avenir et rester dans la course de la compétitivité mondiale, que d’investir dans la recherche et l’innovation, en particulier dans les technologies vertes.
Le Grenelle Environnement a marqué un tournant dans cette prise de conscience - nous nous sommes fixé un objectif d’investissement de 1 Md€ supplémentaires d’ici 2012. Cet objectif sera largement dépassé avec 1,8 Md€ investi à cette date.
Le grand emprunt vient encore démultiplier l’effort sur le financement de la recherche et les technologies vertes. Comme je l’indiquais à l’instant, près de 6 Md€ sont ainsi plus particulièrement ciblés pour aider des projets porteurs de ruptures technologiques, au service d’une croissance plus durable. Avec ce programme exceptionnel, qui prolonge l’effort déjà sans précédent initié par le Grenelle Environnement, nous nous donnons les moyens d’accélérer notre avance pour faire de la France un acteur incontournable de l’économie verte de demain.
Les risques ne sont pas que naturels ; ils sont aussi issus de l’activité de l’homme - c’est l’objet des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), qui entrent désormais dans une phase opérationnelle. Pour ce faire : nous dégageons un budget de 100 M€ en 2011 pour financer la préparation, le suivi et l’exécution des PPRT et nous visons ainsi un taux de 60 % d’approbation des PPRT pour l’année prochaine.
Pour Europe Ecologie, "l’attaque contre le crédit d’impôt écologique symbolise l’absence de stratégie du gouvernement". Dans un communiqué de presse, la formation écologiste dénonce "Alors que le gouvernement s’attaque au crédit d’impôt pour les énergies renouvelables ou les économies d’énergie, l’argent public ne vaut pas cher lorsqu’il s’agit de soutenir des projets d’infrastructures inutiles, d’aider nos grands « champions » du nucléaire, du béton, de l’agriculture intensive… Construction de routes, aéroport Notre-dame-des-Landes, agrocarburants, dérapage financier d’ITER : ce sont des milliards qui sont gaspillés. En refusant d’engager fortement la France dans l’économie verte, on la condamne à une double-peine : on ne réduit en rien la délocalisation des entreprises traditionnelles et on passe à coté des emplois industriels de demain lies à la révolution écologique".
"Face au clientélisme économique et au fatalisme industriel, Europe Ecologie a dévoilé lundi 27 septembre un budget alternatif. Un budget qui, par un impôt juste et écologique et l’abandon des mesures socialement et écologiquement inefficaces, permet à la fois de réduire le déficit de l’Etat de 27 milliards d’euros en 2011 et d’investir 14 milliards dans la conversion écologique de l’économie et dans la solidarité. Au budget dogmatique et court-termiste du gouvernement, Europe Ecologie oppose un budget juste, économe et stratège. C’est dans ce sens que ses député-e-s déposeront des amendements au projet de loi de finances 2011 lors de son examen à l’Assemblée Nationale".
Ségolène Royal dénonce un "budget anti-écologique". Au demeurant, elle a fustigé sur France 2 un "budget anti-écologique", expliquant que "l’un des ressorts de la croissance, c’est la croissance verte qui est très directement frappée, freinée puisque les impôts supplémentaires arrivent sur l’énergie photovoltaïque avec la réduction de l’avantage fiscal". Pour elle, "cette filière est gravement déstabilisée", or "c’est un de nos atouts industriels majeurs".