La Cour rend public un référé adressé le 3 novembre 2011 au Premier ministre sur l’impact budgétaire et fiscal du Grenelle de l’environnement. Quatre ans après son lancement, la Cour a effectué un premier bilan de sa mise en oeuvre, afin d’apprécier son impact budgétaire et fiscal au regard des premiers résultats obtenus (lire aussi Grenelle : vers une cata budgétaire)...
En application du code des juridictions financières (article R. 135-1), le Premier président de la Cour des comptes adresse des « référés » au Premier ministre ou aux ministres concernés, pour leur faire connaître les observations et recommandations formulées par la Cour sur la gestion des services de l’Etat et des autres organismes publics, y compris les institutions de sécurité sociale. A l’issue du délai de deux mois dont disposent les destinataires pour répondre, ces référés, accompagnés des réponses qui leur sont apportées, sont transmis aux commissions des finances et, dans leur domaine de compétence, aux commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat (article L. 143-5).
Conformément à la mission d’information des citoyens que l’article 47-2 de la Constitution assigne à la Cour des comptes et aux nouvelles dispositions de la loi du 13 décembre 2011 qui lui permettent, sans autre réserve que le respect des secrets protégés par la loi, de rendre publiques toutes ses observations et ses recommandations, le Premier président a décidé de rendre publics les « référés », dans des conditions qui respectent le principe de contradiction qui s’impose aux travaux rendus publics par la Cour.
Le Grenelle de l’environnement est reconnu comme étant un dispositif extrêmement ambitieux. Au demeurant, le budget triennal de l’Etat pour la période 2009 – 2011 prévoyait de lui consacrer 4,5 Md€. La dépense exécutée ne s’élève finalement qu’à 3,5 Md€.
En effet, le gouvernement a su en limiter l’impact sur le budget de l’Etat en le finançant majoritairement par des redéploiements ou en exploitant les marges de manoeuvre offertes par la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques en ce qui concerne les créations de postes.
En revanche, le volet fiscal a été nettement moins maîtrisé : au total, le volet fiscal du Grenelle a représenté un coût de 2,5 Md€ pour l’Etat, alors qu’il devait initialement être équilibré. En effet, les dépenses fiscales, efficaces mais très coûteuses, ont toutes été mises en oeuvre, sans que le gouvernement estime pour autant opportun de diminuer, a fortiori de supprimer, celles dont l’impact environnemental apparaît négatif notamment par rapport aux objectifs définis par le Grenelle. Quant aux recettes prévues (contribution carbone et écotaxe poids-lourds), leur mise en oeuvre a été retardée. Ainsi, les recettes des taxes issues du Grenelle n’ont atteint que 1,37 Md€, alors que les dépenses fiscales ont eu un coût de 1,9 Md€ et le bonus automobile de 1,95 Md€.
Quatre ans après le début du Grenelle, les résultats apparaissent donc contrastés. La mobilisation de la société civile, la mise en place de dispositifs fiscaux très puissants et très coûteux ou la pression communautaire ont permis d’atteindre de bons résultats dans les secteurs du bâtiment, des énergies renouvelables et de la politique de l’eau. Un tiers des bâtiments neufs construits en 2011 respectent les normes « basse consommation » ; les émissions de gaz à effet de serre du secteur résidentiel ont été réduites de 7,5 % en deux ans et les stations d’épuration les plus importantes ont été mises aux normes européennes.
A l’inverse, dans le domaine des transports ou de l’agriculture, les objectifs fixés par le Grenelle pour 2012 ne pourront être atteints, soit que les moyens consacrés à ces politiques n’aient pas été mis en adéquation avec les résultats attendus, soit en raison du maintien d’une politique fiscale ou de dispositions règlementaires qui entrent en contradiction avec les objectifs fixés. La part du fret non routier est en constante diminution depuis 2007 et l’objectif de 6 % de la surface agricole utile exploitée en agriculture biologique ne sera pas atteint en 2012. Enfin, l’objectif intermédiaire fixé pour 2012 pour la production d’énergie renouvelable (14% d’énergie renouvelable) devrait être atteint sans difficulté. Le bonus-malus automobile a coûté 1,5 Md€ entre 2008 – 2011 et ses résultats sont contrastés. Il a permis une diminution des émissions moyennes de gaz carbonique des véhicules neufs, mais des études ont montré qu’il aurait entraîné une augmentation des émissions totales de CO2.
À l’issue de cet examen, la Cour a formulé plusieurs recommandations visant à :
améliorer le suivi du Grenelle, afin que le Parlement puisse procéder aux arbitrages nécessaires ;
adapter certains engagements initiaux (notamment dans le domaine des transports) à la nouvelle situation des finances publiques ;
mettre en oeuvre rapidement les taxes prévues par le Grenelle ;
procéder à la mise en cohérence de la fiscalité des carburants avec les objectifs du Grenelle pour modifier les comportements environnementaux.
Le référé est publié par la Cour avec la réponse que le Premier ministre a adressée à la Cour le 30 décembre 2011 : à lire via ce lien.