Incinérateur à Fos-sur-mer : une Enquête publique agitée
L'affrontement entre Ouest Provence et la Communauté Urbaine de Marseille sur l'implantation de l'unité d'incinération-méthanisation dans la zone portuaire de Fos-sur-mer continue à l'occasion de l'Enquête publique. La première réunion publique s'est tenue la semaine dernière afin de présenter le projet à la population de Fos-sur-Mer : 800 personnes étaient présentes pour redire leur opposition au projet, et une pétition de 5 000 signatures était remise aux représentants de la CUM, du Port Autonome, de l'Etat, de la DRIRE, du consortium fabricant Everé-Valorga (Ensemble de Valorisation Energétique des Résidus). Mais, pour Bernard Granié, président de Ouest Provence, la question n'est plus de se prononcer pour ou contre l'incinérateur mais de "savoir si on peut impunément nous imposer un équipement industriel que nous ne voulons pas ? Est-il possible que soient remises en cause les compétences des collectivités locales, que la loi a fixé ? Et pourquoi n’a-t-il pas été possible à la CUM. de trouver 18 hectares sur son territoire ?..."
Au début du mois de septembre, alors que l'Enquête publique démarrait, Ouest Provence a rappelé "sa décision réglementaire d’interdire l’implantation d’incinérateurs de déchets ménagers sur une zone de 1300 hectares du site du « Caban » de la zone industrielle de Fos-sur-Mer" . Elle a indiqué qu'elle engagerait les voies de recours, dont l’intercommunalité dispose pour s’opposer à cette démarche sans fondement, puisque la zone sur laquelle est prévue l’implantation de l’incinérateur est désormais inconstructible."
Dans le cadre de l'Enquête publique, le Commissaire Enquêteur, Jean-Claude Sari, organisait le premier débat public vendredi dernier.
Le représentant de Marseille Provence Métropole, Robert Assante, arrivé sous escorte policière, a écouté le "réquisitoire d’une salle gonflée à bloc pendant près de trois heures et comptant près de 800 personnes venues une nouvelle fois manifester avec force leur opposition au projet d’incinérateur de la Communauté urbaine de Marseille à Fos-sur-Mer".
Les représentants d’Everé (Ensemble de Valorisation Énergétique des Résidus), groupement formé par Urbaser et Valorga, ont ensuite présenté leur centre multi-filière de traitement des déchets. « Notre objectif est de réduire les déchets à la source, de donner la priorité au tri, au recyclage et à la valorisation organique et de réduire le volume des déchets mis en décharge » expliquait en préambule Claude Saint-Joli, représentant d’Everé. Un objectif qui n’a pas convaincu la salle, et Claude Saint-Joli de poursuivre : « 90% des déchets seront acheminés par voie ferrée, notre site répond aux orientations fixées par le PAM, à savoir favoriser l’installation sur ce site d’unités productrices d’énergie ». Enfin Claude Saint-Joli a avancé des chiffres immédiatement remis en question par la salle : « Nous traiterons sur place 410 000 tonnes, 90% des déchets entrants seront valorisés sous forme de production d’énergie, 110 000 tonnes par voie de méthanisation et 300000 tonnes au sein de l’unité de valorisation énergétique, cela représente 80 000 tonnes équivalent pétrole ». Et de conclure sous les sifflets : « notre projet représente 200 emplois sur 2 ans (nddlr. Pendant la durée de construction de l’équipement) et 85 emplois sur 25 ans ».
Les représentants de la société URS, mandatée par Everé pour réaliser l’étude d’impact du projet ont subi le même sort et affronté de nombreuses réserves quant au prétendu respect par l’incinérateur des « normes réglementaires par traitement thermique des fumées, par la filtration des poussières, par un traitement catalytique des rejets… ». Même son de cloche du côté du professeur Narbonne, qui en tant que scientifique, assurait que les incinérateurs dernière génération « respectent les normes réglementaires et qu’au 1er janvier prochain, tous les incinérateurs seront conformes à la loi ».
Des garanties jugées insuffisantes par Bernard Granié qui a réclamé en la matière l’application du principe de précaution.
Un credo repris en force par Yves Vidal, vice-président de Ouest Provence et maire de Grans : « Ne tombons pas dans le piège du débat scientifiquement sur la fixation du seuil de toxicité pour les dioxines, peut importe. Je souhaite m’adresser ce soir à Robert Assante pour lui demander, pourquoi un tel entêtement ? Après avoir pollué les autres avec votre décharge, vous continuez à vouloir vous débarasser de vos déchets sur le territoire des autres. Nous avons fait un effort de solidarité et proposé une autre solution pour traiter vos déchets, acceptant de régler votre problème. Mais laissez nous au moins, choisir sur notre sol le mode de traitement de vos déchets ! » ?
Ce à quoi répondait Robert Assante : « Notre solution est cohérente, nous envisageons Fos parce que le port de Marseille veut industrialiser 220 hectares et que notre projet entre de plain-pied dans les orientations décidées par le Conseil d’Administration du PAM... De toute façon, si ce n’est pas l’incinérateur, ça ne sera pas un centre de loisirs ! ».
En guise de conclusion, Bernard Granié déclarait « C’est un hold-up de la Communauté urbaine sur notre territoire ».
Pour Ouest Provence, cette réunion, à la demande de René Raimondi, maire de Fos-sur-Mer "aura au moins eu le mérite de montrer toute la détermination des élus et des habitants du territoire, et surtout de prolonger l’Enquête publique de 15 jours supplémentaires, de quoi collecter de nouvelles signatures."